Elle a appris le métier auprès des plus grands et aujourd’hui elle veut transmettre son savoir à celles et ceux qui souhaitent apprendre ou maîtriser un peu plus les secrets de la pâtisserie. Kelly Nadjarian propose en effet trois masterclasses de macarons, qui se dérouleront entre début novembre et mi-décembre, au sein du café-boulangerie où elle officie, Today Bread à Walthamstow Central, dans le nord de Londres. Pour la Française de 33 ans, s’il est si essentiel de transmettre, c’est parce que “si on ne le fait pas, l’intérêt pour la pâtisserie va se perdre”. Impensable pour elle qui a été première femme primée au concours des meilleurs apprentis de France et qui a su très jeune qu’elle voulait faire de la pâtisserie son métier.
Arrivée à Londres en 2011 sur les conseils et encouragements d’un chef avec lequel elle travaillait chez Pierre Hermé à Paris, Kelly Nadjarian se dit que la capitale anglaise est la ville parfaite, non seulement pour apprendre la langue mais aussi pour changer d’air. Car à l’époque, un événement familial va la bouleverser. Au point qu’elle a besoin de prendre de la distance avec la vie qu’elle menait jusque-là. Et elle ne regrette pas son choix. “Ce que j’aime à Londres, c’est ce multiculturalisme, la diversité et l’ouverture d’esprit des gens. Ici, tout est enrichissant”.
Kelly Nadjarian a donc toujours su qu’elle voulait être pâtissière. Petite, après l’école, elle allait rendre visite à sa grande tante, commerçante au marché couvert de Saint-Germain. “Elle me donnait toujours quelques pièces et j’allais m’acheter un goûter à la Maison Mulot, la boulangerie qui était juste à côté de son magasin”, se souvient la Française. Son goût pour les plaisirs sucrés naît un peu à ce moment-là. Mais déjà, elle adorait pâtisser confitures et tartes avec sa grand-mère. “Mon père lui faisait des pâtisseries orientales”, ajoute Kelly Nadjarian, fière de ses origines arméniennes. En colonies de vacances, la Française adorait également régaler ses camarades en faisant des gâteaux au chocolat. “Mon père m’avait acheté le livre de Joël Robuchon tellement j’étais passionnée”.
Une passion qu’elle va vouloir transformer en métier. Après sa troisième, elle rejoint l’école Médéric, un établissement d’excellence. Mais avant de se spécialiser en pâtisserie, la jeune femme prépare d’abord un CAP cuisine. A 16 ans, elle sort major de sa promotion et débute au restaurant Sud-Ouest et Compagnie à Montparnasse. “On faisait tout maison, que ce soit le foie gras, le cassoulet. J’y ai aussi appris comment faire de la pâte à chou à la force du poignet”, lance Kelly Nadjarian, “c’est là que j’ai compris que ma place était dans la pâtisserie”. Si cuisiner lui plaît –“c’est un art qui fait appel aux cinq sens”, reconnaît-elle –, elle préfère la pâtisserie, qu’elle définit comme “une science”. “On est des chimistes qui jouent avec des particules, des textures, des molécules, la chaleur”.
Elle s’engage alors dans un CAP pâtisserie, puis travaille pour Jean-Georges Vongerichten, chef français qui possède plusieurs établissements dans le monde. A 19 ans, elle participe au concours des meilleurs apprentis de France et décroche la double médaille d’argent, une première pour une femme. “Je n’avais eu que deux semaines de préparation, je travaillais ma recette de 8 à 2 heures du matin. J’ai tenu grâce aux encouragements de mes parents et notamment de ma mère”. Kelly Nadjarian travaille ensuite pour Le Majestic à Paris, où elle s’occupe alors de la carte des desserts.
Puis un ami, employé au Royal Monceau avec Pierre Hermé, lui explique que l’équipe recherche un commis. Elle réussit le test et rejoint le pâtissier. Elle est chargée des viennoiseries et ses horaires sont intenses. “Je commençais à 3 heures du matin pour terminer à 15 heures”. Pendant un an, elle tient le rythme, mais un événement familial va tout bousculer. La jeune femme a alors besoin de changer d’air et prend ainsi la direction de Londres.
Avec un CV déjà bien fourni, Kelly Nadjarian n’a pas de mal à trouver du travail. Elle débute au Mandarin Oriental pendant un an puis rejoint pendant six mois le Berkeley Hotel, auprès de Pierre Koffman. Ensuite, la Française est embauchée au Morton’s Club pendant un an. “J’ai tellement appris à chacun de ces postes”, se souvient la jeune femme. Elle est recrutée par la suite par La Belle Epoque. On lui propose, alors qu’elle n’a que 24 ans, d’ouvrir en parallèle un centre de production de macarons aux Etats-Unis. Elle part pour Orlando, travaille d’arrache-pied, mais “à deux semaines de l’ouverture, on m’apprend que cela ne se fera pas”, raconte Kelly Nadjarian. Elle reprend donc le chemin de Londres puis de la France où elle travaille pour Le Faust.
Un nouveau projet autour du macaron se présente à elle, en Chine cette fois-ci. Mais là encore, après avoir posé les premiers jalons, le projet capote. “Je suis revenue à Londres et j’ai été embauchée comme sous-chef au London Edition Hotel puis comme cheffe pâtissière. Mais les horaires étaient très difficiles”. Au point qu’elle démissionne. Elle rejoint alors le Marriott County Hall puis Duck and Waffle où sa création en chocolat en forme de canard devient le dessert le plus instagrammé de Londres.
A 30 ans, la vie de Kelly Nadjarian prend un virage radicalement différent. En effet, la jeune femme veut rejoindre l’armée française. Elle réussit alors le concours de pâtissier pour travailler au sein des ambassades de France dans le monde. Elle signe un contrat de cinq ans, mais un problème de santé la force à abandonner ce projet. Cependant, elle ne baisse pas les bras et poursuit son chemin. La Française revient à Londres et enchaîne les postes au sein d’établissements prestigieux comme le Ned, le Ritz ou encore le Beaumont Hotel. Tout sera ensuite stoppé par la Covid et l’impossibilité de travailler la pousse à se lancer dans un projet personnel : la confection de confitures et de pâtes à tartiner.
Au moment de la reprise post-Covid, Kelly Nadjarian décroche le poste de pâtissière à Today Bread, d’abord à mi-temps avant que le propriétaire des lieux, Alex Bettler, un ancien graphiste franco-suisse reconverti dans la boulangerie, ne lui propose un temps plein. La jeune femme accepte et aujourd’hui, elle ne regrette pas d’avoir délaissé les établissements haut de gamme pour ce café-boulangerie trendy du nord de Londres. Ses pâtisseries font un carton.
Parce qu’elle aime partager son savoir, elle a eu l’idée de proposer des ateliers macarons pour des petits groupes de passionnés ou de curieux. Trois rendez-vous son ainsi programmés entre novembre (les mercredis 2 et 23 novembre) et décembre (mercredi 14 décembre). D’autres dates devraient suivre en 2023. “On voudrait aussi proposer d’autres thèmes comme les desserts de restaurant, que ce soit un fondant au chocolat ou de la crème brûlée, ou encore un atelier tartes”, précise Kelly Nadjarian.