“Une reconversion professionnelle totale, c’est-à-dire passer d’un métier intellectuel, toute la journée devant un ordinateur, à enseigner le tango, c’est un pas énorme”, reconnaît Bruno Vandenabeele. Ce n’est pas osé de dire que cet Aixois d’origine a un parcours pour le moins atypique. En effet, après avoir quitté la France, il a beaucoup voyagé au Japon et en Argentine, entre autres, avant de décider de s’installer pour de bon à Londres. C’est fin 2011 que le projet de reconversion professionnelle qu’il avait en tête depuis des années se concrétise lorsqu’il fonde son académie de tango argentin, Tanguito.
Cette école de tango, dont le nom signifie “petit tango” en espagnol, a ouvert ses portes après 3 ans de préparation intense de la part de Bruno Vandenabeele. Aujourd’hui, l’ancien ingénieur en informatique n’a plus d’horaires fixes mais il n’a jamais été aussi occupé. Entre le studio de son académie, situé dans le quartier d’Angel à Londres, où il enseigne le tango à des groupes, et son studio personnel où il donne des cours particuliers, ce Français travaille tous les jours de la semaine.
En effet, si la semaine, cet amoureux de la danse venue tout droit du quartier populaire de La Boca à Buenos Aires, s’adonne à l’enseignement du tango à des “étudiants” de niveaux différents, le dimanche il organise une milonga hebdomadaire. Cet évènement qui attire de nombreux.ses curieux.ses toutes les semaines est une tradition du tango argentin, où les danseur.se.s pratiquent la discipline en échangeant de partenaires dans une ambiance conviviale. Par ailleurs, au cas où son emploi du temps n’était pas assez chargé, Bruno Vandenabeele a commencé depuis quelques années à organiser avec son académie des voyages mêlant tango et découvertes touristiques, notamment en Argentine et au Japon.
Malgré des liens historiques et culturels forts entre Buenos Aires et Paris, l’originaire d’Aix-en-Provence a décidé de venir s’installer, son école et lui, à Londres en 2005 : “Londres a toujours été une ville qui me plaisait personnellement beaucoup, qui bougeait… A l’époque, le marketing digital dans lequel je travaillais était en effervescence, et j’ai eu une opportunité assez vite. Aussi, et surtout, je me suis rendu compte qu’il y avait une envie réelle de découvrir le tango qui était assez peu développé ici, contrairement à Paris”. En outre, l’académie Tanguito accueille donc les élèves motivé.e.s de tous niveaux, de tous âges et de toutes origines dans le centre de Londres.
Bruno Vandenabeele est à la fois fondateur et professeur à l’académie en compagnie de deux partenaires féminines qui animent les cours avec lui, et dans lesquels l’Aixois revendique une rigueur issue de ses expériences professionnelles précédentes, et surtout une légitimité qu’il tire de son apprentissage particulier du tango. “Si je suis devenu professeur, c’est surtout grâce à un entraînement intense avec des professeurs de haute qualité. Moi, j’ai pris des cours avec des champions du monde qui m’ont suivi pendant suffisamment longtemps. Surtout, la légitimité vient de comment tu danses : les gens sont les meilleurs juges. Si les gens aiment comment tu danses et enseignes, quelque part c’est que tu es légitime”, lâche cet ancien élève devenu maître.
Cependant, à l’origine, rien ne présageait un tel futur professionnel pour Bruno Vandenabeele. “Je suis ingénieur informaticien au départ, j’ai fait une école à Lyon. Je me suis ensuite spécialisé en réalisant un MBA en marketing international aux Etats-Unis”. Pourtant, c’est une attirance pour un pays improbable, du moins dans les années 1990, qui va provoquer un premier virage dans la trajectoire professionnelle de l’ingénieur français : “A 19 ans, j’ai voyagé au Japon et j’ai adoré. J’ai monté une agence de marketing digital à Tokyo à la fin des années 1990”. C’est une fois arrivé là-bas que son goût pour le tango se transformera en passion, qu’il se perfectionnera avec des professeurs argentins. “A la base, je dansais pour m’entraîner, être meilleur. Et puis le temps passe, mes objectifs évoluent et un matin, on se réveille et on se dit ‘Pourquoi pas en faire un métier finalement?’”.
Or, ce qui n’est encore qu’une idée pour Bruno Vandenabeele est loin d’aboutir. En 2004, il fait le choix douloureux de quitter l’archipel nippon pour des raisons familiales, et cherche des opportunités professionnelles dès son retour en France. Contre toute attente, c’est vers Londres qu’il va se tourner, et non vers la capitale française, car “quand on revient du Japon, pour un Aixois, Londres ou Paris, c’est la même chose”. Il abandonne alors son entreprise de marketing digital pour travailler dans des entreprises anglaises du même domaine. Une fois installés, sa compagne et lui commencent à cumuler leurs emplois principaux avec l’enseignement du tango. Celui qui travaillait encore dans le marketing digital insiste sur le caractère graduel de la reconversion parce qu’il ne s’est “pas dit un jour, ‘j’arrête le marketing et je fais du tango’. Non, j’ai commencé en soft launch, petit à petit. Cela a pris 3 ou 4 années”. Il finira par quitter définitivement les bureaux et le marketing digital afin de se consacrer à l’école de tango qu’il ouvre à la fin 2011.
Au final, Bruno Vandenabeele n’est pas peu fier de son parcours. “Je ne regrette pas un instant d’avoir changé de carrière. A aucun moment de la semaine j’ai l’impression de travailler, c’est le plus beau cadeau que je me suis fait à moi-même. Le fait de travailler pour soi est quelque chose d’extraordinaire”. Par ailleurs, le désormais professeur de tango à part entière, a réussi à faire de son expérience professionnelle, une vraie force, en s’en servant pour apporter un plus à son activité actuelle. “Bien sûr, je me ressers des compétences de mon ancienne carrière professionnelle. Les gens aiment la rigueur et le fil conducteur de mes cours. Cela provient de cette partie de ma vie”, affirme Bruno Vandenabeele.
Enfin, il ne regrette pas non plus d’avoir choisi Londres pour s’installer. Sur le plan personnel, il a réussi à reformer un réseau social qu’il avait dû laisser après son départ de France, et ne se trouve pas autant éloigné de sa famille que lorsqu’il était au Japon.