Après son premier livre sur “L’Odysée des vins grecs”, consacré au méconnu vignoble grec, Florence Tilkens Zotiades continue sur son fil d’Ariane en s’attaquant, dans son second ouvrage, à la place des femmes dans le monde viticole. “A l’époque du paléolithique, comme s’accordent à le dire tous les chercheurs, c’est la femme, lors des activités de collecte, qui ramenaient 75 à 80% des nutriments du clan. Et c’est au cours d’une de ces nombreuses collectes, que les femmes auraient observé des oiseaux et des insectes se régaler avec des baies très colorées, qui étaient en réalité du raisin”. C’est alors qu’elles en auraient ramassées et ramenées dans leurs habitations. Entassées, ces baies auraient alors produit du jus et, au contact des levures présentes sur les peaux d’animaux, un processus de fermentation aurait été enclenché. De quoi attirer la curiosité des populations qui goûtent et en apprécient la saveur. Au point d’avoir envie de reproduire ce nectar, très utile à la cuisson des viandes par exemple.
A la période néolithique, le passage du nomadisme à la sédentarité s’expliquerait, selon un chercheur américain, qu’elle cite dans son livre intitulé intitulé “Vins, Vignes et femmes” (aux éditions Apogée), par le fait que cela permettait aux populations d’avoir leur apport régulier d’éthanol notamment avec la bière produite à partir du blé, et le vin grâce à la viticulture. “Les femmes commencent donc à planter et cultiver des pieds de vignes. Elles constatent que certains pieds, dits hermaphrodites, vont produire tous les ans”. Ce qui va donc pousser ces “fines observatrices” à en planter davantage. “Petit à petit, la production de vins devient ainsi régulière”, avance Florence Tilkens Zotiades.
Si les femmes sont celles qui auraient découvert le vin, elles vont vite être exclues du monde viticole. “A partir du moment où l’Homme va maîtriser le métal et où la conquête va devenir l’élément d’extension et de richesse, le pouvoir nourricier de la femme va disparaître”, poursuit l’autrice. Car les hommes vont s’accaparer des ressources par la guerre et le vin devient un moyen d’échange économique mais aussi politique. A l’époque mésopotamienne, les femmes, appartenant à l’élite, seront ainsi déléguées à la reproduction et au maintien du foyer.
Son ouvrage se poursuit ensuite à l’époque romaine, durant laquelle celles qui sont surprises à consommer de l’alcool pouvaient être condamnées à mort. Aussi, les femmes ne pouvaient pas non plus travailler les vignes, dont elles n’auront pas non plus le droit d’hériter. Mais à chaque culture, ses règles. “Après la chute de l’Empire romain, les tribus barbares venant d’Allemagne, elles, consommaient de la bière et de vin, qui n’était pas interdite aux femmes”.
Sans vouloir tout dévoiler, le livre de Florence Tilkens Zotiades aborde aussi le Moyen Âge, en mettant en lumière ces grandes ambassadrices du l’importance des femmes dans le vin qui furent Eléonore d’Aquitaine, qui vendra du Bordeaux aux Anglais, ou encore de Catherine de Médicis qui aurait ramené en Italie certains cépages français.
L’ouvrage se poursuit jusqu’à nos jours, avec le retour des femmes dans le monde viticole en particulier lors de la Première guerre mondiale, alors que les hommes sont sur le front. A la fin du conflit, avec la mise en place de la politique nataliste, elles sont à nouveau discriminées. “Il faudra attendre la fin de la Seconde guerre mondiale pour que leur travail soit enfin reconnu, que leur salaire soit revalorisé et qu’elles aient la reconnaissance méritée”. Si aujourd’hui le monde de l’œnologie s’est beaucoup féminisé, Florence Tilkens Zotiades rappelle qu’il faut rester prudent, certains pensant encore que les femmes ne savent pas reconnaître les vins.
Pour écrire ce livre, la Française s’est lancée dans un an et demi de recherches et a interviewé cinq professionnelles du vin – dont une vigneronne, une dégustratrice internationale, une importatrice… – pour avoir une vision globale de la place des femmes dans l’industrie viticole. Elle insiste sur le fait que ce n’est pas un ouvrage d’opinion, mais s’appuie sur des recherches historiques et des faits. “Les femmes, en plus de l’avoir découvert selon les chercheurs, sont un talent pour la vigne. Je souhaitais simplement leur rendre leur place, restituer la réalité dans leur rôle essentiel”.