Raymond Blanc a dit “oui” quand il lui a été demandé de participer à la quatrième édition de Goût de France. Mercredi 21 mars, il a donc été choisi pour réaliser l’entrée du dîner de gala de la Résidence de France à Londres, aux côtés d’autres chefs, comme Gilles Quillot.
Si le Français doublement étoilé, installé depuis 46 ans en Angleterre, n’a pas hésité, c’est que pour lui cet événement mondial représente sa France natale. Raymond Blanc se plaît à rappeler que l’histoire de gastronomie est liée à l’Histoire de France. “La Révolution a contribué tout autant que les grands chefs à l’essor de la gastronomie. Elle a déconstruit les rapports entre seigneurs et paysans. Ces derniers ont ensuite pu récupérer des terres et c’est là que la gastronomie a explosé dans toute sa créativité”. D’abord dans les assiettes des Français à la maison, puis dans les restaurants, bistros et cafés.
La France, confie le chef, a cette chance d’être baignée dans différents climats lui offrant ainsi des produits saisonniers, et donc frais. “On a une grande mer, un océan, des terres diverses… Non seulement, on a la chance d’avoir une belle géographie mais aussi d’avoir la gastronomie dans notre ADN”. Il est alors normal qu’on la célèbre à travers cette journée. “D’immenses chefs ont permis d’enrichir le savoir-faire hexagonal et de le faire rayonner dans le monde entier, comme Auguste Escoffier, Paul Bocuse et bien d’autres encore”.
Raymond Blanc émet cependant un regret sur cet événement : “C’est dommage que ce ne soit que la célébration de la France. J’aurais aimé que tous les chefs du monde, ceux qui ont appris la cuisine ou la pâtisserie auprès des chefs français voire tout simplement parce qu’ils aiment la France, soient impliqués dans cette fête. Elle aurait été plus généreuse. Il y a une vraie réflexion à avoir sur cette question”.
Le chef aime la mixité dans la gastronomie. “Le mélange des cultures est très important, car cela enrichit la cuisine”. Lui qui vit depuis plus de quatre décennies en Angleterre se sent pourtant, jure-t-il, “français à 115%”. “S’inspirer de ce qui se fait ailleurs ne vous diminue pas, bien au contraire”. Par ailleurs, il se souvient que ses parents lui ont toujours appris que le plus important dans la cuisine était avant tout de respecter les saisonnalités. “Cela veut dire prendre des produits de son jardin ou au plus près de chez soi”. Par exemple, Raymond Blanc a su mixer le savoir-faire français avec les produits britanniques. “Bien sûr que je m’approvisionne aussi en France, car ici, les saisons sont courtes, mais je travaille aussi des produits du pays”.
Le Français a d’ailleurs constaté que les Britanniques étaient en train de changer leur comportement culinaire. “Une révolution est en marche. Le consommateur prend conscience des problèmes de santé liés à la malbouffe ou aux conséquences sur l’environnement. Chacun devient plus responsable, se réinvente. De même pour les chefs britanniques, dont la créativité est en pleine mutation”.
Pas vraiment comme en France. “La tradition peut parfois être rigide. Et peut devenir un vrai frein à l’inventivité”. Raymond Blanc insiste, il ne faut pas rejeter la globalisation. “On peut s’inspirer des autres cultures sans trahir la nôtre. D’ailleurs, pour moi, elle ne pourra que s’en enrichir. C’est ce qu’on fait des grands chefs comme Paul Bocuse, Michel Guérard ou encore Alain Chapel, Michel Bras”.
Il regrette que la France ait perdu un peu de sa pertinence et du coup de sa présence sur le terrain de la nouveauté, “mais il n’est jamais tard pour changer car le pays a tout ce qu’il faut, les bonnes bases, les belles valeurs de la gastronomie”. L’autodidacte, qui prône du moderne classique dans ses cuisines, espère que les choses vont bouger dans les prochaines années.
En attendant, Raymond Blanc foisonne de projets. “Je suis en train de finaliser un village d’abeilles et je finis la construction dans le Manoir d’une école jardin, qui sera la première au monde”. Outre le “Manoir aux Quat’ Saisons” dans l’Oxfordshire, le chef, qui a formé 40 chefs étoilés, est aussi fier de ses 40 brasseries et pubs Blanc à travers l’Angleterre. “Tout y est fait maison”.
Le chef, arrivé il y a près de 50 ans “en tant qu’immigré” rappelle-t-il, a pu ainsi réaliser son rêve. “Je suis venu sans rien, mais j’avais un seul souhait, toucher l’excellence. La cuisine est l’unique métier où l’on peut ouvrir son propre restaurant sans aucun bagage et c’est encore possible”.