Après trois mois de fermeture, pubs, restaurants, salons de coiffure et hôtels (entre autres) peuvent à nouveau accueillir des clients en Angleterre. Entrée en vigueur le samedi 4 juillet, la mesure s’accompagne toutefois de nombreuses précautions afin d’éviter toute reprise de l’épidémie de coronavirus. Distanciation, hygiène… Les établissements français de Londres reviennent sur les mesures, parfois drastiques, qu’ils ont dû mettre en place pour rouvrir dans les meilleures conditions.
Fermé le 20 mars dernier, le salon Agnes Organic Hair and Beauty, à Ealing, est à nouveau ouvert. Enfin, seulement la partie “coiffure”, les instituts de beauté n’étant pas encore autorisés à accueillir des clients. Mais cela a demandé pas mal d’aménagements. Covid oblige, il a fallu tout repenser pour protéger, au mieux, clientèle et équipe. Ainsi, afin de limiter les contacts, il n’y a plus de salle d’attente. “Les clientes doivent arriver à l’heure ou patienter dans leur voiture, explique la gérante Agnès Gaudron. Nous ne pouvons plus non plus offrir de café ou de magazine“.
Le salon étant petit, l’espace a dû être réorganisé. “Avant, on pouvait s’occuper de deux personnes en même temps pour la coiffure. Mais là, les clientes risquaient d’être trop à côté alors on utilise l’une des salles dédiées à l’esthétique. Quand une cliente demande une couleur, elle peut s’installer là pendant la pose et ça nous laisse le temps de faire une coupe à quelqu’un d’autre dans le salon de coiffure.” La tenue des coiffeuses a aussi été revisitée. “Masque, visière et tablier en plastique sont de rigueur pour les filles, sourit Agnès Gaudron. Ainsi que le port de gants, autant que possible.” Les clientes sont également priées de porter un masque (*). Le poste de coiffure est nettoyé entre chaque personne.
Ces dispositifs un peu techniques ont toutefois pour effet de diminuer la capacité d’accueil du salon de coiffure. “On devrait avoir 30 % de fréquentation en moins, si on s’en sort bien”, calcule la gérante. Pas simple. Surtout lorsqu’on ne fonctionne qu’à moitié (et que la partie “beauté”, toujours fermée, représente 50 % du chiffre d’affaires global). Mais, heureusement, les clientes sont au rendez-vous. “On est quasi complètes jusqu’à la fin juillet”, sourit Agnès Gaudron qui indique avoir reçu de nombreux messages de soutien de la part de sa clientèle.
Pendant le confinement, le restaurant Patron Cave à manger de Kentish Town avait continué à fonctionner en “delivery”. Depuis le 4 juillet, les clients peuvent s’y attabler de nouveau et de nouvelles dispositions ont été prises. Afin de respecter les mesures de distanciation, des tables ont été retirées et des cloisons installées. “Le ‘social distancing’ peut être de 1 mètre (**), avec des conditions un peu particulières, détaille Jean-François Pioc, qui dirige l’établissement avec sa compagne Tanzi Ellison. Nous, on a décidé de mettre des séparations un peu sympas, en verre et en métal, entre les tables.”
Du gel hydroalcoolique est disponible à l’entrée pour la clientèle. Laquelle doit par ailleurs avoir réservé en amont, ce qui permet au restaurant de mieux gérer les flux et d’éviter l’attente potentielle. “La ponctualité des clients est indispensable pour le bon déroulement de la soirée”, insiste Jean-François Pioc. Masques et gants sont portés pendant le service (ils sont aussi de rigueur, naturellement, en cuisine) et un marquage près des tables permet au personnel de conserver une certaine distance. L’aération de la salle est aussi très importante. “Les fenêtres seront ouvertes et on utilisera les ventilateurs au plafond.”
Bien sûr, là aussi, les choses sont encore loin d’être idéales économiquement parlant. Le restaurant ne fonctionnant pas à son plein potentiel avec ces mesures. “On est à 60% de notre capacité d’accueil environ.” Alors l’équipe tente comme elle peut de compenser en augmentant les horaires d’ouverture du restaurant ainsi que le “turn over” aux tables. Parallèlement, Jean-François Pioc et Tanzi Ellison devraient peut-être aussi remettre en service un autre de leurs établissements, le très français Tabac bar (à Kentish Town, également) qui ne fonctionnerait, pour l’heure, qu’en ‘take away’. “On prend tout ça très au sérieux, insiste Jean-François Pioc. Car c’est la meilleure façon de rester ouverts.”
Au pub William IV à Kensal Green, les clients ne seront accueillis qu’en extérieur. Sur la terrasse, à l’entrée, ainsi qu’au niveau du jardin, le très agréable “Dorothy’s garden”, situé à l’arrière du bâtiment. “On s’est dit que c’était les endroits les plus ‘safe’, indique le Français Jean-Marin Bolot, propriétaire des lieux. On peut mettre 55 personnes assises dans le jardin et environ 25 sur l’avant.” Le tout en respectant, bien sûr, le ‘social distancing’, de 2 mètres en l’occurrence, entre les tables. Un système de “QR codes menus”, de menus digitaux, est également proposé pour favoriser le “sans contact” et le service à table, tant pour les plats que les boissons, est privilégié afin d’éviter les attroupements. Le personnel est quant à lui muni de masques et de gants.
Le William IV fait aussi “guest house” (auberge) et compte 15 chambres. Lesquelles ont également rouvert à la réservation. Naturellement, il s’agira, là aussi, de prendre des précautions. Comme le fait de laisser la chambre vide pendant 24 heures entre deux réservations, de procéder à des nettoyages particulièrement insistants, notamment au niveau des poignées de porte… Les petits-déjeuners devraient être portés à la chambre du visiteur, dans un premier temps, pour lui éviter de se rendre dans une salle commune.
Si les réservations sont pour l’heure plutôt calmes côté “guest house” – Jean-Marin Bolot espère que la levée de la quarantaine entre l’Angleterre et certains pays change quelque peu la donne – le pub, lui, s’annonçait “hyper busy” pour sa réouverture. “On va voir si ça se maintient, sourit le patron du William IV. Mais ce premier week-end est prometteur.”
Complexe hôtelier de 194 chambres situé dans l’est londonien, le très fun Mama Shelter (dont la chaîne, française, est adossée au groupe Accor) ne devrait pas ouvrir avant le 15 juillet. Ce qui ne l’a pas empêché de réfléchir aux mesures à mettre à place telles que, à l’instar de nombreux établissements, une “aération des chambres pendant 24 heures” entre deux clients, le renforcement du “room service” que la clientèle pourra solliciter aux heures d’ouverture du restaurant… Des objets souvent présents dans les chambres – masques décoratifs de super-héros, parapluies, verres, magazines – vont être retirés. Les télécommandes seront accessibles sur smartphone. Les chambres seront bien sûr nettoyées de fond en comble, du matériel (éponges, sacs poubelle) à usage unique utilisé pour chacune d’entre elles. Visières et/ou masques, gants seront portés par le personnel. Masques et gants seront aussi à disposition des clients au niveau du restaurant.
Rattaché au groupe français Experimental, l’hôtel 4 étoiles Henrietta, à Covent Garden, a lui rouvert le 4 juillet. Là aussi, mêmes précautions que précédemment : quarantaine des chambres pendant 24 heures, “room service” encouragé…. Il n’y aura pas de buffet pour le petit-déjeuner. Bien sûr, l’hygiène était “déjà une priorité”, rappelle l’hôtel. Mais l’accent est aujourd’hui particulièrement mis sur “les poignées, les télécommandes, les téléphones” tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des chambres. “Dans les espaces communs, poignées de portes, ascenseurs et toilettes sont nettoyés toutes les heures.” Masques et ‘hand sanitisers’ sont à disposition des clients. “Cette réouverture est un véritable challenge mais nous ne sommes pas inquiets, nous savons que cela va mettre des mois avant de se remettre complètement de tout cela, indique l’hôtel. Notre clientèle vient, environ, à 40% du Royaume-Uni. Nous travaillons dur pour attirer à nouveau les gens dans leur quartier préféré.”
(Crédit photo de une : Julia Gaulon)
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(*) les recommandations officielles ne préconisent pas nécessairement de masques pour la clientèle mais pour Agnès Gaudron, c’est une sécurité supplémentaire : “on envoie une circulaire à nos clientes pour les informer des règles de l’établissement”
(**) les autorités recommandent, dans l’idéal, d’observer une distanciation de 2 mètres et lorsque ce n’est pas possible, une distance d’au moins 1 mètre, mais en ayant mis en place des mesures de “risk mitigation”, d’atténuation du risque de transmission
Coordonnées conservées. Les établissements doivent conserver les coordonnées de leurs clients pendant 21 jours et sont susceptibles de les communiquer au NHS afin d’aider les autorités à suivre l’évolution de l’épidémie.
Pour revoir notre émission La Bande FM à Londres avec des restaurateurs français : ici