Depuis début février, Kew Gardens accueille, comme chaque année, son festival de l’orchidée. Un rendez-vous où les visiteurs peuvent ainsi admirer toute la beauté de la flore, mais aussi de la faune, du pays mis à l’honneur. Pour cette édition 2024, le festival a choisi de célébrer Madagascar. Le spectacle naturel, à découvrir jusqu’au dimanche 3 mars, a été monté pièce par pièce par toute l’équipe de la serre des jardins botaniques de l’ouest de Londres. A sa tête, une Française, Solène Dequiret. L’horticultrice en chef travaille depuis près de dix ans pour Kew Gardens, là où tout a vraiment commencé pour elle.
Avant de rejoindre le jardin botanique londonien, la jeune femme, aujourd’hui âgée de 31 ans, était étudiante à l’École nationale supérieure de paysage à Blois. C’est un peu par hasard qu’elle s’est inscrite dans le cursus, l’idée lui ayant été soufflée par sa mère. Bonne élève, Solène Dequiret rêvait de faire une carrière lui permettant d’allier l’art et les sciences. “Après le bac, ma mère m’a alors suggéré de m’inscrire dans une école de paysagiste”. Pas si illogique, elle qui a toujours aimé passer du temps avec son grand-père maternel qui cultivait une passion pour le jardinage ou avec sa grand-mère maternel qui lui a appris le goût des belles choses, en particulier l’art de la composition de bouquets de fleurs.
La jeune femme s’inscrit alors à l’école nationale supérieure de paysage de Blois, mais très vite elle va se sentir bloquée. “Quand je fais quelque chose, j’ai besoin de savoir pourquoi je le fais. Le côté très ‘ingénieur’ de la première année ne m’a pas beaucoup plu”. L’envie de s’améliorer en anglais mais aussi d’étudier de nouvelles options de carrière la pousse à faire un stage en Angleterre. Elle rejoint alors Glyndebourne, demeure anglaise qui abrite un opéra privé et un festival durant l’été depuis 1934. Pendant son séjour, elle travaille dans les jardins et se découvre une véritable passion pour les plantes et les fleurs. “Cette expérience a remis en perspective ce que je voulais vraiment faire et je me suis rendue compte qu’être paysagiste, c’était mettre au second plan les plantes. Or c’est ce que j’aimais faire”.
La Française décide donc d’approfondir ses connaissances en rejoignant le Cornwall College. “Au Royaume-Uni, le jardin est un domaine très apprécié et bien vu. Plus qu’en France”. Solène Dequiret a trouvé ce qui lui plaît : l’horticulture. Un choix de carrière qui va se confirmer lors d’un autre stage, cette fois-ci à à Kew Gardens. En parallèle, elle prend des cours à distance à la Royal Caledonian Horticultural Society d’Edimbourg. “Comme j’avais adoré mon stage à Kew Gardens, j’ai alors demandé à en refaire un lors de l’Orchid Festival”. La Française s’intègre tout de suite et décide finalement de rester pour faire son apprentissage au sein de l’école d’horticulture de Kew. “Je devais écrire un mémoire en anglais, j’étais convaincue que je ne pourrai pas y arriver, mais mon manager de l’époque m’a encouragée”.
La formation à Kew Gardens lui donne la possibilité d’apprendre tout en pratiquant. “Nous avions trois mois de cours par an et le reste de l’année se composait de projets et d’études scientifiques”. Parfait pour la Française, qui s’épanouit. Puis la chance va lui sourire. Une fois son diplôme en poche, elle est embauchée directement par le jardin botanique. Une exception, due au fait qu’un poste s’est libéré au moment-même où elle finissait ses études. Une belle opportunité pour démarrer sa carrière. “J’ai débuté à la Palm House (palmeraie de Kew Gardens), où je m’occupais du design”. Moins de deux ans plus tard, elle décroche ensuite le poste de responsable du Princess of Wales Conservatory.
Poste qu’elle occupe donc depuis septembre 2022. Sa principale mission, accompagnée de son équipe, consiste au maintien quotidien des plantes et fleurs habitant le lieu, qui regroupe dix zones climatiques différentes. L’objectif étant de montrer la biodiversité et l’importance de leur préservation. “Plant is life”, rappelle Solène Dequiret, “les plantes produisent l’oxygène, mais aussi nos médicaments, ce que nous mangeons”. La serre accueille toute l’année 550 variétés d’orchidées mais aussi 5,000 plantes dont certaines sont carnivores. “Selon ce que l’on veut raconter aux visiteurs, nous adaptons la collection”.
En plus de ces missions de maintenance, l’équipe menée par la Française est également chargée du développement de l’Orchid Festival. Si l’événement n’était pas inconnu à Solène Dequiret, qui avait déjà prêté main forte lors des éditions précédentes, elle n’avait pas réalisé la charge de travail que cela représentait avant d’en prendre entièrement la charge l’an dernier. “Je faisais 25,000 pas par jour”, se souvient la Française, qui, avec ses équipes, aura réussi à faire une très belle édition 2023. Et celle de cette année semble prendre la même direction.
Si Solène Dequiret ne décide pas des pays mis à l’honneur chaque année, c’est désormais sa responsabilité d’offrir le plus beau design pour que les visiteurs en prennent plein les yeux. Le travail débute dès mars, à peine l’édition précédente terminée. “On a une réunion tous les mois avec les équipes d’horticulture et le directeur de l’interprétation pour écrire l’histoire que nous souhaitons raconter”. Les échanges d’idées se font aussi en collaboration avec l’ambassade du pays choisi, “l’idée étant de savoir ce qui est important de mettre en valeur”. Ensuite, Solène Dequiret est chargée de créer le design. “L’étang est le point le plus important car il est vide en hiver, en attendant la pousse des nénuphars géants”, explique la Française.
L’objectif des équipes est de faire en sorte que tout le design soit prêt pour juin-juillet pour décider, avant septembre, des plantes et fleurs nécessaires pour le festival, certaines devant être commandées aux Pays-Bas. “Même si nous essayons d’utiliser les plantes de nos collections, nous sommes obligés d’en acheter car nous n’avons pas la capacité d’en faire pousser autant que nécessaire pour le festival”. Les équipes essaient par ailleurs de recycler autant que possible l’existant. “Par exemple les fleurs séchées ou les copeaux d’écorce peuvent nous servir à la confection des œuvres présentées”. Cela a été le cas pour la tête de girafe l’an dernier. “Et cette année, nous avons transformé le soleil du Costa Rica en caméléon géant”.
La serre est évidemment fermée pour laisser les équipes monter le festival et grâce à l’aide de la cinquantaine de bénévoles, tout est en place en temps et en heure. “Nous prenons aussi soin des fleurs et des plantes pendant toute la durée du festival, car il ne faut pas oublier que ce sont des éléments vivants”. Tout est ensuite démonté en une semaine. Un gros travail pour Solène Dequiret comme pour ses équipes mais la Française ne se plaint pas, heureuse de pouvoir ramener, en hiver, un peu de couleur dans la vie des visiteurs.