Confectionner des petits déjeuners et des apéritifs à partir de produits invendus ou invendables, tel est le concept d’Elysia. Créée il y a trois ans par la Française Sophie André, cette startup a déjà permis de sauver neuf tonnes de produits “moches” ou hors-calibres en les transformant en confitures, canapés et autres amuse-bouche. Le tout, livré à vélo. Une démarche écologique qui s’est vue récompensée par le Green Apple Award 2018 de la meilleure pratique environnementale. Un tremplin pour l’entreprise qui régale aussi bien des associations que, plus récemment, de grands groupes comme la BBC.
A l’origine, rien ne prédestinait Sophie André à enfiler le tablier. De formation plutôt théorique avec ses deux années d’études dans une école de commerce caennaise, suivies d’une année d’échange à l’université de Cardiff et d’un master en économie à l’université de Warwick (Angleterre), Sophie André a avant tout le goût de l’entreprise.
En 2013, elle s’expatrie aux États-Unis pour y rejoindre son compagnon. Elle y découvre l’entreprenariat social en mangeant dans le restaurant d’un certain Joe Deloss. Ce dernier avait en effet la particularité d’employer plusieurs anciens détenus. Une voie de réinsertion dans la vie active qui plaît énormément à Sophie André, d’autant que l’affaire semble flamboyante et très bien tenue. De retour en France, elle travaille en tant que chargée de développement dans des startups balbutiantes puis quitte l’Hexagone pour le Sénégal en 2015. Là-bas, elle occupe des fonctions similaires mais cette fois-ci auprès d’une bibliothèque digitale et d’un incubateur d’entreprises numériques.
La Française et son partenaire parviennent enfin à se retrouver à Londres en 2016. C’est à cette période que Sophie André prend conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire hantant les poubelles. Son idée est alors de s’associer avec des personnes défavorisées pour installer des stands à la sortie de stations de métro et y vendre des petits-déjeuners éco-responsables. Malheureusement, la longueur et la complexité des démarches ont raison de ce projet. Sophie André se résout donc à confectionner et vendre seules ses petits-déjeuners. Elle lie alors des partenariats avec commerçants et agriculteurs locaux pour récupérer leurs invendus.
L’aventure Elysia commence finalement à la fin de l’année 2016, lorsqu’une entreprise lui commande, à sa grande surprise, des canapés pour pas moins de 70 convives. L’enjeu est immense, mais lui ouvre les yeux sur de nouvelles perspectives. La commande est honorée, débute alors une aventure pour celle qui avoue bien volontiers que “la cuisine ça n’est pas vraiment (son) truc”. La Française semble aujourd’hui avoir trouvé sa voie en alliant écologie et entrepreneuriat. A ses côtés une dizaine d’employé.e.s freelance s’attèlent à concocter des créations maison tout en transmettant, avec passion, leur concept et démarche écologique.
Une meule de fromage parsemée de trous, un pain un peu trop cuit ? Sophie André n’hésite pas à s’en saisir pour 10 à 15% moins cher que des produits traditionnels. En plus de faire les affaires d’Elysia, ces denrées constituent par la même occasion une source de revenus supplémentaires pour leurs producteurs. En bout de chaîne, les clients s’y retrouvent en profitant de produits de saison à des prix raisonnables. “Au final, tout le monde est gagnant”, résume la jeune cheffe d’entreprise.
Café, pain, céréales, fromages, Elysia recycle une large gamme de produits en faisant preuve de beaucoup d’inventivité. Au sortir des fourneaux, le champ des possibles est large avec une vaste panoplie de canapés en tout genre comme des roulés au fromage ou des crackers surmontés de légumes marinés. “On fait des choses assez simples mais avec des produits locaux et de très bonne qualité”, précise Sophie André.
Pour qu’Elysia soit à son tour exemplaire en matière de gaspillage alimentaire, l’une des principales préoccupations de sa gérante est de n’acheter que le strict nécessaire. “Lorsque l’on crée nos menus, on les pense de manière à pouvoir être flexibles”, confie-t-elle. Les légumes servis, ainsi que le pain et les fromages employés, ne sont donc jamais indiqués sur la carte et dépendent des denrées disponibles sur le moment.
Par ailleurs, l’entreprise se distingue par son mode de livraison “doux”, le vélo. Ecologique, économique mais surtout très pratique, il permet d’éviter les embouteillages et de se passer de parking. Le prix des courses oscille alors pour le client entre £10 et £15 selon la distance à parcourir.
Dans le prolongement de son activité Sophie André interpelle les restaurateurs et le grand public “qui ont aussi un rôle à jouer pour moins jeter”. En effet, les consommateurs sont, selon elle, responsables de 70% du gaspillage alimentaire. Pour pallier ce fléau, l’entreprise a organisé plusieurs ateliers anti-gaspi au cours de l’été 2019 pour sensibiliser des particuliers ne sachant que faire de leur fond de frigo. Une opération sauce au pesto et pain perdu était ainsi au programme d’une de ces après-midis, dans un esprit de partage et de convivialité. Une manière ludique “de revaloriser nos produits du quotidien et d’affirmer qu’il est possible d’acheter mieux et moins cher”, d’après Sophie André.
Pour autant, l’image des invendus n’a pas toujours été aussi séduisante qu’elle l’est, à en croire la native des Hauts-de-Seine. “Il y a deux ans, les gens n’étaient pas aussi ouverts car le gaspillage alimentaire n’était pas vraiment une préoccupation”, déclare-t-elle. L’enjeu pour la jeune femme est donc “d’apprendre à présenter (ses) produits autrement pour que les gens n’aient pas l’impression de manger les restes des poubelles”.