Après des années aux quatre coins du monde pour travailler ou diriger certains des plus beaux hôtels des plus grands noms du secteur, Antoine Melon a décidé de changer de vie. Plus précisément, c’est la crise sanitaire qui l’aura obligé à revoir sa feuille de route professionnelle. En effet, en novembre 2019, le groupe hongkongais Aqua, qui possède quatre restaurants à Londres dont deux au Shard et deux sur Regent’s Street, lui taille un poste sur-mesure. Malheureusement l’arrivée de la pandémie, que l’hôtellerie-restauration va prendre de plein fouet, va tout remettre en question et le Français se retrouve alors sans emploi.
En attendant que l’orage passe, Antoine Melon part se reposer en Provence auprès de ses parents, et réfléchit à ses envies futures. “Je me suis demandé si j’avais vraiment envie de continuer à voyager comme ça”. Il a plutôt envie de soutenir à sa manière les gens du métier, qu’il a côtoyé tant d’années, à faire face à la crise. “L’idée était de les aider à trouver une nouvelle façon de gagner de l’argent et en même temps d’analyser les changements que la pandémie avait opéré sur les consommateurs”.
Cette analyse lui montre que la consommation à la maison était devenue une nouvelle habitude avec les confinements à répétition, Antoine Melon se dit alors qu’il serait intéressant de proposer des expériences à domicile. “Faire venir à la maison ce que l’on ne pouvait presque plus faire dehors”, résume-t-il. HOMEtainment est ainsi né. Il aura fallu plus d’un an pour mettre l’idée en place. “Quand je suis revenu à Londres, j’avais seulement l’idée sur le papier”. Grâce à son réseau, il construit son équipe et crée la marque.
Mais surtout il se met à recruter les “hometainers”. “Je me suis là aussi servi de mon réseau ou de recommandations”. Ils sont 70 aujourd’hui à être listés sur la plateforme où les clients, selon leurs envies et leur budget, peuvent réserver l’activité de leur choix. “On a vraiment une grande diversité d’offres. Par exemple, il y a une liseuse de tarots, un magicien, des chefs à domicile, des mixologistes, une fleuriste, une “animal whisperers”, une happiness therapist, une chanteuse d’opéra, une spécialiste de cristaux, un sommelier qui propose une dégustation de vins et fromage…”.
Au total, le client peut choisir entre 140 expériences différentes adaptées, promet Antoine Melon, à tous les portefeuilles. “On veut être accessible à tout le monde. Par exemple, pour avoir un chef à la maison, les prix varient de £60 à £190 par personne, selon le profil du professionnel. Au final, cela ne coûte pas plus que si on sortait au restaurant. Entre les transports, les plats, le vin, cela revient au même. Sauf qu’on n’a pas à réserver une table, dont on aura accès seulement pour 1 heure 30 et être dans un endroit où on doit éventuellement porter un masque”.
Mais Antoine Melon assure qu’il ne veut pas être un concurrent des restaurants, ou de salles de spectacles, mais plutôt mettre sur la table une offre complémentaire. “Et puis, je suis content de pouvoir aider des freelancers de qualité et professionnels qui ont aussi subi la crise sanitaire. Cette plateforme leur donne une visibilité supplémentaire et la possibilité de se faire connaître à un public plus large”.
Depuis le lancement officiel mi-mai dernier, déjà plus de 40 expériences ont été vendues et plus de 500 personnes ont pu en profiter. “Nous sommes encore une start-up, mais nous avons beaucoup d’ambition. J’ai envie que HOMEtainment soit présent dans plusieurs villes d’Angleterre, mais aussi de l’étranger car je pense que cette plateforme répond à un nouveau besoin. Les gens ont envie de redécouvrir leur chez eux, qui est devenu leur sanctuaire pendant la pandémie. Ils ont été forcés de rester à la maison, et beaucoup ont investi pour rendre leur intérieur plus confortable”.
Cette expérience entrepreneuriale, Antoine Melon la vit de manière “excitante”, lui qui a longtemps travailler pour les autres. En effet, son curriculum vitae est impressionnant : le Français a travaillé dans 11 pays pour les plus grands noms de l’hôtellerie-restauration mondiale. Pourtant tout prédestinait ce Lyonnais d’origine à suivre la tradition familiale, et de reprendre la boutique de joaillerie dont sa famille est propriétaire depuis 160 ans.
Mais c’est après une expérience gustative, alors qu’il n’avait que 7 ans, qu’Antoine Melon tombera dans la marmite de l’hôtellerie-restauration. “Pour mon anniversaire, mes parents qui ont toujours été des ‘foodies’ m’ont emmené chez Paul Bocuse”, se souvient Antoine Melon, “j’ai eu la chance de goûter le menu dégustation adulte”. La qualité des plats, mais surtout sa rencontre avec le chef dans les cuisines, l’impressionnent et le jeune Antoine n’a plus qu’une idée en tête : travailler dans la restauration. Ses parents, loin d’être froissés de ne pas voir leur fils suivre le chemin familial, le soutiennent dans ce choix de carrière. Antoine Melon ira donc se former à l’école hôtelière de Lausanne où il obtient son diplôme en management de restauration. Il débute à l’Hôtel du Rhône à Genève, puis au Méridien à Bangkok.
A 18 ans, pour son service militaire, il sera affecté à Louxor en Egypte. Il y dispensera des cours de français à l’école hôtelière. Puis direction l’Ecosse où il deviendra l’assitant directeur de l’hôtel Balmoral à Edimbourg. C’est en 1997 qu’il débarque pour la première fois à Londres pour travailler pour Terence Conran, l’un des plus grands restaurateurs de la capitale anglaise. Il participe à 6 ouvertures d’établissements. La vingtaine à peine entamée il a déjà parcouru une partie de l’Europe, de la France à la Suède en passant par l’Angleterre… “A 29 ans, j’étais le plus jeune directeur général”. Toujours avec cette soif d’apprendre, Antoine Melon s’envole ensuite vers l’Espagne où il monte son propre restaurant, le Café Oliver, “un bistrot méditerranéen”. “Je me suis associé avec un ami d’enfance et un chef français”, précise-t-il, “on nous appelait les Trois Mousquetaires. On a été les premiers à importer le brunch à Madrid”.
Après 6 ans de succès, Antoine Melon rend son tablier pour Hong Kong, où il travaillera comme directeur pour le Mandarin Oriental. Pendant trois ans, il collaborera avec le chef Pierre Gagnaire, dont les établissements décrocheront une pluie d’étoiles. Pas de quoi le satisfaire, puisqu’il part ensuite aux Maldives, pour le Six Senses Laamu, où il manage 100 villas de luxe pendant une année. Puis, il part à Pucket où il devient le numéro deux, puis directeur général, d’un l’hôtel de Trisara. C’est là qu’il rencontre par deux fois le “chief operating officer” de Soho House, qui parviendra à le convaincre de revenir en Angleterre.
Aujourd’hui, Antoine Melon ne regrette pas son choix de reconversion, et à 48 ans, il se dit donc heureux de “recommencer de zéro”, même si “être son propre patron, c’est parfois avoir des doutes et toujours savoir se motiver soi-même”, reconnaît le créateur de HomEtainment. Mais les premiers retours très positifs des clients l’encouragent à continuer. “Ça me donne du baume au cœur”. Le Français ne compte d’ailleurs pas s’arrêter sur cette lancée, et vient d’ajouter un petit nouveau à sa marque : Officentainment, qui propose aux entreprises d’organiser leur Christmas Party.