Que l’on soit une femme ou un homme, nos cheveux peuvent parfois être une vraie prise de tête. Trop longs, trop courts, frisés ou lisses, une couleur qui ne nous va pas, un début de calvitie ou trop de masse capillaire… Bref, on n’est jamais content. Mais parfois cela va bien au-delà de simples questions esthétiques. Héritage culturel assumé ou difficile à porter face au jugement des autres, source de complexes ou prise de conscience de sa féminité… notre rapport à notre chevelure peut révéler bien plus complexe que l’on ne pense. C’est cela que Linda Chibani, Française installée à Londres depuis trois ans, tente de démêler dans son podcast “On Hair”.
Le quatorzième épisode vient de sortir, et au micro Chloé Simone, une Française qui brise le tabou de l’alopécie androgénétique chez la femme, une pathologie parfois difficile à vivre. Juste avant, c’était Hajer Fourat qui témoignait de ses origines tunisiennes qui lui ont offert une belle chevelure bouclée, bien que la jeune femme rêverait d’avoir celle de Charlotte Gainsbourg. Chaque mois, des invité(e)s – majoritairement des femmes – aussi divers qu’intéressants viennent donc raconter à Linda Chibani leur relation à leurs cheveux.
Pour trouver ces différents profils, la jeune femme s’est d’abord entourée de ses connaissances, avant de lancer des appels à témoins sur les réseaux sociaux notamment. “J’explique qui je suis, ce qu’est On Hair et ainsi les personnes me contactent si elles le souhaitent. Sinon, si j’ai un sujet qui m’intéresse en particulier, je précise ce que je recherche”, explique Linda Chibani. Elle fouille aussi sur Facebook et Twitter pour trouver des profils d’inconnu(e)s mais aussi d’acteurs ou experts indépendants de la question capillaire. Ce fut par exemple le cas de Yassine Alamy, co-fondateur du mouvement “Hrach is beautiful” (“le cheveu crépu est beau”) qui ambitionne de revaloriser les cheveux naturels nord-africains.
Ses interviews se déroulent donc à Londres mais aussi à Paris, où elle se rend de temps à autre pour poser son micro et faire causer ses invités. “J’ai lancé mon podcast en janvier 2018, mais cela un an que je m’y consacre entièrement”, explique la Française, qui travaille parallèlement en tant que product manager dans une entreprise spécialisée dans les médias d’animation pour les enfants. Cette idée de donner la parole sur ce sujet a trouvé ses racines dans la propre histoire de la trentenaire. Française d’origine tunisienne, elle a été longtemps complexée par sa chevelure, “trop volumineuse et frisée”. “Je n’ai pas aimé mes cheveux dès l’enfance”, confie-t-elle, “je ne trouvais pas de représentation similaire dans la société, j’en ai donc conclu que le cheveux frisés n’étaient pas beaux et j’en ai fait un rejet”.
A l’adolescence, ça empire. “Dans les années 90-2000, la tendance était au cheveux lisses, j’attachais donc tout le temps les miens, je les ai même coupé courts en 5ème car je ne voulais plus de ces boucles”, raconte Linda Chibani. La mode est une chose, mais c’est aussi et surtout les moqueries dont elle est victime qui la pousse à rejeter sa chevelure. Certains la surnommait “chou fleur”, pas facile à cet âge. Du coup, elle lisse et lisse encore ses cheveux. Et pendant dix ans, elle ne fera que ça.
Puis en 2010, elle découvre le mouvement nappy, né aux Etats-Unis et désignant des femmes noires souhaitant conserver leurs cheveux crépus. “Je me suis vraiment rendue compte qu’on pouvait toutes avoir une relation particulière ou douloureuse avec nos cheveux. Il y a celles qui les perdent, celles qui ont souffert d’être rousses, celles qui ont vu apparaître des cheveux blancs très jeunes… C’est pourquoi j’ai eu envie de donner la parole à un maximum de personnes, en étant le plus inclusive possible, pour montrer que chacun(e) entretient un rapport compliqué avec sa chevelure”.
Le choix d’en faire un podcast l’a tout de suite intéressée, elle qui est une grande consommatrice de ce format audio. “J’ai regardé ce qui se faisait déjà sur le sujet et je n’ai rien trouvé, ni en français ni en anglais, qui correspondait à ce que je souhaitais faire. Et puis, j’ai vu que de nombreux podcasts étaient réalisés par des gens qui n’étaient pas forcément journalistes, alors je me suis dit que je pouvais le faire aussi”, légitime la jeune femme. Le jeu de mot avec “on air”, signe installé à l’extérieur d’un studio de radio pour avertir qu’une émission est en cours, et “hair” pour désigner en anglais les cheveux, était parfait. C’était d’ailleurs la première idée qui lui est venue en tête.
On Hair est en aujourd’hui à sa deuxième saison, et la Française espère encore développer son programme. “J’aimerais vraiment le faire en anglais, mais lors de notre échange, on soulève des questions très profondes avec mon invité(e), du coup, je ne suis pas encore sûre d’avoir toutes les références culturelles britanniques pour faire la même chose en version anglaise”. Si pour l’heure, la majorité de ses interviewés sont des femmes, Linda Chibani souhaite donner aussi la parole aux hommes. “Je prévois d’ailleurs un épisode sur la calvitie cet automne”.