Il y avait déjà les prix, exorbitants, des billets de train ou d’avion, la peur, aussi, de transmettre le virus à sa famille… Il y a désormais une suspension, au moins pour une durée de 48 heures, de tout voyage du Royaume-Uni vers la France pour cause de mutation de la Covid-19. Non, il ne fait pas toujours bon être Français au Royaume-Uni, surtout si l’on espère passer Noël avec ses proches.
Un communiqué du Premier ministre français Jean Castex, publié le dimanche 20 décembre au soir sur le site de l’ambassade de France, indiquait en effet la mise en place d’une “suspension à compter de ce 20 décembre, minuit, et pour une durée de 48 heures, de tous les déplacements de personnes (…) en provenance du Royaume-Uni”. Une “réouverture sécurisée des flux” est néanmoins prévue à partir du 22 décembre et devrait s’appuyer sur “un dispositif de test obligatoire au départ”. Les ressortissants français souhaitant voyager sont donc invités à se faire tester, sans précision sur la prise en charge du coût potentiel (les tests utilisés dans le cadre de voyages à l’étranger sont normalement réalisés par des organismes privés, en Angleterre et donc généralement payants). Le communiqué précisait par ailleurs qu’une attention particulière sera portée à la “situation spécifique des ressortissants français qui ont prévu de rentrer en France pour passer les fêtes de fin d’année en famille”.
La décision de suspendre les voyages fait suite à l’annonce, samedi 19, par Boris Johnson, du reconfinement d’une partie de l’Angleterre – dont la capitale, Londres – après la découverte d’une nouvelle mutation du coronavirus pouvant s’avérer plus contagieuse. Le délai de 48 heures doit notamment permettre aux états européens de réfléchir à une approche coordonnée sur la façon de gérer les flux en provenance du Royaume-Uni.
Bien sûr, de telles mesures ont fait beaucoup de mécontents et suscité pas mal d’inquiétude, dimanche soir, chez les expatriés qui comptaient se rendre en France pour les fêtes. “C’est quand même bête de s’être auto-confiné pendant une semaine pour finir comme ça”, note Milo (*) sur l’un des groupes Facebook des Français de Londres. “Je rentre normalement mercredi, explique de son côté Elodie. Mais si je dois faire un test PCR, cela devra donc se faire soit lundi soir, soit mardi matin pour avoir les résultats à temps. Franchement, c’est une galère et une arnaque ce truc…” Beaucoup de questions ont bien sûr circulé sur les tests à fournir et où se les faire prescrire. “Je cherche des endroits qui pratiquent des tests PCR et qui donnent des résultats rapidement, s’inquiète aussi Zaza, sur Facebook. Et pas à £300 le test…(voir encadré).” “Surtout si c’est pour nous dire, dans deux jours, qu’on annule vos vols…”, peut-on lire ailleurs.
De son côté, Léna est très embêtée. Stagiaire venue pour quelques mois à Londres, la jeune fille devait quitter définitivement l’Angleterre lundi 21. Problème, comme pour beaucoup, son Eurostar a été annulé. L’étudiante a donc dû se dépêcher d’en trouver un autre, les réservations étant toujours ouvertes pour les trajets effectués au-delà du 22. A un prix exorbitant, toutefois. “Les places pour le 23 partaient super vite, forcément. Celles qui restaient étaient en classe ‘business’. J’ai pu avoir un billet mais ai dû payer plus de 300 euros alors que mon ticket initial s’élevait, lui, à 80 euros (la jeune fille, souhaitant aller vite, n’est pas passée par l”e-voucher’ ou le ‘rebooking’, de toute façon indisponible actuellement pour les billets annulés).“ Coût auquel pourrait aussi s’ajouter le prolongement de sa location, pour quelques jours, à Londres (Léna avait donné son préavis pour son logement et se retrouve donc contrainte de rester plus longtemps). L’étudiante a par ailleurs dû réserver un test PCR en urgence pour lundi après-midi.
Loic Schaëfer, dont le train a aussi été supprimé, parle lui de “colère” et de “beaucoup de frustration”. “J’ai l’impression qu’on fait tout pour nous mettre des bâtons dans les roues.” Le Français n’a pas encore pu “rebooker” de nouveau train mais a toutefois pris un rendez-vous pour réaliser un test PCR ce lundi, en attendant. Il regrette bien sûr la soudaineté de ces annonces. Et quant au potentiel risque de contagion supplémentaire représentée par la nouvelle souche de Covid, le Français pointe du doigt le gouvernement Johnson. “Je pense surtout que le laxisme des autorités anglaises envers leur population n’a pas aidé à freiner la propagation du virus…”. De son côté, Nawel a préféré prendre les devants et a annulé d’elle-même sa réservation Easyjet, samedi 19, craignant notamment de se retrouver “bloquée” en France, au retour.
La situation pose aussi problème aux Français de Londres qui s’apprêtaient à recevoir du monde pour Noël. En effet, si la circulation des personnes de France vers le Royaume-Uni n’est, elle, pas suspendue, le passage, dimanche 20 décembre, de certaines zones de l’Angleterre – dont Londres – en seuil d’alerte maximal (‘tier 4’) complique nécessairement les choses. Puisqu’il est officiellement demandé de ne pas entrer ou sortir de ces zones, à part pour raisons essentielles (et qu’il n’y est en théorie pas possible de se retrouver entre plusieurs ‘households’). Devant tant de complications, les parents d’Océane Pornin, qui devaient venir voir leur fille dans la capitale britannique, ont bien sûr dû annuler. “C’est dur, moralement, commente la jeune fille. Heureusement, je suis avec mon copain, donc nous serons tous les deux pour les fêtes mais voir de la famille nous aurait fait du bien.” Les fêtes de fin d’année auront, décidément, un goût bien particulier cet hiver.
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(*) Les noms complets de certaines personnes n’ont pas été indiqués pour préserver leur identité