Importer la culture française à Londres en anglais, c’est l’objectif du Exchange Theatre, créé en 2006 et dirigé par David Furlong et Fanny Dulin et dont les studios sont situés au cœur de London Bridge. “Le projet est né d’un simple constat a l’époque : le théâtre anglais est principalement tourné vers ses propres auteurs et une infime minorité de produits culturels en Angleterre venaient de l’étranger”, explique Clara Quentin, membre de cette organisation culturelle internationale.
Dès les premiers cours dispensés, les deux créateurs ont souhaité perpétuer une vision trans-frontières, en faisant découvrir des pièces rares et accessibles à “un public du 21ème siècle”. “Depuis sa création, de grands textes de la culture théâtrale française ont été importés, traduits et produits par l’organisation : Claudel, Sartre, Feydeau, Molière… des monuments qui n’avaient jusqu’alors pas traversés la Manche !”, assure Clara Quentin, qui ajoute, “mais toujours avec une lecture très contemporaine, un univers visuel fort, et lié à notre époque, des créations musicales ou multimédia originales ainsi que l’usage du multilinguisme”. En 12 ans, Exchange Theatre a produit plus de 30 spectacles et a également été résident pendant deux ans à l’Institut français, créant des spectacles jeune public bilingues.
Chaque année, la structure réunit sur scène une pièce de la compagnie professionnelle lors d’un festival dédié. 2018 signera la onzième édition de ce rendez-vous et pour l’occasion, Exchange Theatre propose une mise en scène d’un grand classique, “Le Misanthrope” de Molière, jusqu’au samedi 7 juillet Camden People’s Theatre. Dans cette pièce, précise Clara Quentin, l’auteur français “critique les mœurs du 17ème siècle et l’hypocrisie qui règne à la Cour française. Cette pièce d’époque trouve un écho troublant avec notre société actuelle : une culture corrompue par le besoin d’informations en continu, où la recherche de vérité entre bien trop souvent en conflit avec la superficialité et le désir de notoriété”.
Exchange Theatre a donc décidé de réinventer cette célèbre satire “en la resituant au cœur d’une salle de rédaction télévisuelle du 21ème siècle”. “Cette production rend d’autant plus pertinent ce classique qu’elle explore les sentiments humains sous l’emprise du jeu pervers de la popularité et du paraître, au cœur d’une époque où les fausses informations circulent en toute liberté”, complète Clara Quentin.
Ainsi, dans cette nouvelle version de ce classique (jouée certains soirs en français et d’autres en anglais), Alceste est un présentateur télé franc et direct, mais à qui il manque une vertu cruciale : l’indulgence envers ses paires. Ses recherches de l’authenticité face à l’hypocrisie, la cupidité et la tricherie le tourmentent et comme si cela ne pouvait être pire, il tombe amoureux de Célimène, une brillante chroniqueuse amatrice de potins et à la personnalité vaniteuse.
Après ce festival, Exchange Theatre engagera une tournée de cette pièce en Grande-Bretagne, en France et à l’Ile Maurice en 2019. “Nous développons aussi d’autres spectacles en co-production avec des compagnies amies, notamment “The Great Experiment” avec Border Crossing, pièce autour de l’engagisme, cette forme d’esclavage globalisé qui a succédé à l’abolition de la traite négrière. Mais elle a consisté à exploiter la population indienne à travers le monde, dans les mêmes conditions que les anciens esclaves, créant aujourd’hui une des plus importantes diaspora, très négligée par l’histoire. Nous développons aussi un projet extraordinaire, trilingue avec Untold Art entre la culture française, anglaise et le soufisme (courant ésotérique et mystique de l’islam sunnite, NDLR)”.