Agnès Gaudron a ouvert son salon de beauté, Agnès Organic, il y a près de deux ans dans la capitale anglaise. Cette esthéticienne de formation confesse qu’elle n’aurait jamais pu monter un tel projet en France, “à cause du poids des taxes et charges”. Cependant, à Londres, la Française a pu créer un lieu à son image et proposer une offre qui lui tenait particulièrement à cœur à savoir des soins capillaires et de peau entièrement organiques. Depuis, c’est le succès. Mais comment a-t-elle réussi ? Agnès Gaudron livre ses conseils de patronne.
Quand elle a décidé de traverser la Manche, la Française pensait seulement rester six mois, “comme tout le monde”. Mais au bout de trois semaines, celle qui suivait alors des cours d’anglais dans une école avait déjà été conquise par la ville. Elle se décide ainsi à chercher du travail. Elle pense d’abord à être serveuse dans un bar. “Une amie américaine m’en a vite dissuadé en me disant que je ferais mieux de chercher directement dans un salon d’esthétique”, confie Agnès Gaudron. Elle pose des CVs et est très rapidement contactée par plusieurs salons. “J’ai choisi Ealing, car c’était un quartier qui me permettait d’y vivre et d’y travailler. Les loyers dans les colocations y étaient aussi plus accessibles”, justifie-t-elle.
Embauchée dans un salon de coiffure et d’esthétique à Ealing, il y rencontre alors un ostéopathe français qui louait un espace. “Cet homme est devenu comme un second papa pour moi”, avance Agnès Gaudron. Cette rencontre va en effet être déterminante dans le parcours de la jeune femme. “Il avait déjà une clinique de bien-être à Uxbridge, mais il avait déjà cette idée d’ouvrir un autre établissement à Ealing. Quand on a discuté, on est devenu amis et il m’a proposé d’intégrer sa future clinique”. Un an et demi plus tard, les choses deviennent concrètes. Pendant quatre ans, la Française y travaille comme esthéticienne en tant qu’indépendante.
Pourquoi partir d’un endroit où on se sent comme à la maison ? C’est donc dans le même quartier, à Ealing, que la jeune femme a décidé d’ouvrir son propre salon, Agnès Organic, il y a un an et demi. “La clé de la réussite, c’est de bien connaître son quartier et la communauté qui le compose”, analyse Agnès Gaudron. Elle considère ce secteur de l’ouest de la capitale anglaise comme un village dans Londres. “Les gens se connaissent, se parlent, recommandent des lieux”, explique-t-elle.
“Pour ça, j’ai eu beaucoup de chance”, reconnaît la patronne. La probabilité de trouver un espace à quelques pas de la clinique où elle travaillait était infime. “Je n’y pensais même pas. J’avais déjà commencé à regarder sur Ealing Broadway ou South Ealing”, raconte-t-elle, “l’emplacement est facile à trouver quand on a les fonds. Mais quand on a des contraintes, et notamment financières, cela devient un peu plus compliqué”. Ce sont les propriétaires du café d’à côté qui lui glissent un jour à l’oreille que le barbier à quelques mètres de là avait fermé. Bingo ! Six mois plus tard, en mai 2018, Agnès Gaudron ouvre les portes de son salon organique.
La Française a fait le choix du tout organique, que ce soit pour la coiffure, l’épilation (qui se fait au sucre) ou les soins du corps. “Cela n’a rien à voir avec l’envie d’être dans la tendance”, prévient-elle, “j’ai toujours travaillé avec des produits organiques”. Cette habitude lui est venue alors qu’elle travaillait en France dans des hôpitaux auprès de malades. “Le bio m’est venu naturellement, pour éviter les allergies de produits chimiques, c’était pour moi la meilleure solution. Je voulais aussi offrir cela à mes clientes dans mon salon”. Avec ses employées, elle n’utilise donc que des produits naturels ou minéraux.
Là aussi, la Française reconnaît qu’elle a eu de la chance, puisque sa clientèle au sein de la clinique l’a suivie dans sa nouvelle aventure professionnelle. “Je pense que si je n’avais déjà pas une base de clientes, cela aurait été un peu plus compliqué”, avoue-t-elle. Même après la journée d’ouverture d’Agnès Organic, où tout s’était pourtant très bien passé, elle explique que le stress était à son comble. “Mais j’ai reçu beaucoup de soutien, les gens ont cru en moi”. Un ami lui conseille par ailleurs, dès ses débuts, de participer à des soirées réseautage. “C’est quelque chose de très anglais. Je suis devenue très assidue à ces rendez-vous mensuels, car c’est là qu’entre entrepreneurs, on peut s’entraider, se recommander auprès de nos clients”.
Agnès Gaudron confesse que sa méthode de recrutement est peu orthodoxe. “Je fonctionne au feeling”, confirme-t-elle. Sa première coiffeuse est arrivée par hasard devant son salon. Elles ont discuté et échangé leur numéro de téléphone. “Trois semaines plus tard, elle est venue m’aider et n’est jamais repartie”, sourit la Française. Pour une de ses masseuses, c’est son ami directeur de clinique qui a recommandé à une de ses patientes de frapper à la porte du salon d’Agnès Gaudron. “Cela a ‘matché’ tout de suite”. L’esthéticienne qui doit rejoindre l’équipe en février 2020 a, elle, été recrutée après un mail. “Elle m’a dit qu’elle aimait bien le salon, et qu’elle aimerait bien y travailler. Je l’ai reçue, on a parlé et j’ai senti que cela allait marcher. Je crois beaucoup aux gens”.
C’est en ouvrant son salon, que la Française a vraiment compris le sens du mot “patron”. “Il y a toujours cette frontière un peu difficile entre la patronne un peu flexible et celle qui doit être intransigeante sur certains points”, confesse Agnès Gaudron. Etre leader et manager, c’est aussi prendre des décisions difficiles, comme licencier une employée. Ce que la Française a dû faire dès les premières semaines de l’ouverture de son salon. “J’étais complètement stressée, je pensais jamais y arriver”, expose-t-elle. Mais finalement, elle y est parvenue. “Je sais maintenant que cela fait partie du métier”. La patronne d’Agnès Organic a également un principe : “ne fais pas au autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse”. Alors, elle sait se montrer plus souple sur certaines choses. “Je ne suis pas là pour profiter des personnes, je veux que l’on travaille en bonne harmonie”.
La cheffe d’entreprise a aussi appris à parler différemment selon les nationalités des employées. “Je suis française donc je suis plutôt directe. Mais les Anglais ne fonctionnent pas comme cela, alors j’ai dû m’adapter. Je fais des efforts, mais je ne veux pas non plus changer mon mode de fonctionnement. J’apprends aussi aux filles qui sont anglaises à dire ce qu’elles pensent, ce qu’elles ressentent. Comme cela on trouve un équilibre”.
“Ce n’est pas parce que le premier salon fonctionne bien, que cela veut obligatoirement dire en ouvrir un second”, coupe court Agnès Gaudron. La Française préfère se concentrer sur la réussite du premier, d’asseoir sa réputation. “Je veux le voir grandir et évoluer”. Une évolution qui la concerne aussi puisqu’elle explique qu’elle souhaite à terme proposer des formations. “Ce qui me plairait, ce serait ouvrir une école d’esthétique pour transmettre ma vision du bien-être”. Au Royaume-Uni ? En France ? “Davantage ici que de l’autre côté de la Manche, où de toute façon je n’aurais pas pu faire tout ce que j’ai entrepris ici, à cause de la paperasse, des taxes, de la rigidité du marché du travail”.