“On est écœuré”. Christophe Pradeau ne décolère pas depuis que les avocats du Borough Market ont menacé de les attaquer, lui et ses collaborateurs, Germain Cazeaux et Alban Le Biez. En cause, le nom de leur restaurant installé… dans le quartier de Clichy à Paris. Les trois Français avaient choisi “Borough” comme nom de baptême pour leur établissement ouvert en juin 2019. “On a décidé de l’appeler comme ça, car l’objectif de notre restaurant était de créer du lien entre les banlieues ou les zones en pleine gentrification et les grandes villes”. Car les co-fondateurs espéraient développer leur concept dans toute la région Ile-de-France.
C’est d’ailleurs ainsi qu’ils se sont retrouvés menacés de poursuites judiciaires. “On a décidé en mars dernier de déposer la marque “Borough” en vue de ce développement”, explique Christophe Pradeau. Neuf mois plus tard, début décembre, alors que l’INPI leur a validé leur demande, l’équipe reçoit dans la foulée un mail des avocats du Borough Market. “Ils nous ont transmis une mise en demeure de 50 pages, nous expliquant que nous n’avions pas le droit d’exploiter le nom “Borough” puisque le marché avait déposé sa marque dans toute l’Europe”. Inquiets, les associés saisissent alors leur conseil, une avocate spécialisée dans la propriété intellectuelle. “Elle nous a expliqué que sur le principe du dépôt de la marque, ils étaient dans les règles. Sauf que ce dépôt n’est valable que pour 5 ans mais celle de Borough Market arrivait à expiration”. Mieux, le marché londonien n’a jamais, durant cette période, initié un seul projet de développement en Europe. “Aucun n’est en cours non plus ou prévu dans le futur”, précise Christophe Pradeau. La mise en demeure serait donc caduque.
Mais les restaurateurs ont dû tout de même prendre un nouveau nom : le restaurant, qui sert 35 couverts, s’appelle dorénavant Regiøn, changeant ainsi le concept et tablant sur la mise en avant des plats culinaires régionaux et européens “dans une ambiance ‘comme à la maison’, mêlant savoir-faire et humain”. Mais qui dit changement de nom, dit changement d’enseigne, de décoration intérieure, de site internet, mais aussi de raison sociale car “on avait choisi aussi d’appeler notre groupe “Borough””, confie Christophe Pradeau, “bref, il a fallu tout refaire”.
Coût total : plus de 5.000 euros. Une somme non négligeable en pleine Covid. Mais les restaurateurs n’avaient pas vraiment le choix. “Les avocats de Borough Market nous ont mis la pression, non seulement en nous envoyant un mail mais aussi en nous appelant et nous disant qu’on n’avait qu’un mois pour se plier à leur demande tout en leur fournissant des preuves qu’on avait bien tout changé”. Aucune négociation n’a été possible selon le Français, qui leur avait proposé de ne jamais s’implanter outre-Manche afin de trouver une porte de sortie à cette situation. Incompréhensible pour Christophe Pradeau. “Notre avocate nous a expliqué que, dans d’autres cas similaires, des terrains d’entente avaient été trouvés, avec parfois des entreprises situées dans la même ville ou exerçant dans le même domaine d’activité”.
“C’est une honte totale. On est très déçus”, poursuit Christophe Pradeau, “car Borough Market est un marché regroupant des indépendants et non un restaurant. Et puis, s’ils ont déposé la marque, ils l’ont déposée pour “Borough Market” seulement, et non “borough”. Ils n’ont jamais montré une volonté de se développer, donc que cela n’aurait pas dû les déranger. En plus, faut-il rappeler, le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Europe”. Écœurés, les Français ne comprennent toujours pas cette action de la part du marché londonien.
Sollicité par nos soins, Borough Market n’a pas souhaité commenter la situation. “Notre priorité est de rester ouvert en tant que marché de produits essentiel pour les Londoniens qui vivent et travaillent localement, et de soutenir nos petites entreprises et nos commerçants individuels pendant cette période très difficile”.