Quand Alain Ducasse décide de faire quelque chose, il le fait bien et s’entoure des meilleurs. Après la grande cuisine, où sa réputation n’est plus à faire avec sa vingtaine de restaurants à travers le monde cumulant les étoiles, le chocolat avec une boutique fraîchement ouverte en octobre dernier à Londres, le voici qu’il se lance dans une nouvelle aventure : le café.
C’est dans son restaurant “Alain Ducasse At The Dorchester”, que le chef aux trois étoiles nous reçoit. Il est de passage express dans la capitale anglaise pour un événement caritatif. Mais il a tenu à prendre le temps de parler de son nouveau projet. Le Café Alain Ducasse a enfin ouvert ses portes début décembre dernier dans le tout nouveau quartier aménagé de King’s Cross, tout cela sans tambour ni trompette. Parce que d’abord, l’équipe voulait rôder la machine et ainsi voir quel goût allait prendre cette nouvelle idée, la boutique étant située juste à côté de celle du Chocolat Alain Ducasse.
A l’intérieur, comme dans le concept, même esprit : de l’industriel artisanal. Tout a été pensé jusqu’au dernier détail. L’équipe composée de Fabio et Jakub et qui entoure le chef des opérations Romain Schmitt a été formée pour répondre aux exigences d’Alain Ducasse. Parce qu’ici, le café servi – et il en existe sous toutes ses formes – est réalisé avec précision. Des meilleures cultures de café au monde à la torréfaction, puis du grammage à la température de l’eau en passant par la pression exercée sur le café, rien n’est laissé au hasard avec un seul but : arriver à la perfection. “Cela faisait très longtemps que je n’étais pas satisfait de ce que je trouvais, je me suis donc penché sur le dossier”, explique Alain Ducasse, décidé alors à imaginer un concept, déjà appliqué à sa cuisine ou à son chocolat : aller aux sources du café jusqu’à la tasse.
L’idée lui a trotté dans la tête il y a près de quatre ans, c’est donc dire le temps qu’il a fallu pour concrétiser son projet. Justement, pour le mettre en forme, le chef s’est entouré de la crème de la crème, comme Veda Viraswami, champion de France de café torréfié et troisième au championnat du monde. C’est lui qui a pris la tête des opérations au sein de la manufacture parisienne, où tout se passe. Alain Ducasse a aussi fait le tour du monde pour trouver les meilleurs grains de café qu’il a sélectionnés avec des experts du domaine. Dans sa boutique londonienne, on trouve des saveurs venues entre autres d’Ethiopie, du Panama, du Yémen, du Kenya, du Costa Rica mais aussi de France, et plus exactement de l’Île de la Réunion. A chaque fois, le chef travaille avec des producteurs locaux – qu’il paie à juste prix – pourvus d’un savoir-faire et les quantités produites sont toujours limitées. “J’ai toujours préféré m’adresser à ceux qui s’y connaissent”, résume Alain Ducasse.
Le Français a même inventé un nouveau métier : le cafelier, mix entre café et sommelier, car pour lui, le café nécessite autant d’expertise que le vin ou les spiritueux. Ainsi prendre un café chez Alain Ducasse, c’est la certitude de voir agir la magie sous ses yeux. Les gestes sont maîtrisés et calculés au milligramme près, le service est un vrai spectacle. Sur la carte, des goûts pour tous, du café filtre à l’espresso, en passant par le cappuccino servi avec du lait venu de Normandie et issu de vaches nourries à l’herbe fraîche. L’idée d’Alain Ducasse n’était pas seulement de combler les amateurs de café, mais aussi de convertir les curieux au nectar caféiné. Ainsi les buveurs traditionnels de thé pourront goûter à l’infusion chaude de cascara, pulpe séchée de la cerise de café à partir de laquelle sontégalement produites, une infusion froide plus concentrée comme un whisky et une version iced-tea. Toujours sans alcool bien sûr, un café “cold brew”, façon bière, comme une Guinness. “Ce que l’on propose, c’est pour les gens curieux, perméables”, lance Alain Ducasse qui espère ainsi les convertir au goût du café. Mais pas question d’oublier les amateurs de chocolat chaud, très demandé d’ailleurs depuis l’ouverture de la boutique à King’s Cross. Un chocolat viennois vient aussi de faire son apparition sur la carte.
Dès le départ, le Français a donc souhaité offrir une “véritable expérience” au client. Comme pour sa cuisine, le chef ne cesse d’innover et pour son café il va faire de même. Actuellement des tests sont en cours avec l’inventeur de la machine la plus perfectionnée au monde, La Marzocco, qu’Alain Ducasse utilise déjà dans sa boutique londonienne mais aussi parisienne. “Je veux un café parfait et donc ramener le risque à zéro quand le cafelier le prépare”, explique-t-il. Le coup de main, aussi précis soit-il, sur le poignet de la machine reste une étape aléatoire qu’il veut donc maîtriser. “On veut programmer tout cela pour permettre un geste net”, et ainsi garder toute l’authenticité du café. Si les résultats sont concluants, “ce sera alors une évolution majeure” dans le domaine. Faisant ainsi d’Alain Ducasse encore un pionnier.