C’est en mettant un collant que Sophie Billi-Hardwick a eu une révélation un matin de novembre 2018. “Je l’ai filé alors même que je ne l’avais pas encore enfilé. Ce n’est pas tant de l’avoir abîmé qui m’a agacé mais le fait de devoir le jeter à la poubelle”, confie la jeune femme de 32 ans. Combien finissent ainsi à la corbeille, se demande-t-elle soudain. En faisant quelques recherches, la Française de Londres se rend compte qu’un collant met entre 40 et 100 ans à se décomposer. “L’industrie de la mode est devenue trop polluante”, reconnaît celle qui se met alors en tête de changer les choses. Son objectif, “vu qu’aucune alternative n’existait”, créer sa marque de collants biodégradables.
Mais comment faire quand on n’est experte ni en sciences environnementales ni en création d’entreprise ? Arrivée à Londres il y a dix ans pour finir ses études, elle travaille en effet aujourd’hui comme directrice marketing pour une agence d’événementiel depuis trois ans. Le hasard faisant bien les choses, c’est sur son lieu de travail qu’elle va trouver celle qui va l’aider dans son objectif de révolutionner l’industrie du collant.
Après avoir commencé à travailler sur son projet éco-responsable, en se formant d’abord à la création d’entreprise en avril 2019, Sophie Billi-Hardwick fait en effet la connaissance un mois plus tard d’une autre Française, Marie Bouhier. Cela tombe plutôt bien : la jeune femme de 26 ans, diplômée du London College of Fashion, a écrit un article sur l’a question de l’environnement dans la mode pendant son master. “Quand j’ai rencontré Marie, je ne cherchais pas d’associé en particulier mais plutôt un œil expert. Finalement, elle s’est révélée être plus que ce que je ne pouvais espérer”, confie l’initiatrice du projet.
Elles décident donc de travailler main dans la main pour faire de Billi London une marque de collants, non pas recyclables mais biodégradables. Sophie Billi-Hardwick et Marie Bouhier lancent d’abord un questionnaire auprès de 300 femmes. “Le but était de comprendre leurs habitudes d’achat mais aussi d’analyser les envies et les frustrations”, expliquent les deux jeunes femmes. C’était également le moyen de créer les bases d’une communauté en vue du lancement de la marque quelques mois plus tard.
La partie la plus difficile du projet, reconnaissent-elles, aura été de trouver un fournisseur et fabricant, qui répondent “à notre éthique et qui acceptaient le challenge de créer un produit qui n’a jamais existé”. L’idéal pour elles auraient été de trouver ces professionnels de l’autre côté de la Manche pour obtenir le label “made in France”. En vain. “L’excellence mondiale pour la fabrication de collants se trouve en Italie”, confient Sophie Billi-Hardwick et Marie Bouhier. A Castel Goffredo plus exactement, dans le nord du pays. “On a alors contacté des usines et on leur a donné une liste de nos critères non négociables et qui correspondaient à nos valeurs éthiques et d’éco-conception”.
Après plusieurs visites entre décembre 2019 et février 2020, elles trouvent enfin leur fournisseur, capable d’appliquer une formule qui accélère la biodégradabilité du nylon. De 40 ans, la décomposition (active en milieu sans oxygène) passe ainsi à 5 ans. “Et cela concerne les tissus épais, mais pour les tissus fins, le temps de décomposition sera encore plus rapide”. Selon les deux jeunes femmes, “les experts en charge des tests pensent que les collants Billi London peuvent même se biodégrader en moins d’un an”.
Le stylisme est quant à lui assuré par les Françaises. “On s’inspire de ce qui nous plaît”, s’enthousiasment-elles, “on dessine les modèles et, en collaboration avec l’usine, on voit ce qui est faisable avec leurs fils. Mais on espère dans le futur être capables de proposer plus de designs”. Les deux jeunes femmes voient aujourd’hui leur projet se concrétiser avec le lancement officiel de la marque Billi London vendredi 15 mai. Les clientes peuvent ainsi pré-commander leurs collants depuis la plateforme Ulule. “Il y a plusieurs offres d’achat”, détaillent Sophie Billi-Hardwick et Marie Bouhier, dont un système d’abonnement trimestriel incluant des options de durée différentes. La livraison étant prévue en septembre.
Les fondatrices espèrent ainsi faire la différence dans l’industrie du collant. “On croit vraiment qu’un changement peut s’opérer et créer une nouvelle norme, pour cela il faut qu’on agisse ensemble”, lancent les Françaises. Les manières de consommer s’étant quelque peu modifiées, notamment pendant le confinement, la marque biodégradable Billi London pourrait ainsi trouver une place de choix. “On ne veut pas jouer aux héroïnes ni changer le monde, seulement être actrices dans cette prise de conscience collective et participer à un impact plus positif sur la planète”.