Reprendre des études à 40 ans, ce n’est pas toujours facile. Pourtant, c’est le défi qu’a relevé Valérie Gabail peu après son arrivée à Londres il y a 4 ans. Avec dans ses bagages 25 ans de carrière en tant que chanteuse d’opéra, elle y a découvert la profession de coach vocale, dans laquelle elle a choisi de se reconvertir. Aujourd’hui, seule au commande de son entreprise “The professional voice trainer”, elle qualifie le parcours qui l’a mené jusque-là de “meilleure expérience de sa vie”.
C’est d’abord la volonté de quitter la capitale française qui a propulsée Valérie Gabail dans un nouvel univers. “Je me sentais dans une cocotte minute à Paris. On est tout de suite catalogué”, dénonce t-elle, avant d’ajouter qu’à Londres, “ce sont les compétences qui comptent et rien d’autre”. La Française, se disant anglophile de longue date, a donc commencé sa nouvelle vie londonienne avec la profonde envie “d’explorer la scène artistique anglaise”.
Ainsi, c’est en fréquentant les théâtres plusieurs fois par semaine qu’elle y a découvert “le chant de la voix parlée”, désignant par là, la parole de l’acteur. “Un nouveau champ s’est ouvert à moi”, affirme t-elle, voyant là une nouvelle opportunité professionnelle. “A 40 ans, quand on est chanteuse d’opéra, notre carrière s’épuise. On sait très bien que notre voix ne dure pas éternellement”, confie t-elle.
De ce fait, elle intègre le master “Voice Studies”, à la Royal Central School of Speech and Drama de Londres, un pas décisif dans sa reconversion en coach vocale. D’ailleurs, ce retour sur les bancs de l’université lui a permis de découvrir le “political speech” – la parole publique – qu’elle a enseignée à l’université de West London en parallèle de ses études. Elle qualifie même cette découverte de “révélation” donnant un sens à ce qu’elle a entrepris. Son diplôme en poche, c’est donc l’envie d’apprendre aux gens à prendre la parole devant un auditoire qui lui tient à cœur.
La chanteuse d’opéra commence donc ce qu’elle aime appeler “la deuxième partie de sa vie” dans l’enseignement. Après avoir travaillé avec les acteurs de la Drama School of London, elle choisit finalement de s’éloigner de ce milieu “épineux”. “Je préfère enseigner aux gens qui font du business, je les trouve plus gentils et plus modestes”, explique t-elle. Elle crée donc sa propre entreprise en septembre 2019 dont l’une des missions est d’aider les gens à réduire leur accent, qu’il soit français ou venant d’autres horizons.
“Il s’agit de les rendre plus compétitifs sur le marché anglo-saxon”, développe t-elle, “je les aide à trouver leur voix”. Sa propre expérience d’expatriée française renforce sa volonté de soutenir ses compatriotes, souvent démoralisés de ne pas réussir à se départir de leur accent. “Je veux leur montrer que ce n’est pas impossible”, déclare l’ancienne chanteuse d’opéra.
La coach vocale est aussi sensible à d’autres problématiques, comme celle du sexisme dans le monde du travail. Elle essaye donc d’apporter sa pierre à l’édifice avec son savoir-faire. “Aujourd’hui, quand on est une femme, on se fait souvent interrompre par les hommes, il faut apprendre à négocier son temps de parole”, explique t-elle, trouvant cependant l’Angleterre “plus féministe” que la France à ce niveau. Les conseils qu’elle donne aux femmes lui font d’autant plus apprécier sa reconversion en ayant le sentiment d’agir à son échelle dans le débat public. “Je travaille sur des problèmes de mon temps, ce qui n’est pas réellement le cas à l’opéra, restant assez rétrograde”, conclut-elle.