Comme nous vous l’annoncions au mois de février, la National Portrait Gallery accueille jusqu’au lundi 27 mai, l’exposition Only Human par Martin Parr. Le célèbre photographe britannique y expose d’innombrables clichés, qui ne forment qu’une petite partie de sa longue carrière. Cette exhibition réunit quelques-unes de ses photographies les plus célèbres, mais aussi des inédits jamais exposés. Le plus souvent avec humour, celui qui vient du sud de Londres dépeint avec réalisme la vie quotidienne des Britanniques depuis plus de 40 ans.
Ayant passé sa vie à étudier les classes sociales au Royaume-Uni et leurs pratiques culturelles respectives, Martin Parr explore à travers cette exposition l’identité britannique en ces temps troubles de Brexit. French Morning London a eu la chance d’aller admirer son message profondément humaniste le temps d’une matinée et vous en fait la visite guidée.
Lorsque l’on passe l’entrée de l’exposition Only Human, on se retrouve nez-à-nez avec un mur bleu couvert d’autoportraits de Martin Parr. La cinquantaine de clichés encadrés montre à chaque fois le photographe dans un lieu du monde où il a travaillé, ou dans des tenues traditionnelles locales par exemple. Certains sont des photomontages à visée humoristique. Malgré ces autoportraits, dans une interview accordée à la National Portrait Gallery, Martin Parr explique que son métier consiste “à la fois à faire partie de la photo, en étant présent avec les sujets d’études, et à se mettre en retrait de ceux qu’il photographie”.
Puis, sur la droite, après avoir parcouru un petit couloir, on entre dans une salle aux murs beiges illuminés par la boule à facettes qui pend au plafond : nous sommes dans la salle Everybody Dance Now. Photographier des personnes qui dansent est l’un des thèmes préférés de Martin Parr, car selon lui c’est l’opportunité de laisser ses inhibitions de côté, vivre le moment et révéler sa personnalité. Ainsi, les clichés divers pris lors de gay prides, de soirées gothiques,ou d’un mariage sikh ont tous en commun cette folie humaine qui ressort lorsque se lance la musique.
Directement à côté, une petite pièce jaune dont un mur entier est recouvert par une immense photo de Mar del Plata en Argentine. Intitulée Beside the Seaside, cette partie de l’exposition se consacre aux hommes et femmes à la plage. Ce thème a toujours intéressé Martin Parr du fait de la particularité de cet endroit et l’artiste a travaillé dessus pendant une trentaine d’années à travers cinq continents. “Les plages sont des lieux où le privé et le public s’entrecroisent, où les gens baissent leur garde en étant très proche des autres”, explique-t-il. Sont exposées dans cette salle, des photos capturées au Pays de Galles, sur la côte d’Azur ou encore en Inde.
De l’autre côté du couloir, en face de la salle des photos de danse, on se retrouve dans une plus grande salle colorée de rose bonbon dont les cadres mettent à l’honneur les célébrités. Parfois dans sa carrière, Martin Parr a travaillé pour des agences de publicité pour qui il photographiait des personnes de notoriété publique tout en gardant l’originalité qui le caractérise. En effet, devant des personnes habituées à poser devant les photographes, le Britannique apprécie les mettre dans des situations surréalistes ou des décors incongrus, afin d’obtenir des clichés souvent teintés d’humour. En témoigne parfaitement cette photo de Vivienne Westwood, célèbre styliste britannique, posant en collants abîmés devant une cuvette de toilette et une pile de rouleaux de papier toilette.
En remontant le couloir principal, on se retrouve à l’entrée d’une autre pièce dont les murs sont beiges. Cette fois-ci, une guirlande de drapeaux du Royaume-Uni orne l’endroit, étendue au dessus des photos. Ici, Martin Parr expose son travail documentaire qu’il a réalisé auprès des Britanniques de l’étranger qu’il a réuni dans la série British Abroad. En étudiant les sociétés post-coloniales notamment où les privilèges des Blancs persistent, il explore les communautés britanniques expatriées et leurs coutumes.
Enfin, le chemin nous amène au clou de l’exposition : Britain in the time of Brexit. En effet, ces photos inédites retracent le voyage de Martin Parr à travers le Royaume-Uni lors de ces trois dernières années à la suite du référendum de 2016. Le Brexit étant une manifestation de l’identité britannique, le photographe s’est souvent rendu dans des zones où la réponse “Leave” l’a emporté haut la main pour ce vote.
L’objectif qu’il s’est fixé en travaillant sur ce sujet était de mettre en exergue grâce à ses clichés, les tensions qui couvent actuellement au cœur de la société britannique. Néanmoins, il s’est aussi attardé sur la valorisation du multiculturalisme, qu’il considère comme une grande richesse pour son pays, comme en témoigne une de ses photos où l’on voit deux femmes musulmanes qui sont les gérantes d’un restaurant de fish-and-chips, ce bastion de la Britishness.
D’après Martin Parr, la photo qui symbolise le mieux la volonté affichée des Britanniques de résister à l’immigration et l’impact que celle-ci pourrait avoir sur leur culture pour se renfermer sur une Britishness plus pure est celle qu’il a prise sur la plage de Porthcurno, dans les Cornouailles. “Cette photo représente parfaitement le Brexit. On voit les gens qui font face à la mer qui représente l’autre, l’étranger, l’immigration. Sur la gauche, le grand drapeau rouge désigne la mer comme un danger”, commente le photographe au micro du musée.
Après une grosse heure de visite, l’exposition Only Human se termine. Bien qu’amateurs de musées, c’est bien l’une des premières fois que l’on est sincèrement déçus d’être arrivés si vite au bout de ce que l’exhibition avait à proposer. On a apprécié l’ambiance humoristique et bienveillante qui se dégage des nombreuses photos de Martin Parr. Bien que les clichés du photographe n’aient pas vocation à être esthétiques, un charme certain ressort de ceux-ci à la fois par la beauté du moment capturé et par le message de tolérance et d’humanité qu’ils véhiculent. Comme l’explique la National Portrait Gallery, peu importe qui on est ou d’où l’on vient, “à travers l’objectif de Martin Parr, nous sommes tous des humains ordinaires et nous sommes tous héroïques”.