En 1990, Angelo Musa, en formation en école hôtelière, ressent le besoin d’améliorer son anglais. C’est alors qu’il prend la direction de l’Angleterre pour effectuer un stage à Hambleton Hall, un hôtel country house de luxe, à 200 kilomètres dans le nord de Londres. 32 ans plus tard, avec une carrière impressionnante derrière lui, le chef pâtissier français a ouvert le 14 juillet dernier – et ce n’est pas un hasard s’il a choisi la date du jour de la fête nationale – sa première boutique dans la capitale anglaise. De quoi émouvoir Angelo Musa. “C’est une vraie joie”, lance-t-il, “même si j’ai 52 ans, je me suis senti comme un enfant. J’avais déjà eu les larmes aux yeux quand Harrods m’avait fait la proposition d’avoir ma propre boutique. Rejoindre une telle maison est juste incroyable”.
Car c’est au sein du prestigieux magasin de luxe londonien, au quatrième étage, qu’Angelo Musa propose désormais un espace raffiné, mais certainement pas prétentieux – un peu à son image -, où ses plus belles créations sucrées (dont le 100% Vanille, ainsi que le Papilio, grâce auquel le chef a remporté les championnats du monde) côtoient également une offre salée gastronomique. Le chef a pensé l’endroit du sol au plafond, de la vaisselle (les assiettes – en porcelaine de Limoges – ont été peintes à la main et chaque palette de couleur utilisée est accordée à un met) à la décoration. “On a même installé un chariot réfrigéré”, fonctionnant comme une vitrine à desserts, mais en les maintenant dans une fraîcheur parfaite. Une innovation, dont est le Meilleur ouvrier de France, avant-gardiste en la matière, est d’ailleurs très fier.
Le projet avec Harrods a été monté très rapidement. En cinq mois exactement. “En 2019, Markus Bohr (chef pâtissier d’Harrods, ndlr) m’avait contacté pour un projet, qui ne s’est finalement pas fait”, raconte Angelo Musa. Les deux hommes ont cependant gardé contact. “Les relations humaines ont toujours été importantes pour moi”, souligne-t-il. Markus Bohr recontacte donc le chef français il y a quelques mois en lui proposant d’ouvrir son salon de thé. “Sur le coup, je n’ai pas trop réalisé, puis en construisant le projet, tout est devenu plus réel”, confie Angelo Musa, qui estime que tout n’aura pas été possible sans son équipe, dont son assistante Céline Manoukian. “Être bien entouré, avoir une belle équipe, c’est important, car seul je ne pourrais rien faire”, insiste le chef, “c’est grâce à Céline notamment que j’ai pu partir confiant, car elle a su tout gérer”.
Quand le projet est arrivé sur la table, Angelo Musa voulait aller jusqu’au bout de l’idée de proposer quelque chose d’unique. “On ne voulait pas simplement ouvrir un pop-up, mais bien une belle boutique, de grande qualité, où tout aurait été pensé”, affirme le chef. Près de deux mois après l’ouverture, le Français est plutôt content. Mais alors pourquoi avoir attendu si longtemps pour venir s’installer à Londres, alors même que d’autres grands chefs pâtissiers, comme Pierre Hermé, Philippe Conticini et plus récemment Cédric Grolet, ont déjà posé le pied dans la capitale anglaise ? “Je crois aux hasards que la vie nous offre, une vie qui est faite de rencontres et d’opportunités”, explique-t-il, “aussi, je pense que je manquais peut-être de confiance”. Un comble, quand on sait qu’Angelo Musa est chef pâtissier du Plaza Athénée à Paris et a été élu champion du monde de pâtisserie en 2003 !
Le doute habiterait donc même les plus grands. Mais le Français aime avant tout prendre son temps, et aime répéter qu’il fait confiance aux surprises de la vie. Comme en 2015, où il pensait déjà ouvrir sa propre boutique en France, mais c’est alors qu’Alain Ducasse lui propose de le rejoindre au Plaza Athénée. “Cela a forcément reporté cette idée de s’installer”. Mais il ne regrette rien. “Le principal, c’est d’être heureux dans ce que l’on fait, et surtout de prendre du plaisir, je travaille en tout cas beaucoup avec ce moteur”.
Chacun son rythme, chacun ses opportunités. “On ne peut jamais rien prédire et jamais je n’aurais pensé en être là. J’ai toujours fonctionné au feeling, les rencontres que j’ai faites ont toujours guidé mes choix”.
Aujourd’hui, le hasard l’a donc conduit à Londres, où il propose une carte de desserts et pâtisseries, ainsi que de mets salés, dont les recettes sont inspirées de ses voyages mais aussi des jeunes talents qui travaillent avec lui. “J’aime leur laisser la liberté de s’exprimer, ensemble on peut faire des choses incroyables. Sans compter qu’intellectuellement et affectivement, cela m’apporte beaucoup”.
Angelo Musa espère que son concept continuera à plaire. “J’ai envie de faire voyager les gens, pour qu’ils retiennent qu’ils ont passé un bon moment et que cela les pousse à revenir. J’espère qu’ils se laisseront emprunter dans mon univers, que cela les marquera. Car la pâtisserie, c’est avant tout du plaisir”.
Quand on lui demande quels sont ses futurs projets, le chef laisse planer le mystère. Non pas pour faire tenir en haleine les gourmands, mais simplement parce que lui-même ne sait pas. “Jamais je n’aurais pu prédire que je ferai ce que je fais aujourd’hui. On ne sait pas de quoi l’avenir est fait”, commente Angelo Musa, “j’ai besoin d’une part de découverte, et cela a été le cas pour le Plaza Athénée, les confitures (il a lancé sa marque) ou encore Harrods”. Le Français explique aussi qu’il a justement déjà beaucoup de choses sur le feu, et comme il aime “maîtriser la qualité”, il ne court pas après le volume.