Ils font leurs valises ou sont déjà partis. L’épidémie de la Covid-19 a de nombreuses conséquences : sanitaires, économiques, sociales. Et pour de nombreux Français du Royaume-Uni – fragilisés économiquement, loin de leur famille – elle peut aussi sonner le glas d’une expatriation. Qu’ils aient ou non déjà pensé à un retour en France, leur décision s’est trouvée précipitée par ce contexte aussi soudain qu’incertain. Témoignages.
De son côté, Camille (*) s’apprête à passer un dernier été à Londres avant de rejoindre définitivement sa Bretagne natale. La jeune femme, qui vivait depuis bientôt trois ans au Royaume-Uni, est rentrée brutalement dans sa famille à l’annonce du confinement. Bien qu’en “furlough”, elle avait du mal financièrement. “Et puis j’ai eu peur de la façon dont la Covid a été gérée en Angleterre, j’ai trouvé ça aberrant”, explique-t-elle.
Le pub dans lequel elle travaille rouvrant ses portes en juillet, la jeune femme devrait toutefois retourner en Angleterre quelques semaines. Mais prévoit de rentrer en France à l’automne. “J’y vais parce que j’ai pas envie de planter ma boîte qui m’a très bien traitée. Mais je pense qu’au 10 septembre, je fais mes valises.” Inquiète à l’idée d’une potentielle “nouvelle vague”, elle préfère aller là où elle se sent le plus en sécurité. Sans plus de regrets que ça par rapport à Londres où elle n’avait pas beaucoup d’attaches et vivait dans une petite chambre.
Côté perspectives d’emploi en France, la jeune femme est plutôt optimiste. “Je trouverais bien un bar, un resto où travailler et où mon anglais sera un plus. Et puis, j’ai un master. Je pourrais peut-être travailler en tant que remplaçante d’anglais dans l’enseignement.” Camille se dit globalement “sereine” quant à sa décision de rentrer.
“Je déménage au 1er août.” Après neuf ans d’expatriation à Londres, Fanette Dautemer a décidé de rentrer en France. “Ça faisait un petit moment que je me posais la question mais, là, avec cette crise, j’ai vraiment eu un déclic.” La jeune femme s’est faite licencier en mai après avoir travaillé pour une grosse entreprise qui tenait un salon de coiffure prisé à Fitzrovia. Formatrice en plus d’être coiffeuse, la Française participait aussi à de nombreux shows et séminaires à l’étranger. Des événements que la Covid n’a pas tardé à annuler. “On est une grosse compagnie, on générait pas mal de revenus sur ces voyages, explique Fanette Dautemer. Le coronavirus nous a frappés de plein fouet.” Quelques temps après, le salon de coiffure ferme définitivement ses portes et la Française se retrouve sans travail.
Fanette Dautemer ne se laisse pas abattre pour autant et en profite pour donner de l’élan à des réflexions qu’elle mûrissait depuis un moment. A trente ans, la jeune femme estime qu’elle s’est déjà bien accomplie, professionnellement, à Londres mais juge que sa qualité de vie laisse à désirer. Les prix chers, la colocation presque obligatoire dans la capitale britannique commencent à lui peser. Le sentiment est bien sûr renforcé par la crise. Fanette Dautemer fait donc le choix de rentrer à Toulon auprès de sa famille.
Elle n’est pas trop inquiète pour son avenir. “Mon ancien employeur a aussi un salon pas très loin de Toulon. Je pourrai y faire des extras.” Elle prévoit aussi de donner des cours de coiffure en ligne, qui se sont bien développés avec le lockdown. Enfin, elle n’exclut pas de revenir de temps à autre à Londres pour venir en aide à son ancienne entreprise, mais uniquement de manière ponctuelle. “Je souhaite vraiment parvenir à combiner mon activité de coiffeuse à une meilleure qualité de vie”, insiste-t-elle.
Manon Journet, elle, est déjà repartie. Rentrée en mars dans sa famille, dans le nord de la France, elle annonce finalement à son employeur – une crèche dans la jolie ville universitaire de Cambridge qui l’avait placée en chômage partiel – qu’elle ne reviendra pas. “Ça ne redémarrait pas, explique-t-elle. La crèche m’avait dit qu’elle rouvrirait peut-être à la mi-juin mais c’était pas sûr. J’avais déjà laissé mon appartement en Angleterre et, voyant que ça n’avançait pas du côté de la crèche, j’ai préféré poser ma démission fin mai.”
Une décision qui n’a pas forcément été facile à prendre car la jeune femme n’avait pas l’intention de rentrer de si tôt. Etudiante en Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) en France, Manon Journet s’était octroyée une période de césure linguistique en Angleterre avec son compagnon. Arrivée en août dernier, elle prévoyait au départ ne rester qu’un an mais les choses se déroulant bien, la Française n’excluait pas de rester davantage.
De retour en France, elle cherche actuellement des petits boulots – sans, toutefois, beaucoup de succès vu le contexte – et devrait reprendre son cursus de Staps à l’automne. Bien sûr, elle a pas mal de regrets par rapport au Royaume-Uni. “Je n’ai pas accompli tout ce que je voulais : avoir un bon niveau d’anglais, découvrir l’Irlande et l’Ecosse… Tout s’est arrêté net”, soupire-t-elle.
“Ma conjointe devrait bientôt débuter un nouveau travail dans la vente à Paris.” Sébastien (*) et sa compagne, qui s’étaient installés à Londres, ont déjà remis eux aussi un pied en France. Après cinq ans passés dans la capitale britannique, les Français ne voient plus l’intérêt d’y rester. “Avant, on avait des perspectives d’avenir très alléchantes dans nos entreprises respectives. Mais on n’a plus vraiment ce sentiment-là.” Et ce, en grande partie, à cause de la Covid. “Je suis assistant manager dans un restaurant et j’envisageais un poste de gérant, explique Sébastien. Ça se profilait bien. Mais là, je crois que je peux faire une croix dessus pour facilement un an, un an et demi.” Quand à sa conjointe, la boutique dans laquelle elle venait de commencer a fermé à cause de la crise.
Le couple s’est par ailleurs pas mal inquiété des difficultés de circulation entre pays pendant la pandémie. “On a eu à faire face à une vraie distance, raconte Sébastien. Et on s’est dit qu’il serait préférable de rentrer définitivement au cas où la situation viendrait encore à empirer. Certes, nous serions à Paris, et non dans le sud de la France d’où nous sommes originaires, mais au moins il n’y aurait pas de frontière à traverser.”
Lui a toujours son travail à Londres et attend encore un peu avant de rejoindre sa compagne. “Il faut qu’on règle nos différents contrats : le bail, les ‘utility bills’. Et puis il y a le gros de nos affaires à gérer.” Le Français a commencé à postuler sur Paris, notamment dans la vente, où il a aussi acquis une petite expérience en travaillant dans les magasins d’une designeuse à Londres. Il cherche à valoriser au mieux son expérience britannique. “On ne s’est jamais dit qu’on resterait toute notre vie à Londres, sourit-il. On ne considère pas du tout ce retour comme une défaite. Juste la fin d’une bonne aventure.”
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(*) Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat de la personne