Deux années outre-Manche ont suffi à Eva Goudouneix pour trouver sa place dans l’activisme écologique. Initialement venue en Grande-Bretagne pour achever ses études, la Française de 24 ans est aujourd’hui chargée de mission à Repowering London. Cette fonction, au sein de l’entreprise solidaire, vient de la conduire à coordonner une levée de fonds de £137.000 destinés à financer l’installation de panneaux solaires sur deux écoles situées dans le quartier de Lambeth. La concrétisation d’un projet de longue haleine qui est appelé à être reproduit.
Née à une époque et dans une famille où la préoccupation écologique était grandissante, Eva Goudouneix fait progressivement de la lutte contre le dérèglement climatique un objectif de vie. C’est après avoir réalisé une double licence, en économie et en allemand, que la Parisienne s’aperçoit que les masters abordant l’environnement avec une dimension politique se font rares dans l’Hexagone. Elle qui ne se voyait pas faire Sciences Po ou passer par un cursus d’ingénieur se résout donc à achever sa formation en Grande-Bretagne où le champ des possibles semble plus large. Avant de plier bagage, elle s’accorde une année de césure pour organiser son départ et en profite pour réaliser un stage auprès de Green Cross. Au sein de cette ONG écologiste, la jeune femme organise de nombreuses conférences sur l’environnement. Une démarche louable mais qui ne la satisfait pas pleinement. “Ça manquait de concret car les plaidoyers servaient surtout à prêcher des convaincus”, confie-t-elle.
En 2017, Eva Goudouneix s’installe donc à Londres pour y réaliser son master mêlant économie et politique au prisme de l’énergie et de l’environnement. Une année riche qui contribue à élever sa conscience de l’enjeu que représentent les politiques énergétiques dans la lutte contre le dérèglement climatique. Dans la foulée, elle décroche un emploi chez un fournisseur d’électricité renouvelable. Puis, entre finalement à Repowering London en avril 2019 où elle semble avoir trouvé sa place, malgré un contrat à temps partiel la contraignant à faire les marchés pour boucler les fins de mois.
Depuis son arrivée à Repowering, Eva Goudouneix supervise l’aspect communautaire du projet Lambeth Community Solar visant à équiper les bâtiments publics du quartier en panneaux photovoltaïques. A terme, il devrait permettre d’allier écologie et économie puisque Repowering revendra son électricité verte aux édifices publics équipés à un prix 5 à 10% moins cher que celui du marché traditionnel.
Pour atteindre cet objectif, la société doit financer l’installation des panneaux solaires en collectant des fonds auprès des habitants du quartier. Ce faisant, ils acquièrent en quelque sorte des “actions” dans le projet et reçoivent des intérêts à hauteur de 3% par an grâce aux recettes de l’électricité produite. Outre l’apport financier, l’objectif porté par l’entreprise à but non-lucratif est de créer une synergie de quartier autour du projet. Un travail de promotion et d’éveil des consciences dans laquelle se retrouve pleinement Eva Goudouneix. “On aura beau installer des panneaux solaires sur tous les lieux publics, si personne n’est engagé ça perd de son sens”, s’exclame-t-elle.
Alors que la levée de fonds des quelque £137.000 nécessaires à la réalisation du projet a été lancée mardi 24 septembre, Eva Goudouneix s’interroge sur la pérennité de tels modèles économiques. En effet, la fin annoncée de la subvention gouvernementale aux énergies renouvelables, dite Feed-in tariff, devrait rendre moins attractif ce genre d’équipements et affaiblir les projets tels que le Lambeth Community Solar.
Pour autant, la Française se verrait bien rester de longues années au sein de cette organisation et espère pouvoir, un jour, y travailler à plein temps. Et pour cause, la société créée en 2011 œuvre tout aussi bien sur le volet environnemental que social en luttant, par exemple, contre la précarité énergétique. “Ça me plaît de voir que le combat contre le dérèglement climatique et contre les inégalités se rejoignent”, lâche-t-elle, avant d’ajouter “j’ai trouvé ma voie quand j’ai réalisé qu’il était possible de faire les deux en même temps”.
A en croire la jeune femme, cet accomplissement serait en partie dû à une prise de conscience plus forte de l’urgence climatique de ce côté de la Manche. “En France, on a encore du mal à ériger l’écologie en priorité numéro un”, déplore-t-elle. Finalement, Eva Goudouneix s’interroge aussi sur un potentiel retour en France en se disant qu’elle “ne peut pas rester ici à (se) plaindre que rien ne se fasse” dans son pays natal, avant d’ajouter qu’elle aimerait bien y retourner pour y appliquer les mêmes recettes.