“Quand on crée une entreprise, on est à l’épreuve tout le temps, il faut juste savoir apprendre à surmonter les obstacles”, confie Marine Vincent. Et la Française sait de quoi elle parle. Après ouvert à Clapham sa première parapharmacie, Make Me Feel, et ce, quelques semaines après le référendum sur le Brexit en 2016, elle a lancé sa seconde, baptisée cette fois-ci The French Pharmacy, le 19 octobre dernier dans le quartier de Marylebone, en pleine pandémie de la Covid-19.
Dès son arrivée à Londres en 2006, la pharmacienne de formation, alors âgée de 25 ans, savait qu’elle voulait ouvrir sa propre officine. “J’ai toujours eu en tête de créer une pharmacie à la française”, confie Marine Vincent. Mais avant de concrétiser ce grand projet, il lui a fallu affronter un “challenge” de taille, celui de savoir si elle allait “pouvoir trouver un emploi en Angleterre”, sachant que son anglais, à l’époque, “était limité”. Elle commence à travailler d’abord au sein du cabinet français Medicare, tout en étant stagiaire dans une pharmacie anglaise “pour pouvoir comprendre les différences du métier entre la France et l’Angleterre”.
Très rapidement, elle s’enregistre auprès de l’Ordre des pharmaciens et enchaîne les postes dans des officines londoniennes, dont elle deviendra même, pour certaines, manager. Mais cette envie d’apporter son savoir-faire à la française dans une capitale qui abrite – officiellement – plus de 150.000 expatriés hexagonaux, la titille de plus en plus. “Il y a par exemple beaucoup de produits français qui sont peu ou mal représentés dans les pharmacies anglaises. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est que le pharmacien ici, contrairement à la France, n’est presque jamais au comptoir pour parler aux patients ou aux clients. Et cela me gênait beaucoup d’être simplement derrière à signer des boîtes”.
Il aura fallu attendre dix ans pour que Marine Vincent parvienne à ses fins. “Il était nécessaire pour moi de me sentir prête, à l’aise. Je suis aussi devenue maman en 2011”, explique la pharmacienne, qui ajoute, “il y a aussi le fait qu’on ne débarque pas dans une ville à l’étranger et qu’on décide de se lancer tout de suite. Mais je ne regrette en aucun cas d’avoir pris le temps, car cela m’a vraiment permis d’apprendre les codes du pays”.
En août 2016, Make Me Feel ouvre donc à Clapham, quartier où elle réside alors. “Beaucoup de gens me disaient que j’étais folle de faire ça en plein Brexit, qu’il valait mieux d’attendre de voir ce qui allait se passer, mais franchement là non plus, même si cela a ajouté un peu de stress supplémentaire, je ne regrette pas d’y être allée. Parce que si je ne l’avais pas fait, je serais encore en train d’attendre”, analyse la Française. Quatre ans après, et forte de son premier succès, Marine Vincent remet le couvert. Et ce, malgré un autre contexte d’instabilité, celui de la pandémie de la Covid-19. En même temps, ouvrir une telle officine en pleine crise sanitaire n’a pas été une mauvaise idée. Car Make Me Feel a bien fonctionné pendant le confinement, d’autant plus que la Française avait lancé en janvier 2019 sa boutique en ligne.
Dans ces deux parapharmacies, la jeune femme propose plusieurs services. Outre la vente de produits français, elle offre aussi la possibilité de soins esthétiques visage et corps mais aussi d’ostéopathie, avec deux salles de traitement pour The French Pharmacy. “Je trouve qu’il y a une logique à proposer ce type de services”, complète-t-elle, “médecine traditionnelle et douce ont une synergie et c’est cela que je voulais reproduire dans mes boutiques”.
Construire quelque chose de solide, y aller étape par étape, c’est la philosophie de vie de la jeune femme, qui aujourd’hui met toute son énergie à l’attention de son “dernier bébé”. Cependant, cela ne l’empêche pas de penser à l’avenir. A Londres d’abord, dans une nouvelle boutique dans le nord cette fois-ci, pour pouvoir un peu mailler la capitale et ainsi répondre à la demande. Mais aussi dans le reste de l’Angleterre, avec un système de franchises “Make Me Feel”. “J’ai eu beaucoup de contacts de personnes intéressées, mais rien de concret”, raconte-t-elle, “en même temps, je ne suis pas pressée”. La Française rêve aussi de dépasser les frontières anglaises, avec en ligne de mire New York et Dubaï. “Je sais que dans ces villes les femmes sont intéressées par les soins beauté. Mais on verra, car la vie est telle qu’elle est, pleine de surprises”.