Avant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la question de la « résidence », de l’installation permanente (« settlement ») ne se posait pas vraiment car les Européens avaient le droit de travailler et de rester aussi longtemps que souhaité. Sauf qu’avec le Brexit, il faut désormais un visa pour immigrer outre-Manche. L’accès à la résidence est-il devenu impossible pour autant ? Non, mais c’est plus compliqué.
Lors du Brexit, les Européens déjà installés au Royaume-Uni ont pu bénéficier du statut « settled », qui leur garantissait le maintien de leurs droits et la résidence permanente.
Malheureusement, les personnes venues après doivent, elles, plutôt se tourner vers l’Indefinite Leave to Remain (ILR), plus difficile – mais pas impossible – à obtenir et avec des différences (ce statut peut se perdre après deux ans d’absence du territoire britannique, contre cinq pour le settled) mais qui donne aussi accès à la résidence. Libérant ainsi des contraintes des visas… « Une personne n’a plus à avoir de sponsor pour travailler, détaille le spécialiste en immigration Dominic Magne. Elle a aussi le droit de demander des aides sociales et peut aller et venir au Royaume-Uni sans entrave. »
Et rester autant de temps que désiré et ne plus avoir à payer de renouvellement de visa ou d’IHS ( « l’Immigration Health Surcharge, de £1,035 par an », rappelle Dominic Magne). A noter que l’ILR ouvre aussi droit à la naturalisation au bout d’un an.
Pour obtenir l’Indefinite Leave to Remain, il faut notamment avoir passé quelques années sur certains visas, de travail en particulier. « Les visas ‘étudiant’ et ‘diplômé’ ne mènent pas au settlement », note Nilmini Roelens, autre avocate spécialiste en immigration.
Dans les permis concernés, on peut citer le visa généraliste du « skilled worker » (lequel a constitué près de 70 % des settlements accordés dans la catégorie « travail » sur l’année 2023), qui donne accès à la résidence au bout de cinq ans, à condition d’être reconduit au travail occupé pour le visa lors du dépôt de la demande…
Il y a aussi le « global talent », pour les experts dans certains domaines (dans ce cas-là, l’ILR peut se demander au bout de trois ou cinq ans), l’« innovator founder », pour les entrepreneurs (dépôt de demande possible au bout de trois ans, si le sponsorhip est reconduit).
Il y a encore le visa pour les sportifs, indique Nilmini Roelens, le « scale-up », pour les personnes venues développer des sociétés… Des « switchs » vers ces visas peuvent être possibles ainsi que des combinaisons : quelqu’un ayant passé deux ans sur un skilled worker après avoir été innovator trois ans peut ajouter les années des deux visas pour avoir les cinq ans requis.
Le nombre d’années comptant pour la résidence (généralement cinq ans) dépend de son visa. Et pour qu’une année soit valable, il faut bien sûr ne pas avoir été trop absent du territoire britannique. « En général, une personne ne doit pas s’être absentée plus de 180 jours (six mois) par an », précise Dominic Magne. Des spécificités existent parfois.
Condition essentielle, il faut valider un test de connaissance globale de l’histoire, des institutions, de la culture et des valeurs du Royaume-Uni, appelé Life in the UK (que l’on peut aussi passer pour la nationalité). Lequel prend la forme d’un questionnaire à choix multiple (QCM), auquel il faut avoir 75 % de bonnes réponses et qui coûte £50.
Parfois (comme lors d’une demande de settlement après avoir bénéficié d’un visa global talent), il faut prouver sa connaissance de l’anglais. Mais ce n’est pas toujours nécessaire, beaucoup de personnes ayant déjà fait la démarche, une première fois, pour l’obtention de leur visa (cas du skilled worker, où le niveau d’anglais est demandé en amont).
Malheureusement, les frais administratifs de l’ILR sont assez élevés, puisqu’il faut verser £2,885 pour valider une demande. Le montant s’applique aussi à chaque possible « dependant » – partenaire, enfant – que l’on a avec soi, confirme Nilmini Roelens.
La démarche se fait en ligne, au plus tôt 28 jours avant les cinq ans, généralement, qualificatifs (ne pas attendre l’expiration du visa, vous pourrez rester en attendant la décision). Vous seront notamment demandées des informations sur votre date d’arrivée, votre visa, vos absences du territoire (avec des documents possiblement à fournir…), preuve du Life in the UK, informations sur votre sponsor, votre travail (skilled worker), les références de votre BRP (« Biometric Residence Permit »)…
Il faudra aussi un rendez-vous pour les « biometrics » (photos, empreintes). La procédure peut prendre jusqu’à 6 mois (ou quelques jours contre paiement). Vous ne pourrez pas voyager en attendant.
Si cela fait longtemps que vous vivez au Royaume-Uni – techniquement, si vous avez « accumulé 10 ans de résidence continue et légale », indique Dominic Magne – et ce même sur des visas autres (comme le « student ») que ceux cités avant, vous pouvez aussi demander l’ILR. A condition d’avoir respecté les six mois par an et de ne vous être absenté plus de 548 jours au total. C’est ce qu’on appelle la « longue résidence ».
Les dependants, notamment les partenaires venus avec les titulaires de visas, de travail, peuvent eux aussi demander l’ILR – tant que les permis de leurs compagnons sont compatibles avec la résidence – et doivent se plier à des exigences similaires (souvent cinq ans minimum requis, respect des six mois par an notamment pour le skilled worker…). Ils doivent aussi souvent, logiquement, vivre ensemble lors de la demande.
La chose est également possible pour les époux et partenaires de Britanniques ou de personnes déjà titulaires de l’ILR présents sur un visa famille. Ils doivent, pour cela, généralement attendre cinq ans, naturellement avoir vécu avec leur conjoint et avoir l’intention de continuer… Leur est également demandé d’avoir, avec leur partenaire, un revenu combiné minimum de £18,600 ou £29,000 par an selon les cas.
Les frais sont toujours de £2,885 par personne. Les moins de 18 ans n’ont bien sûr pas à valider le test du Life in the UK et le niveau de langue.
En 2023, un peu plus de 119,000 demandes de settlement (toutes voies confondues : travail, famille… et hors « EU Settlement Scheme », pour les Européens présents avant le Brexit) ont été accordées, au total au Royaume-Uni, sur environ 122,000 décisions rendues.
Près de 43,000 correspondent à des voies « travail » et un peu plus de 32,500 à des logiques de regroupement familial. Plus d’informations, ici, sur les différentes voies d’accès à l’Indefinite Leave to Remain.