2023 marque les 25 ans du Good Friday Agreement – en français “accord du Vendredi Saint” –, également connu sous le nom d’accord de Belfast. Le présent américain Joe Biden se rendra pour l’occasion en Irlande du Nord et en République d’Irlande du mardi 11 au vendredi 14 avril.
Signé le 10 avril 1998, et approuvé par deux référendums, le Good Friday Agreement met fin à plus de trois décennies de conflits entre unionistes et nationalistes. Accord de paix, il est aussi à l’origine de changements ayant façonné le paysage politique des deux Etats.
Depuis la séparation de l’Irlande du Nord et de l’Etat libre d’Irlande – aujourd’hui la République d’Irlande – en 1921, des tensions subsistent entre les deux Etats. Une division au sein de la population s’observe en effet entre les unionistes, souhaitant que l’Irlande du Nord reste au sein du Royaume-Uni, et les nationalistes, souhaitant qu’elle fasse partie de l’Etat libre d’Irlande.
À partir de la fin des années 1960, les tensions s’intensifient. Plusieurs groupes armés, unionistes comme nationalistes, tels que l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et la Force des volontaires d’Ulster (UVF) passent à l’offensive. Des attentats à la bombe et fusillades sont ainsi commis, coutant la vie à plus de 3,500 personnes. Des troupes britanniques sont même envoyées en Irlande du Nord. La signature du Good Friday Agreement en 1998 viendra alors mettre fin à ces 30 ans de conflit, période appelée les « troubles ».
Le Good Friday Agreement repose sur l’idée d’une coopération entre différentes communautés. Il regroupe ainsi deux documents interdépendants : un accord multipartite conclu par la plupart des partis politiques d’Irlande du Nord, ainsi que par les gouvernement britannique et irlandais, et un accord international entre les gouvernements britannique et irlandais – l’accord britannico-irlandais.
L’accord prévoit dès lors trois composantes ayant pour objectif de réformer et restaurer les relations entre les différentes communautés. La première se rapporte à la création de l’Assemblée d’Irlande du Nord et le Comité Exécutif d’Irlande du Nord, deux institutions souveraines sur les questions locales. La deuxième traite des relations et coopération transfrontalière nord-sud, soit entre les gouvernements d’Irlande et d’Irlande du Nord. Enfin, la troisième concerne le maintien des relations est-ouest, soit entre l’Irlande du Nord et le gouvernement britannique.
En vertu de la première composante du Good Friday Agreement, le Parlement britannique a délégué des pouvoirs législatifs et exécutifs à l’Assemblée et au Comité Exécutif d’Irlande du Nord. C’est ce qu’on appelle la dévolution, similaire au principe de décentralisation en France. L’Assemblée et l’Exécutif sont dès lors tous deux considérés comme des personnes morales propres.
L’Assemblée constitue ainsi le pouvoir législatif, c’est-à-dire qu’elle élabore les lois, et ce, sans avoir besoin de l’approbation du parlement britannique. Son contrôle législatif couvre principalement les domaines économique et social, et plus généralement les affaires concernant directement la vie des constituants d’Irlande du Nord. L’Exécutif, lui, est l’institution gouvernementale en charge de mettre en œuvre les lois adoptées par l’Assemblée.
Juste après que l’accord a été signé, deux référendums furent organisés le 22 mai 1998 pour que le peuple puisse donner son avis sur le contenu. Le premier eut lieu en Irlande du Nord, et portait sur l’accord multipartite. Le deuxième eut lieu au sein de l’Etat libre d’Irlande, et portait sur l’accord britannico-irlandais, ainsi que la modification de la Constitution nécessaire à l’adoption de l’accord.
Les résultats tombèrent le jour suivant : le Good Friday Agreement a recueilli une majorité de suffrages, avec 71 % en Irlande du Nord et 94 % en Irlande. Entré en vigueur en décembre 1999, il fait désormais partie de la Constitution irlandaise.
Bien que le Good Friday Agreement ne définisse pas de dispositions frontalières spécifiques entre les deux états, il fait de la coopération transfrontalière un principe clé. Afin de protéger cet élément fondamental suite au Brexit, le Royaume-Uni et l’Union Européenne ont signé le Northern Ireland Protocol en janvier 2021.
En revanche, ce protocole, qui maintient l’Irlande du Nord au sein du marché unique européen, a fortement été critiqué par les unionistes, notamment le Parti Unioniste Démocratique (DUP), qui détenait la majorité à l’Assemble d’Irlande du Nord jusqu’en mai 2022. Ils affirmaient alors que cette nouvelle mesure compromettait leur place au sein du Royaume-Uni en renforçant les frontières de part et d’autre de la mer d’Irlande.
Le DUP est impliqué, depuis un an, dans un boycott du partage de pouvoir, système de gouvernance en place à l’Assemblée, avec le Sinn Fein (nationalistes), arrivé en tête des dernières élections, et cela, en objection au protocole. Mais fin février dernier, Rishi Sunak, Premier ministre britannique, et Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, se sont mis d’accord sur un nouveau protocole, baptisé “The Windsor Framework”, conçu pour résoudre le problème de la circulation des marchandises entre le marché unique européen et le Royaume-Uni dans le Protocole actuel d’Irlande du Nord. Un accord depuis signé par les deux parties, malgré les réticences du DUP.