La réalisatrice-scénariste Céline Sciamma était l’invitée lundi 2 décembre de la dixième séries de lecture organisée par les BAFTA à Londres. Devant la salle presque comble du cinéma Curzon à Mayfair, la Française, récompensée lors du dernier festival de Cannes pour son scénario de son film Portrait d’une jeune fille en feu, s’est confié sur son travail et son processus d’écriture.
“Cette invitation des BAFTA me touche beaucoup”, a ainsi commencé la Française. Non seulement parce qu’elle s’est dit fière de faire partie d’une série incluant de grands scénaristes tels que Pedro Almodovar, mais aussi, a-t-elle souligné, car “j’aime l’idée d’être invitée par l’industrie britannique et de rencontrer le public britannique. Parce qu’ici, je me sens profondément comprise, soutenue et je suis personnellement affectée par le fait que vous quittiez l’Europe”.
Invitée pour parler de son travail, Céline Sciamma a confié qu’en tant que scénariste, il lui était difficile d’expliquer le processus de l’écriture. “Je n’ai pas de formule toute faite”, a-t-elle confessé devant son audience. Cependant, la Française a avoué que la notion de désir était un point central dans sa façon de faire. “Pour moi, écrire, c’est avoir un désir d’idées, ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’on a longtemps surnommé le cinéma “l’industrie du désir”. Ecrire un scénario est donc l’occasion de travailler sur nos désirs plutôt que d’agir immédiatement sur eux”.
En plus de cette notion quelque peu abstraite, a-t-elle reconnu, elle s’attache aussi à se concentrer sur les scènes. La réalisatrice-scénariste de Portrait d’une jeune fille en feu ou encore de Bandes de filles travaille ainsi avec “deux fichiers ouverts sur (son) ordinateur”. “La première liste est très libre avec des idées de scènes, parfois des images, une ligne de dialogue, sans aucun lien les unes avec les autres”, a confié la Française. La seconde liste contient des scènes “dont j’aurais besoin, les étapes qui construisent inévitablement l’histoire, celles qui appuient votre scénario”. Le travail le plus dur sera donc de relier les scènes désirées à celles nécessaires.
Ecrire c’est aussi prendre en considération que le scénario va prendre vie avec des acteurs, sous la direction d’une réalisatrice ou d’un réalisateur. Il faudra donc savoir expliquer aux équipes pourquoi et comment les personnages agissent ainsi. “On ne peut pas laisser une seule question sans réponse”, a-t-elle assuré. Une seule respiration, un seul silence dans une scène peut signifier beaucoup par exemple. Sans oublier les décors, l’environnement extérieur de la scène à jouer. Bref, chaque détail compte.
Ce qu’elle aime par-dessus tout dans le processus d’écriture, “c’est le contraste”. “La beauté du travail, c’est aussi que vous êtes si seule pendant des mois, voire des années, puis que vous avez de plus en plus de monde et toute cette équipe lorsque vous tournez. Ensuite, vous êtes à nouveau seule”, a raconté Céline Sciamma.
Mais d’où lui vient son inspiration ? “C’est un mystère”, a-t-elle répondu, mais certainement pas d’autres films. “Le cinéma ne m’inspire pas. Il s’agit surtout de voir d’autres choses, de lire des essais. Je vais aussi souvent au musée botanique, je lis la presse tous les jours”. La journée type de Céline Sciamma se déroule ainsi : elle se lève le matin à 11am, elle consacre ensuite son temps à la lecture, puis dans l’après-midi, elle se met à écrire. Elle a par ailleurs confié qu’elle ne travaillait plus sur plusieurs scénarios en même temps car “c’est trop compliqué”, et elle a aussi annoncé qu’elle n’écrirait plus pour d’autres réalisateurs. Seulement pour elle. Ou peut-être à une exception, “pour un premier film”.