Lorsque l’on part s’installer au Royaume-Uni pour chercher un emploi, l’Etat français, à travers Pôle Emploi, ne laisse pas ses ressortissants sans ressources. En effet, des allocations chômage sont accordées aux inscrits de l’établissement public, mais seulement sur une période de temps limitée. Pourtant, il arrive que des Français reçoivent ces versements depuis bien plus longtemps que ce qui est normalement permis par la loi. Que risque-t-on si l’on continue à toucher ces allocations au-delà de la période légale ?
C’est le cas de Camille (nous ne donnerons pas le nom de famille) est venue s’installer il y a deux ans à Londres. Après une dizaine d’années à travailler dans la communication à Paris, le jeune femme a décidé de négocier son départ avec son ancien employeur pour pouvoir toucher le chômage et venir réaliser son projet professionnel dans la capitale anglaise. “J’avais besoin d’une assise financière car je n’avais pas trouvé de travail avant de venir à Londres”, explique la Française qui savait qu’elle aurait accès pour un certain temps à ses allocations une fois établie de l’autre côté de la Manche.
En effet, dans le but d’aider les personnes à vivre confortablement au moment de leur installation et dans l’attente d’un premier emploi, Pôle Emploi accorde des allocations chômage, mais seulement pour une période déterminée. Pour pouvoir bénéficier de ces allocations, la personne désirant travailler à l’étranger doit respecter un certain protocole, selon Claire Arenales, porte-parole du service mobilité de Pôle Emploi. “Le demandeur d’emploi doit au préalable signaler son départ dans son agence. Un formulaire mentionnant les informations nécessaires relatives à son déplacement est ensuite délivré. A l’arrivée dans le pays de destination, le demandeur d’emploi dispose de 7 jours pour présenter le formulaire auprès de l’office de recherche d’emploi local afin de s’immatriculer dans le pays”. Dans l’Union européenne et l’Espace Économique Européen – dont fait encore partie le Royaume-Uni -, le délai de maintien des allocations chômage est de 3 mois. Si la personne ne se présente pas sous une semaine à l’office de recherche d’emploi local, alors la durée de maintien de l’allocation sera maintenu mais le versement en sera proportionnellement retardé.
Trois mois, c’est donc le maximum auquel peut prétendre le demandeur d’emploi. Mais certains ne déclarent pas leur installation et peuvent donc continuer à percevoir leurs allocations. C’est le cas de Camille. “Cela m’a pris plus de trois mois pour trouver un emploi, alors j’ai menti”, avoue la jeune femme, “j’ai expliqué à mon conseiller que je n’étais pas encore installée à Londres, alors que j’avais déjà déménagé”. Elle sait qu’elle entrait ainsi dans une sorte d’illégalité, mais pour elle, pas question de se sentir coupable. “J’ai bossé des années en cotisant pour les autres, et pourquoi je n’aurais pas le droit de prendre le temps de trouver quelque chose qui me correspond tout en touchant mon chômage ? Je trouve que trois mois, c’est trop court pour décrocher un emploi qui nous correspond, surtout quand on est à l’étranger. Certes, on a choisi de partir mais ce n’est pas pour des vacances, c’est pour une nouvelle expérience professionnelle qu’on pourra faire valoir à notre retour en France”.
Camille n’est pas la seule à utiliser ce procédé. De nombreux Français installés au Royaume-Uni peuvent témoigner de cette même pratique, comme Arnaud (dont nous ne donnerons pas non plus le nom). “J’ai suivi ma copine ici. Elle avait un emploi mais pas moi. On n’avait pas envie de vivre sur un seul salaire en sachant combien le coût de la vie est cher à Londres”, lance le jeune homme, “j’avais besoin de temps pour m’adapter et trouver un travail à la hauteur de mes compétences. Pour moi, toucher ses allocations chômage à l’étranger au-delà des trois mois, ce n’est pas de la fraude, mais bien un dû parce que j’ai travaillé avant pour ça”. Le Français a été suivi pendant quelques mois par l’équipe de mobilité internationale de Pôle Emploi, structure composée d’une dizaines de conseillers répartis sur 7 différentes zones géographiques et qui aide et accompagner les demandeurs d’emploi français qui s’exportent à l’étranger. Pendant ce suivi, jamais le jeune homme n’a expliqué qu’il était déjà dans la capitale anglaise. “Les entretiens se font par visio-conférence, donc je pouvais me trouver n’importe où, cela passait. Je faisais simplement attention à ce qu’on ne reconnaisse pas Londres ou qu’on entende parler en anglais derrière moi”. La “fraude” a ainsi duré moins d’une année, le temps qu’Arnaud décroche un poste et ke jeune homme ne regrette pas une seule seconde d’avoir menti.
Les deux Français ont eu de la chance de ne pas se faire prendre, car au sujet de la fraude et de ceux qui la pratiquent, Pôle Emploi n’est pas tendre. Dans le cas où une personne ne déclare pas son départ à l’étranger et continue à toucher les allocations chômage comme si elle résidait en France, il faut en effet s’attendre à des sanctions. “Si Pôle Emploi s’aperçoit d’un cas de fraude à l’allocation, le demandeur d’emploi devra rembourser les allocations indûment versées”, comme l’explique Claire Arenales, porte-parole du service mobilité de Pôle Emploi.“Ce fût le cas par exemple d’une Française partie travailler à Hong-Kong sans déclarer son départ. Après plusieurs absences aux différentes convocations proposées par son agence, Pôle emploi a pris des mesures de contrôle nécessaires (qui passent notamment par les réseaux sociaux, ndlr) qui ont permis de confirmer son activité en Chine. Le montant injustement touché a dû être remboursé”. S’il lui était impossible de fournir des chiffres quantifiant la fraude aux allocations à l’étranger, Claire Arenales confie que “cela reste très rare”.
Pour lutter contre cette fraude, Pôle Emploi déclare posséder “plusieurs moyens pour s’en rendre compte”. Pourtant, interrogé à propos des actions mises en place, mais aussi des moyens et des sommes investis dans le cadre de cette lutte, Pôle Emploi préfère ne pas donner plus de précisions. Si l’on peut comprendre que les réseaux sociaux sont un outil efficace pour déceler de potentielles fraudes, il est difficile d’en savoir plus. Au sujet de la communication avec les différents établissements de recherche d’emploi à l’étranger, l’organisme français n’a encore une fois pas souhaité communiquer, peut-être pour éviter de donner des idées à de potentiels futurs “fraudeurs”.