C’est une nouvelle année record pour le consulat général de Londres. En 2019, 40.610 documents d’identité et de voyage ont en effet été délivrés, soit une hausse de près de 10% par rapport à l’année précédente. “C’est un niveau jamais atteint”, confirme le consul Guillaume Bazard avant d’ajouter, “depuis 2016, et le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, on a même enregistré une augmentation totale de 25%”.
Car c’est bien le Brexit qui, en trois ans, a chamboulé l’activité du consulat. A l’état civil, 7.340 actes ont été transcrits en 2019 soit une hausse de plus de 26% comparativement à 2018. Là aussi, c’est un record. “Depuis le 23 juin 2016, de plus en plus de Français sont venus et viennent encore faire transcrire leurs actes de mariages et de naissances”, avance Guillaume Bazard, “à l’époque, on avait enregistré plus de 7.200 actes et on ne pensait jamais atteindre à nouveau ce niveau. Mais là, on y est”. De même, l’effet de la sortie imminente, mêlée à l’incertitude de ces derniers mois, a poussé 564 Britanniques a demandé la nationalité française (acquise par les liens de mariage) rien qu’en 2019 (soit +3,85%). “Avant le référendum, on ne traitait qu’une centaine de cas dont 5 à 10% de Britanniques. Aujourd’hui, ils représentent 70% des demandes”.
Les chiffres du registre des Français de l’étranger montrent quant à eux que le Brexit n’a pas vraiment eu d’impact sur les départs. Preuve en est, la communauté hexagonale est restée stable et a même enregistré une hausse, certes relative, de près de 1% par rapport à 2018. “On compte désormais 147.548 Français au Royaume-Uni en 2019 contre 146.215 l’an dernier”, détaille le consul général de Londres. Entre 1990 et 2019, le nombre de Français sur le sol britannique n’a même fait que croître, passant de 36.000 il y a près de 30 ans à 74.000 en 2000, puis de près de 114.000 en 2010 à environ 150.000 aujourd’hui. “Il n’y a donc pas eu d’exode massif, même si on sait que le nombre de Français inscrits au registre n’est pas le nombre réel de Français résidents. Mais on peut vraiment affirmer qu’il n’y a pas de signe concret de départs”.
Des chiffres rassurants, mais qui devraient motiver les ressortissants, qui souhaitent rester après le Brexit, à demander leur pre-settled ou settled status. “Les citoyens européens d’une manière générale auront légalement jusqu’au 30 juin 2021 pour faire la démarche”, commente Guillaume Bazard. Selon les derniers chiffres du Home Office, 104.300 Français ont déjà fait la démarche et obtenu leur statut, une belle progression depuis mai 2019 où seuls 20.300 ressortissants s’étaient enregistrés. “On remarque que les plus de 65 ans ne représentent que 6% des demandes françaises”, analyse le consul général de Londres.
C’est donc là que le bât blesse. “Il faut que l’on réussisse à les toucher davantage dans des actions de sensibilisation”, reconnaît-il. C’est pourquoi le consulat envisage l’envoi dans les prochaines semaines d’un mail dédié auprès de quelque 150.000 Français inscrits au registre et certainement un courrier physique pour les gens qui n’auraient pas d’adresse mail. Guillaume Bazard rappelle également que les personnes peuvent s’adresser aux collectivités locales, comme à Londres qui a mis en place un hub en ligne ou en Ecosse où le gouvernement est très actif sur la question, ou encore auprès d’associations comme EURights, qui peuvent aider les plus vulnérables.
Cela dit, l’Etat français est plutôt rassuré sur le rythme des demandes de settled status venant de ses compatriotes, bien que certains n’aient pas encore entamé la démarche. “Il y a ceux qui ne se projettent pas ici et qui se disent qu’ils n’ont aucun intérêt à le faire, d’autres qui savent ce qu’il faut faire mais retardent toujours l’échéance et enfin ceux qui pensent encore que l’option d’un changement dans le Brexit est possible”, commente le consul général. Pour les encourager, Guillaume Bazard rappelle qu’aucune requête française n’a été rejetée à ce jour par l’administration britannique. “Il faut le faire et le plus rapidement possible car sans cela, les personnes pourraient se retrouver en situation irrégulière après le 30 juin 2021”. Le consulat se dit disponible pour toutes questions relatives à cette démarche – et uniquement cette démarche – notamment par mail. “On ne peut pas se substituer au Home Office”, souligne Guillaume Bazard. Reste également la plateforme dédiée au Brexit que l’Etat français a mis en ligne.
En attendant la fin de la période de transition officielle, à savoir le 31 décembre 2020, les ressortissants français pourront continuer à voyager avec leur carte d’identité (et jusqu’en 2025 même pour ceux qui auront le settled status) et sans visa, leur permis de conduire demeurera valable, la coordination de la sécurité sociale restera inchangée (avec le maintien par exemple de la carte européenne d’assurance maladie) et les procédures douanières ne bougeront pas. Enfin, concernant le droit de vote aux élections locales, prévues au mois de mai, le flou persiste encore de ce côté de la Manche. “Mais on sait par exemple que les Britanniques vivant sur le sol français ne pourront ni voter, ni se présenter aux municipales”, précise le consul.