Le restaurant français Abondance, basé à l’est de Londres, a fermé ses portes début mars après 12 ans de service. La boutique spécialisée en fromage, anciennement connu sous le nom d’Androuet, a été rebaptisé en 2018. En plus de servir des raclettes, du fromage, des planches de charcuterie et des vins, le duo fournissait le restaurant Brawn, l’un des premiers bars à vins naturels de Londres, Terroirs, et d’autres restaurants de qualité.
Bien que le lien de leur site reste actif, le magasin est bel et bien fermé comme l’indique Google. Les deux gérants de la fromagerie du Old Spitalfields Market, Alex et Leo Guarneri, ont officialisé la fin de l’aventure Abondance dans un message posté sur Instagram et Facebook mercredi 6 mars. Ils expliquent que “l’année dernière a été très difficile, en raison de l’augmentation des coûts de base, de la baisse de la valeur en livres sterling et des difficultés de recrutement du personnel” et qu’ils décidaient donc de fermer leurs portes après plus d’une décennie d’activité.
Regardez cette publication sur Instagram
Une publication partagée par ABONDANCE (@abondancelondon) le le 6 Mar 2019 à 10 h 22 m PST
Cette annonce a suscité de nombreuses réactions de la part des internautes qui se désolent de cette décision : “Je suis navré de l’apprendre. L’un des meilleurs fromageries de Londres. Ce n’est pas la fin. Une aventure se termine, mais d’autres viendront, j’en suis sûr. Je vous souhaite bonne chance” ou bien“je garde de bons souvenirs de mes achats ici et de mon apprentissage des fromages avec votre équipe incroyable ! Je vous souhaite bonne chance pour tous vos projets à venir”, ou encore “bravo pour tout ce que vous avez fait ! C’était génial et vous pouvez être fier… Bisous et force pour la suite!”
Tous les symptômes évoqués par les deux frères français viennent de l’impact général du Brexit sur les activités de la restauration, et plus particulièrement sur l’importation du fromage depuis la France. D’autres boutiques faisant partie du secteur de “métier de bouche” à Londres s’inquiètent aussi et prennent ou ont déjà pris des mesures pour anticiper les conséquences du Brexit et éviter une fermeture forcée.
Sophie Gendarme, fondatrice de So Choux, boutique de macarons et de choux ouverte en 2013 à Parsons Green a une astuce : “Je fais des stocks. Mon mari fait des allers-retours en France donc il me ramène les produits dont j’ai besoin. J’utilise une poudre d’amande que je ne trouve pas ici par exemple et mon fournisseur français ne livre pas en Angleterre.” Si elle avoue que pour elle les choses ne se sont pas trop compliquées depuis le Brexit, cela est aussi dû au fait qu’elle s’approvisionne en Angleterre pour les produits de première nécessité comme le beurre ou le lait.
De son côté, Yohann Meignen, gérant de l’épicerie fine Le Coq Epicier dans le quartier de Angel explique qu’il travaille directement “avec la ferme”. Il fait ses commandes chez des petits producteurs français ce qui lui permet d’éviter le prix élevé des distributeurs. Pour ses fromages, il travaille avec des fromagers français installés a Londres. Même s’il reste confiant, le fondateur de l’épicerie française admet qu’il a quand même “peur du futur” surtout de l’augmentation des taxes à l’importation après le Brexit ce qui l’obligerait à augmenter les prix de tous ces produits en boutique. Il évoque aussi le problème du délai aux douanes qui risque d’impacter ses livraisons mensuelles.
Ces futures longues attentes entre la France et le Royaume Uni inquiètent aussi Vincent Saladin, directeur des ventes de l’épicerie fine Pascalou située dans le quartier de South Kensington : “Le problème avec les produits frais c’est qu’ils ne peuvent pas rester 15 heures dans un camion”. Pour anticiper ces retards, une accréditation signée par les commerçants sera donnée aux fournisseurs ce qui facilitera les vérifications. Le manager explique aussi que le doute s’est surtout installé du côté de la clientèle. “Plusieurs clients sont partis à cause de l’augmentation potentielle des taxes sur l’immobilier ou ont décidé de prendre leur retraite au Portugal. Ceux qui sont restés se “lâchent” moins et cela se ressent dans le chiffre d’affaire surtout sur des produits plus chers comme le vin ou le poisson.”
Pour compenser cette baisse de revenus, l’épicerie Pascalou a décidé d’augmenter la surface de ses tentes pour pouvoir présenter plus de produits dans la partie extérieure du magasin. Ils ont aussi obtenu une autorisation de la mairie de South Kensington pour développer un service à table. “On sert des apéritifs, des huîtres, des plateaux de fromages et de charcuterie. Ce sont des investissements importants mais qui seront rentables sur la durée et nous permettront de compenser la baisse des ventes de certains produits.”
Aucun d’entre eux n’a encore pensé à devoir fermer boutique mais une chose est sûr : le doute règne.