Mardi 6 octobre 2020. Il est presque midi et ce sont 400 musiciens vêtus de noir qui installent leur instrument sur la pelouse de Parliament Square. Ce rassemblement, dans le respect des gestes barrières, est un appel au secours adressé au gouvernement britannique. Co-organisé par la Française Jordan Bergmans, installée à Londres depuis 2007, il s’agissait avant tout d’exprimer l’aberration devant le manque de considération du Parlement pour les artistes freelance.
En effet, depuis mars, les salles de concert sont fermées à cause de la pandémie de Covid-19. Cela fait donc 7 mois que les musiciens n’ont pas travaillé. Ils ont même été “oubliés”, selon Jordan Bergmans. Pour cause, l’aide concédée par le gouvernement britannique, déjà minime, s’amoindrit de jour en jour. En quelques chiffres, elle ne vient couvrir que 20% de ce qu’ils auraient pu gagner en travaillant. Cela correspond donc à la somme dérisoire de £1.800 pour les mois de novembre à janvier. “Personne ne peut vivre avec ça”, lâche la Française. Elle souligne d’ailleurs l’absurdité gouvernementale selon laquelle “l’industrie de l’événementiel ne serait pas viable” alors même qu’elle “représente 84 millions de livres par an”.
Ce sont donc des artistes “à genoux” qui se sont déplacés mardi 6 octobre pour jouer seulement 20% d’une pièce, espérant ainsi créer une prise de conscience au sommet de l’exécutif. Cette performance a ensuite été suivie de deux minutes de silence en soutien aux 45% de musiciens freelance ne recevant à l’heure actuelle aucune aide financière pour l’unique raison qu’ils étaient également salariés à mi-temps. La situation est donc très préoccupante, le syndicat Musicians Union annonçant que 34% des musiciens pensent quitter la profession. Un chiffre considérable qui signerait la fin de l’industrie pour Jordan Bergmans.
Le but de l’action à Parliament Square était donc de pousser le gouvernement britannique à envisager sérieusement la réouverture des salles de concert. “Nous sommes conscients que le monde a changé et nous sommes prêts à nous adapter. Evidemment, il est hors de question de prendre des risques, mais recommencer à jouer devant un public en respectant la distanciation sociale, c’est faisable. Si les restaurants rouvrent, pourquoi pas les salles de concert ?” s’indigne la Française. Elle estime même que des décisions devraient être prises pour accorder des subventions aux lieux d’accueil mais aussi aux musiciens à titre individuel. “Si une salle est remplie à moins de 70% de sa capacité, elle ne génère aucun revenu”, explique t-elle.
D’ailleurs, l’absence de mesures gouvernementales d’ampleur a encore plus du mal à passer quand les artistes comparent le soutien apporté à la culture dans les autres pays européens. Jordan Bergmans pense en effet que la France est davantage consciente de l’importance des artistes en leur promettant une indemnisation au chômage jusqu’en septembre 2021. Elle cite également l’Allemagne où ses amis musiciens ont reçu 5.000€ le jour où les salles de concert ont fermé. “Nous, on ne demande qu’à travailler”, insiste-t-elle. La gestion de l’industrie par le gouvernement britannique empêche ainsi les musiciens de se projeter. “On est obligé d’être à la fois nounou de 6am à 9pm et de continuer à jouer de notre instrument pour ne pas tout oublier”, dénonce t-elle.
Face à cette situation plus que précaire, les musiciens du Royaume-Uni sont déterminés à se faire entendre. Ils attendent donc de voir l’impact de leur manifestation sur les échanges jeudi 8 octobre au Parlement, les députés étant censés discuter de leur cas. Si les élus jouent encore une fois la sourde oreille, Jordan Bergmans ne lâchera pas le morceau. “On continuera jusqu’à ce qu’on soit entendu”, conclut-elle avec poigne.