Certains Français de Grande-Bretagne n’ont (vraiment) pas de répit. Après avoir participé, pour plusieurs d’entre eux, aux élections locales anglaises – pour élire le maire de Londres, par exemple – aux Européennes, puis aux législatives anticipées françaises, les voilà qui s’apprêtent à faire également entendre leur voix pour désigner le futur Premier ministre britannique.
La nouvelle avait surpris, fin mai, de ce côté-ci de la Manche. Rishi Sunak annonçait la tenue d’« élections générales » le jeudi 4 juillet prochain, alors que les commentateurs les prévoyaient plutôt à la rentrée, à l’automne. De nombreux Britanniques devraient par conséquent voter, cette semaine. Parmi eux, un certain nombre de Français naturalisés.
Et pour beaucoup, ce sera la première fois. Comme l’explique Marie (*), au nord de l’Angleterre, établie depuis une vingtaine d’années au Royaume-Uni mais qui n’a fait les démarches pour une naturalisation qu’il y a un peu plus d’un an, ce qui lui donne le droit de voter à l’échelle nationale (jusqu’au Brexit, les citoyens européens pouvaient prendre part à des élections locales, comme des municipales… en revanche, pour voter au niveau national, il faut obligatoirement la nationalité britannique).
Un argument qui a pesé – ainsi que pour son conjoint – dans sa décision de devenir Britannique… et ce, surtout à cause du Brexit. Non naturalisé en 2016, le couple n’avait pu prendre part au référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne du Royaume-Uni alors que cet événement aurait pu relativement impacter leur vie. « Cela nous a mis un sacré coup au moral, explique Marie. Je ne voulais pas continuer à être spectatrice. »
Un avis partagé, à Londres, par Caroline – « le système du ‘pre-settled’ et ‘settled’ status ne me convenait pas, on est dépendant des décisions politiques » – par ailleurs assez remontée contre des choix politiques qu’elle juge « ultra libéraux » de ces dernières années. Ne plus vouloir être qu’observatrice, c’est aussi ce qui anime Laure qui explique avoir vécu « 11 ans aux États-Unis sans pouvoir voter car (elle) n’était pas naturalisée ». « Et cela m’avait vraiment manqué car je payais les mêmes impôts que les Américains sans pouvoir avoir mon mot à dire sur les dirigeants ou les mesures importantes. Pour moi, il est très important de pouvoir pleinement partager la vie du pays où j’habite. »
De son côté, Sandra, à Glasgow, indique que l’accès au vote était certes « important » mais « pas déterminant » dans sa volonté de naturalisation. Pour autant, elle insiste sur le fait qu’il s’agit d’un « droit fondamental » de la citoyenneté. « Je vis et je travaille ici donc c’est important pour moi de participer à la vie politique du pays ».
Et ce vote l’est, essentiel. Car les Britanniques votent pour leurs députés, évidemment déterminants pour la direction du pays. « Les 650 députés de la ‘House of Commons’ (l’équivalent de l’Assemblée nationale, ndlr) sont élus au suffrage universel direct, explique Laura. Et le gouvernement est bien sûr choisi par le parti qui détient la majorité à la chambre ». Techniquement, le Prime Minister (PM) est désigné par le roi mais il doit normalement s’agir du leader du parti avec le plus de voix. Le PM est un personnage central au Royaume-Uni car si le roi est bien le chef de l’État, il ne dispose pas véritablement de pouvoir et il n’y a pas de président… d’où une atmosphère de présidentielle, également, autour de ce type de vote, qui voit surtout l’affrontement entre le Premier ministre sortant (cette année, Rishi Sunak, conservateur) et le chef de l’opposition (Keir Starmer, travailliste). « Ce sont les élections les plus importantes du pays », indique Philippe, qui en sera à ses troisièmes élections générales.
Une remarque que vient néanmoins quelque peu nuancer Sandra – autre petite différence culturelle avec la France oblige – pour qui les élections locales écossaises sont aussi voire plus essentielles, rappelant le fonctionnement en « nations » du Royaume-Uni et le principe de « dévolution » des pouvoirs. « L’Écosse (…) peut mener ses propres politiques en matière d’éducation, de transport, de logement, santé… ».
Bien sûr, ces Français s’apprêtant à prendre part au vote sont relativement au fait de l’actualité politique du Royaume-Uni et certains suivent la campagne actuelle de manière particulièrement assidue. A l’instar d’Antoine, dont la politique fait partie du quotidien. « De par mon travail, je suis la politique britannique au jour le jour et en détails, notamment dans le processus législatif, argumentatif et réglementaire. J’ai regardé les différents débats, notamment lors de soirées avec des amis. » Marie indique aussi suivre les actualités, écouter la radio et des podcasts politiques… De son côté, Gwendoline dit se tenir informée de l’actualité via l’application de la BBC et avoir activé un dispositif pour recevoir « plus de notifications sur les élections/candidats ». « C’est important de se tenir informé pour pouvoir faire le choix qui nous convient le mieux. »
Sans trop de surprise, la plupart de ces électeurs disent voter pour des orientations politiques relativement similaires de part et d’autre de la Manche. Pour Sandra, il y a en outre, en ce moment, pas mal de points communs dans les préoccupations des gens entre les deux pays comme« les difficultés liées au coût de la vie et l’inflation, la santé, le changement climatique… ».Même s’il y a bien sûr, aussi, des spécificités…. le débat autour de l’indépendance de l’Écosse, par exemple… Pour Antoine, il serait même en réalité impossible de parler de « symétrie partisane », les dynamiques politiques s’inscrivant aussi dans des « courants domestiques », locaux. Lui voit par ailleurs des différences d’« axe de lecture » dans les échiquiers politiques, « la politique économique étant l’axe primaire de l’échiquier britannique », selon lui, « contre un acte plus socio-culturel en France ».
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(*) La personne n’a pas souhaité préciser son nom de famille