Neuvième table ronde et toujours aucun accord en vue. C’est donc à nouveau sur un point d’interrogation que se sont achevées vendredi 2 octobre les dernières discussions sur la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Cela fait pourtant des mois que les deux parties échangent et tentent de trouver un terrain d’entente. Mais l’horloge tourne et rien ne semble bouger.
Face à cette inertie, et certainement pour rassurer les marchés financiers, la présidente de la commission européenne et le Premier ministre britannique ont publié samedi 3 octobre un communiqué conjoint dans lequel ils expliquent avoir “convenu de l’importance de trouver un accord, si possible, comme base solide pour une relation stratégique UE-Royaume-Uni à l’avenir”, demandant ainsi “à leurs négociateurs en chef de travailler intensivement pour tenter de combler (les) lacunes” dans les actuelles discussions.
Boris Johnson a confirmé cette position à la BBC, lors de l’émission politique dominicale The Andrew Marr Show, où il a confié qu’il ne souhaitait pas que la fin de la période de transition, prévue le 31 décembre prochain, s’achève sur un no deal commercial. Cependant, il a maintenu que sans accord le Royaume-Uni survivrait malgré tout.
De son côté, l’Union européenne, dont les 27 membres se réuniront pour un sommet spécial jeudi 15 octobre, maintient elle aussi sa position et souhaite trouver un accord avant la fin du mois, ou au plus tard dans les premiers jours de novembre, afin de laisser suffisamment de temps pour une ratification du texte avant la fin de l’année, comme le rapporte Reuters.
Mais alors qu’est-ce qui bloque encore ? Les deux parties seraient en premier lieu en désaccord sur la question de l’accès aux eaux britanniques pour les bateaux de pêche européens dont ces derniers sont très dépendants. Ce sujet tient par ailleurs particulièrement à cœur aux fervents Brexiteurs.
La France, sur ce dossier de la pêche, est un des premiers membres de l’UE concernée. Comme l’explique France Culture dans son émission “Le regard de l’autre”, “le Royaume Uni compte 15 000 km de côtes, 2 fois plus que la France. Or, plusieurs de ces zones sont très poissonneuses, et l’appartenance britannique à l’Union Européenne permettait jusqu’à présent aux pêcheurs du continent de venir travailler dans ces secteurs. Aujourd’hui, le Royaume-Uni dit simplement : ces eaux sont à nous”. La grande île a ainsi trouvé un levier de négociations assez intéressant et solide pour faire bloquer les discussions.
Selon The Guardian, “la Grande-Bretagne avait offert une période de transition de trois ans aux flottes de pêche européennes, leur permettant de se préparer aux changements post-Brexit (…). Les captures des flottes de l’UE seraient ‘progressivement réduites’ entre 2021 et 2024 pour laisser le temps à l’industrie européenne de s’adapter aux changements, mais le gouvernement français a jusqu’à présent refusé de tolérer les changements majeurs des captures proposés par Londres”.
Autre point d’achoppement, les dispositions sur des conditions de concurrence loyale préconisées par Bruxelles pour garantir qu’aucune des deux parties ne puisse infléchir sur les normes fiscales, sociales ou encore environnementales ou subventionner injustement les entreprises par le biais d’aides d’État. Boris Johnson explique de son côté que l’UE ne peut imposer aux Britanniques, fraîchement libérés des règles européennes, de nouvelles réglementations, rappelant par là-même que le vote pour le Brexit s’est fait sur cette idée de “reprendre le contrôle” et donc d’indépendance. Les différentes propositions et assurances de Londres n’ont cependant pas convaincu Bruxelles.
Enfin, la question de la frontière entre les deux Irlande s’est de nouveau invitée dans les derniers échanges. Le gouvernement britannique a présenté un “projet de loi sur le marché intérieur”, qui violerait, selon l’UE, ses obligations au titre de l’accord de retrait et du protocole sur l’Irlande / l’Irlande du Nord. La présidente de la commission européenne, Ursula Von der Leyen, a donc envoyé il y a quelques jours une “lettre de mise en demeure” qui pourrait éventuellement conduire à une action en justice contre le Royaume-Uni devant la Cour européenne de justice. La Grande-Bretagne a ainsi un mois pour retirer sa clause sur la frontière irlandaise.
Malgré ces “graves divergences persistantes sur des questions d’importance majeure pour l’Union européenne, nous continuerons à maintenir une attitude calme et respectueuse, et nous resterons unis et déterminés jusqu’à la fin de ces négociations”, a alors déclaré vendredi 2 octobre le négociateur en chef pour l’UE, Michel Barnier, prévenant que les prochaines semaines seraient décisives.
De son côté, Lord David Frost, négociateur pour le Royaume-Uni, s’est dit “préoccupé par le fait qu’il reste très peu de temps pour résoudre ces problèmes avant le Conseil européen du 15 octobre. Pour notre part, nous continuons à nous engager pleinement à travailler dur pour trouver des solutions, si elles existent”. Le Britannique a pointé du doigt l’Union européenne estimant qu’elle devait “aller plus loin avant de pouvoir parvenir à un accord. En ce qui concerne la pêche, l’écart entre nous est malheureusement très grand et, sans plus de réalisme et de flexibilité de la part de l’UE, il risque d’être impossible à combler. Ces questions sont fondamentales pour notre futur statut de pays indépendant”.
Bref, le dialogue de sourds risque de se poursuivre, sauf si l’une des parties finit par lâcher du lest. Reste à savoir qui.