La tenue vestimentaire des juges et des avocats britanniques peut sembler tout droit sortie de la Renaissance : la tradition du port d’une perruque blanche et d’une robe remonte en effet au XVIIe siècle, et l’uniforme n’a pas beaucoup changé depuis. Pourquoi est-ce le cas, alors que dans la plupart des pays occidentaux le port de la perruque a été abandonné depuis des décennies ? Mais cette exception pourrait bientôt prendre fin. Explications.
En 1625, un article universitaire intitulé The Discourse on Robes and Apparel a changé à jamais la façon dont les hauts magistrats britanniques s’habillaient. Ce texte a conduit à l’adoption de la robe et de la perruque comme uniforme pour distinguer les juges et les avocats des autres membres de la société. The Discourse on Robes and Apparel ne dictait pas seulement ce qui pouvait être porté dans une cour de justice, mais aussi les conditions et même les saisons adéquates pour chaque tenue.
Les tendances du XVIIe siècle ont aidé les perruques à se frayer un chemin dans les salles d’audience. En 1685, les coiffes ont été entièrement adoptées en tant que vêtements officiels et étaient accompagnées d’autant de règles strictes que les robes. Aujourd’hui, les juges et les avocats portent tous deux des perruques, mais chacun a son propre style. Les avocats, eux, portent des perruques qui consistent en une couronne frisée avec quatre rangées de sept boucles dans le dos. La perruque longue d’un juge peut coûter plus de £1.000, tandis que la perruque plus courte portée par un avocat coûte plus de £459.
Beaucoup se demandent pourquoi la tradition de la robe et de la perruque a persisté pendant si longtemps. Les traditionalistes vous diront que l’uniforme véhicule la notion de pouvoir et le respect de la loi. Bon nombre de juges et d’avocats qui portent des perruques au tribunal disent que la coiffe apporte un caractère formel et solennel aux procédures. Les robes et les perruques rendent également plus difficile l’identification des juges par les accusés criminels à l’extérieur de la salle d’audience. En effet, comme beaucoup d’uniformes, les perruques sont un emblème de l’anonymat, une façon de se distancier de toute implication personnelle et un moyen de valoriser visuellement l’autorité de la loi. La persistance de cette tradition est donc symbolique.
Cependant, la volonté de conserver cette formalité et de rendre hommage à la tradition de la cour a été contestée. En 2007, une affaire visant à modifier le code vestimentaire a été portée devant les tribunaux et a été gagnée. Le Lord Chief Justice, le baron Phillips of Worth Matravers, a déclaré que les perruques ne seraient plus portées dans les affaires civiles ou familiales et que les juges n’avaient besoin que d’une seule robe.
Les perruques et les robes doivent encore être portées pendant les procès criminels, mais certaines personnes veulent que la tradition soit complètement effacée. Un nombre croissant d’avocats estiment que le code vestimentaire est désuet et que les tribunaux britanniques devraient se concentrer davantage sur des questions plus importantes que leur tenue. Dernièrement, c’est un avocat britannique noir, portant une coupe afro, qui a dénoncé cette tradition “ridicule” et discriminatoire, après avoir été accusé en 2022 d’outrage au tribunal s’il refusait d’en porter perruque. Saisi de la question, le Conseil du Barreau, qui représente les avocats d’Angleterre et du Pays de Galles, a annoncé avoir mis en place un groupe de travail pour examiner la tenue vestimentaire du tribunal. Les conclusions du rapport font actuellement l’objet d’un échange avec le pouvoir judiciaire et des changements du code vestimentaire pourraient être actés dès l’automne 2024.