Il aura fallu attendre plus de cinq heures de débat au sein de son cabinet pour que finalement Theresa May sorte de son bureau et s’exprime mercredi 14 novembre devant la presse à 7.22pm exactement. Deux minutes, c’est le temps qu’aura duré son discours dans lequel la Première ministre britannique a confirmé qu’un accord avait été enfin trouvé sur le Brexit.
“La décision n’a pas été simple”, a affirmé Theresa May, “mais cet accord est le meilleur pour l’intérêt du Royaume-Uni”. La chef du gouvernement a pris un ton des plus solennels pour s’adresser aux journalistes. Seule face à son micro, elle a confié que le cabinet, qu’elle avait convoqué dans l’après-midi, avait eu “un long débat approfondi et passionné”.
“Cet accord est le fruit de milliers de heures de négociations difficiles de la part de responsables britanniques et de nombreuses réunions que nos ministres et moi-même avons eues avec nos homologues de l’UE”, a poursuivi Theresa May, “je suis fermement convaincue que ce projet d’accord de retrait est le meilleur qui puisse être négocié et que le cabinet devait décider de poursuivre ou non les négociations”.
La chef du gouvernement a ensuite enchaîné : “Les choix qui nous ont été soumis étaient difficiles, en particulier en ce qui concerne le backstop en Irlande du Nord”. La Première ministre britannique a pris des accents churchilliens en parlant de “jours difficiles” qui attendent le pays. “Je sais que l’accord fera l’objet d’un examen minutieux, mais l’unique alternative aurait été de retourner à la case départ”.
Theresa May a ensuite expliqué à la presse qu’elle s’adresserait le lendemain, jeudi 15 novembre, devant le Parlement pour présenter le document aux députés. “C’est à moi, en tant que Première ministre d’expliquer les décisions prises par le gouvernement, et je suis prête à le faire à compter de demain avec une déclaration au parlement”. Ce “pas décisif” permettra selon elle “d’aller de l’avant et de finaliser l’accord dans les jours à venir”. Elle a ensuite tourné les talons et filé à l’anglaise sans répondre aux multiples questions que les journalistes auraient souhaité lui poser.
Si la chef du gouvernement britannique n’a rien révélé lors de son discours sur les détails de l’accord, le document de 585 pages a été publié en ligne dans la foulée. Avant que Michel Barnier n’en dise un peu plus depuis Bruxelles
Parmi les points les plus importants détaillés par le Français, négociateur de l’Union Européenne, les droits des citoyens qui ont “toujours été notre priorité commune”. Les ressortissants européens établis au Royaume-Uni et les Britanniques résidant dans un des Etats membres de l’UE avant la période de transition (fixée au 31 décembre 2020, ndlr) “pourront continuer à vivre leur vie, étudier, travailler, percevoir des allocations et faire venir leur famille comme avant dans leur pays de résidence, et cela pour la durée de leur vie”. De quoi rassurer les militants de la première heure, comme le mouvement The 3 Million.
Concernant le règlement financier, “nous nous sommes mis d’accord”, a souligné Michel Barnier, “pour que les engagements pris à 28 soient honorés à 28”. Les deux parties souhaitaient, selon le Français, “rassurer les porteurs de projets, les régions soutenues par le budget européen dans l’Union comme au Royaume-Uni”.
Le négociateur a expliqué par ailleurs que la période de transition pourrait être étendue une fois, et une seule, “pour une période limitée par un accord conjoint”. Une proposition qui avait été déjà abordée par Theresa May il y a quelques semaines, lors du sommet de Salzbourg.
Gibraltar, territoire britannique, mais géographiquement attaché à l’Espagne, bénéficiera d’un protocole particulier, définissant des bases d’administration coopérative sur plusieurs sujets comme le droit des citoyens, la fiscalité, le tabac, l’environnement, la pêche ainsi que le coopération policière et douanière. Chypre sera un autre des territoires qui sera concerné par un statut particulier, car des bases britanniques y sont installées. “Ce protocole permettra la continuité des arrangements pré-existants”, a détaillé Michel Barnier.
La question de la frontière irlandaise, point d’achoppement entre les deux parties depuis le début des négociations, a trouvé aussi sa solution, ou plutôt un semblant de réponse. “Nous voulions éviter la mise en place d’une frontière dure entre les deux Irlandes“, a rappelé le Français. “Si nous ne trouvons pas d’accord d’ici juillet 2020, nous pourrions conjointement étendre la période de transition” pour continuer à négocier. “Sans accord à la fin de cette période, étendue ou non, notre accord convenu ensemble aujourd’hui seraitlancé”, a ajouté Michel Barnier.
La solution du “backstop” (ndlr: la clause de sauvegarde introduite dans le traité qui interdirait le retour d’une frontière physique dure entre les deux Irlandes) aurait, selon lui, “considérablement évolué” depuis la proposition de l’UE en février dernier. “Lors des dernières semaines, nous avons travaillé avec le Royaume-Uni sur les bases de ses propres propositions”. Dans le scénario nouvellement imaginé, il a été décidé de créer un marché unique UE-UK spécifique à ce territoire. En somme, l’Irlande du Nord suivrait les règles du marché unique européen pour permettre l’entrée mais aussi le contrôle des produits agricoles mais aussi d’autres types de marchandises. Le pays resterait également accessible au marché britannique, a souligné le négociateur. “Cela est dans l’intérêt de l’économie des deux Irlandes”, a complété Michel Barnier. Mais ce backstop ne serait qu’une solution de repli si les deux parties ne trouvent pas de réel accord d’ici la fin de la période de transition, a-t-il expliqué. Les négociations sur ce point seront réellement actives au lendemain du retrait du Royaume-Uni, autrement dit le 30 mars 2019.
Si cet accord intervient presqu’in extremis, le travail n’est pas pour autant fini. L’Union européenne devra continuer à approfondir certains détails sur la future relation commerciale avec le Royaume-Uni. Theresa May, de son côté, devra convaincre que le document présenté mercredi 14 novembre est “le meilleur”, comme elle l’a avancé. Car c’est maintenant au parlement de se prononcer, sans doute en décembre. Chez les Conservateurs comme les Travaillistes, les divisions sont considérables, entre celles et ceux qui souhaitaient un Brexit dur – des voix se sont déjà élevées pour dire que ce document montre la faiblesse, dans les négociations, de la Première ministre qui avait pourtant promis en janvier 2017 un “hard Brexit” – et les autres qui espéraient encore que la machine s’enrayerait pour éviter une réelle sortie. Dès aujourd’hui, Theresa May entre en campagne pour convaincre les conservateurs qu’un accord, même au prix d’importantes concessions, vaut mieux que le chaos.
One Response
Tres mauvais deal pour l’Angleterre. Il faut absolument le refuser. J’ai eu mes doutes quand j’ai vu hier la satisfaction de Barnier et autres membres de la Commission. Si les Anglais refusent le deal, les Européens feront plusieurs pas en avant car Macron avec tous ses problèmes ne peut pas prendre le risque de ralentir encore l’économie et donc les recettes fiscales. Bien qu’il soit anti anglo-saxon comme le montre sa remarque ce w/e sur les ennemis de l’Europe qui inclue nos amis américains, il cédera.