Face au “manque de mesures” du gouvernement de Boris Johnson, de nombreux Français du Royaume-Uni ont décidé de plier bagages et de rentrer à la maison. Certains l’ont même fait avant les annonces d’Emmanuel Macron de placer en confinement partiel la population française.
C’est le cas de Marine qui a pris son Eurostar lundi 16 mars dans l’après-midi. La jeune femme a longuement hésité durant le week-end puis, sur les conseils de sa mère, a préféré traverser la Manche pour rejoindre sa famille. “En fait, depuis quelques jours, je commençais à y penser et je m’étais dit que je partirais peut-être en fin de semaine”, explique la trentenaire. Mais les choses se sont finalement accélérées. “On entend quand même que ce virus peut affecter aussi gravement des gens en bonne santé”, et face au manque de mesures concrètes de Boris Johnson, dont elle juge la stratégie très dangereuse, elle a avancé son départ. “J’avais déjà commencé à faire du télétravail la semaine dernière, mais vendredi je n’en pouvais plus. J’avais fait quelques crises de panique durant le week-end”, raconte Marine.
La Française a donc changé son billet Eurostar qu’elle avait réservé pour les vacances de Pâques. “J’ai payé £110 pour l’échange, donc assez cher. Mais je devais me dépêcher avant l’annonce éventuelle d’une fermeture de frontières”. La jeune femme est partie sans vraiment savoir quand elle rentrerait à Londres. “Mais s’il faut revenir, c’est quand même assez facile si les trains le permettent. Et si la situation ne s’arrange pas rapidement je préfère être avec mes proches”.
Lou, de son côté, travaillait depuis trois semaines comme serveur dans un restaurant à Londres. Mais il a fait le choix de quitter son nouveau job à cause de l’épidémie de coronavirus, mais surtout, comme Marine, à cause du comportement de Boris Johnson. “Il n’y a aucune précaution de prise ici alors je préfère être auprès de ma famille”, confie le jeune homme qui garde espoir et espère revenir “dans 2 ou 3 mois”.
Pour Wilfried, avocat dans la capitale anglaise, les raisons de son départ samedi 14 mars sont les mêmes. “En Angleterre, nous avons une à deux semaines de retard sur l’Italie. Le gouvernement britannique est aujourd’hui inconscient, c’est scandaleux et ridicule et il risque d’en payer le prix fort. Il risque de rentrer dans l’Histoire comme celui qui a mis en danger la vie de milliers de personnes en ne prenant pas les mesures nécessaires. Car quand la vague de personnes malades va se ruer en même temps à l’hôpital, je ne sais pas comment ils vont gérer cela”, commente le jeune homme. Rentrer en France était alors plus “safe” selon lui surtout depuis qu’Emmanuel Macron a pris des mesures plus strictes sur le confinement. S’il est revenu également au pays, c’est aussi parce que sa nouvelle offre d’emploi a été mise en attente, crise des marchés financiers oblige. “Du coup, je préfère rester auprès de ma famille”. Il ne craint pas de contaminer ses proches, confie-t-il.
Axelle a elle aussi quitté le pays lundi 16 mars. “J’ai booké mon billet Eurostar hier (dimanche 15, ndlr)“, lance-t-elle. Elle a tout lâché : boulot, appartement, sa vie. “Ma manager a été très compréhensive et j’ai la chance d’avoir des parents qui puissent m’héberger en France, donc la décision a été plus facile à prendre pour moi”. La jeune femme était installée à Londres depuis six mois et devait y rester pour un an. “Au début, et comme tout le monde, je pensais que le coronavirus était comme une simple grippe. Maintenant qu’on se rend compte que c’est grave, c’est hallucinant pour un gouvernement de dire ouvertement à son peuple qu’il ne fera rien et qu’il joue la roulette russe avec nous”, s’agace la jeune femme. Elle craint que le personnel soignant ne soit obligé à terme de “choisir qui sauver ou qui condamner”. “Si la situation doit s’empirer et que le chacun pour soi doit s’installer, je préfère être entourée de ma famille”, confesse-t-elle avant d”ajouter que l’ambassade de France devrait organiser des rapatriements. “Ce n’est pas possible de laisser les gens loin de chez eux, ils vont encore plus devenir fous”.
L’Ambassade de France du Royaume-Uni a été effectivement très sollicitée depuis lundi 16 mars au soir suite à l’annonce d’Emmanuel Macron de fermer l’espace Schengen. “Mais les frontières entre la France et le Royaume-Uni ne sont pas fermées”, insiste la représentation française, “la décision du président de la République ne s’applique pas non plus aux pays de l’Union européenne ni aux pays de l’espace Schengen”. Donc les Français sont libres de rentrer s’ils le souhaitent. Cependant, le ministre des Affaires étrangères a déclaré via un communiqué de presse : “Compte tenu de la dynamique de l’épidémie, les Français qui ont leur résidence habituelle en dehors de l’espace européen et qui le peuvent sont invités, pour raisons sanitaires, à éviter autant que possible les déplacements internationaux et à limiter leurs mouvements dans les 30 jours à venir. J’invite les personnes qui le jugent nécessaire au regard de leur condition sanitaire à se faire connaître de nos ambassades et consulats”.
Le professeur Nadey Hakim, médecin franco-libanais installé à Londres, explique qu’il n’y a pourtant aucune raison de paniquer. “Il ne faut pas prendre les Anglais à la légère, ils ne sont pas bêtes”, commente-t-il, “quand Boris Johnson parle d’une immunité collective , ce n’est pas idiot car c’est le seul moyen de freiner la propagation du virus”. Il y aura pour lui, qu’importe la stratégie finale d’un gouvernement, des dommages collatéraux et donc des décès. “Vouloir rentrer chez soi à tout prix, c’est selon moi aller trop loin”, pense le chirurgien de l’Imperial College.
S’il estime tout de même que des mesures de protection peuvent être prises, il explique qu’“il faut être raisonnable”. “On ne va pas arrêter de vivre. J’étais à l’hôpital Cromwell et à l’arrivée, les personnels prennent la température des personnes entrantes. C’est une bonne chose, ça rassure les gens, mais est-ce que ne pas avoir de la fièvre veut dire qu’on n’a pas le virus ? La fièvre, ça monte, ça descend. Il suffit de prendre deux comprimés de paracétamol pour faire baisser une fièvre. Certains le font d’ailleurs avant l’atterrissage de leur avion pour éviter de se faire arrêter à la douane”. Le professeur reconnaît que pour tout le corps médical la situation est floue. “Même les immunologues, les épidémiologistes ne savent pas. Ils prédisent simplement”. En Angleterre, confie-t-il, il y a 5.000 ventilateurs disponibles. “Mais on va certainement avoir besoin de 100.000 machines”, certifie le docteur Nadey Hakim. Sa recommandation : bien se laver les mains et rester à distance des autres. “Les personnes bien immunisées devraient s’en sortir. Mais encore une fois, c’est l’inconnue”.