L’église protestante française de Londres, situé à Soho Square, a accueilli son premier service le 25 mars 1893. 125 ans plus tard, l’édifice est toujours debout, malgré le Blitz lors de la Seconde guerre mondiale.
Dimanche 25 mars, ce sera donc avec une certaine émotion que la communauté protestante française de Londres et plus largement d’Angleterre soufflera ces fameuses 125 bougies. “L’église de Soho Square est la dernière descendante de la première église protestante fondée au XVIème siècle”, raconte Bénédicte Fougier, vice-présidente du Consistoire, Patrimoine, Bibliothèque et Archives. Elle rappelle que le lieu de culte est régi par la charte royale datant du 24 juillet 1550 signée par le roi d’Angleterre Edouard VI, “fils d’Henri VIII, roi de la réformation anglaise”.
Le pays, à l’époque, décide de faire venir les plus grands théologiens du protestantisme, pour créer des communautés de fidèles venus de l’Europe entière afin d’établir, promouvoir et sécuriser la Réforme sur le territoire anglais. C’est ainsi que le baron polonais protestant, John A Lasco, devient le super-intendant de la première “strangers’ church”, église des étrangers, créée au coeur de la City de Londres, près de l’actuelle Bank of England. “La communauté comptait des Français, des Wallons, des Hollandais, des Italiens et des Espagnols”, détaille Bénédicte Fougier.
Sur les 400 fidèles, environ 300 viennent de l’Hexagone. “La barrière des langues a incité les Français à déménager dès octobre 1550 pour établir leur propre lieu de culte à St. Anthony sur Threadneedle Street. Ils vont rester là jusqu’en 1841”. Les persécutions en France, notamment avec les massacres de Vassy et de la Saint-Barthélémy, puis sous Louis XIV, ont poussé d’autre protestants français à fuir leur pays. “On estime entre 250 000 à 300 000 Français qui ont quitté le territoire pour trouver refuge dans les pays limitrophes, comme la Suisse, l’Allemagne, la Hollande et aussi l’Angleterre”. 60 000 arrivent sur les côtes anglaises et on compte à cette époque 30 églises protestantes à Londres, installées notamment entre Shoreditch et Spitafileds, mais aussi Soho, pour accueillir tous ces fidèles.
Les Français s’intègrent assez rapidement, selon Bénédicte Fougier, si bien qu’au bout de trois générations, ils quittent petit à petit les églises protestantes pour rejoindre celles de la Church of England. L’Edit de Tolérance et la Révolution Française marquent par ailleurs un arrêt net de l’exode des Français vers le Royaume-Uni. Les lieux de cultes à Londres ferment donc les uns après les autres, faute de fidèles. “On est passé de 30 à 3 églises au milieu du XIXème siècle”. Finalement, il est décidé de les regrouper en un seul endroit, du côté de Soho Square. Un architecte est alors commissionné pour ériger le nouvel édifice. Ce sera Aston Webb, qui a déjà à son actif la Birmingham Law Court, et travaille à ce moment-là, en 1891, sur un chantier important, le futur Victoria & Albert Museum.
Deux ans de travaux plus tard, le 25 mars 1893, le premier service est donné en présence du maire de Londres, du Lord Bishop, de représentants de Huguenots et de pasteurs venus de France. Depuis l’édifice, classé Grade II* en août 2017, n’a pas été modifié. Mais le temps a fait son œeuvre et l’église a lancé un grand projet de financement participatif. “Nous avions besoin d’1,160 million de pounds et nous en avons déjà récolté 755 000”, confie Carole de Saint Affrique, présidente du Consistoire, qui rappelle que tout le monde est le bienvenu pour participer à la réfection de ce patrimoine historique. “On aimerait commencer les travaux d’ici fin de l’année”.
L’église protestante française de Londres compte aujourd’hui 65 enfants à l’éveil et école biblique et une grande communauté de jeunes actifs. Les services peuvent accueillir parfois jusqu’à une centaine de fidèles le dimanche matin. Le choix du pasteur – l’actuel étant Stéphane Desmarais – doit être validé par le monarque en place. C’est ainsi depuis 1550, l’église possède donc tous les courriers royaux depuis cette époque.
Dimanche 25 mars, le public est invité à pousser les portes du lieu de culte pour assister au service, qui se fera en présence de la soprano française Judith Charron, mais aussi de l’Ambassadeur de France au Royaume-Uni, Jean-Pierre Jouyet, de Madame La Consule, du député et du sénateur des Français de l’étranger ainsi que de représentants d’autres cultes, du directeur de la Huguenot Society et de celui du Huguenot Museum.