Face à l’ampleur de la crise sanitaire liée au coronavirus, certains Français de Londres n’hésitent pas à prêter main forte aux plus vulnérables. Rencontres.
Matthieu Perlemoine-Engerran, 33 ans, a proposé son aide peu après le début du confinement. Nouvellement arrivé à Greenwich, cet horloger français – actuellement au chômage technique à cause du virus – s’était notamment enregistré auprès des autorités locales pour se porter volontaire. “J’avais besoin d’être utile à la société.” Depuis, le jeune homme fait régulièrement les courses et s’est rendu à la pharmacie pour prêter assistance à des personnes ne pouvant sortir de chez elles. Le tout en prenant garde, bien évidemment, aux mesures de sécurité, évitant tout contact physique. “Les personnes peuvent me laisser une enveloppe avec de l’argent et la liste de courses au niveau du paillasson ou d’un pot de fleurs, détaille-t-il. Lorsque je reviens du magasin, je laisse tout sur le paillasson.”
Bien sûr, tout n’est pas toujours évident. “Quand j’ai dû aller à la pharmacie pour des personnes atteintes de cancer, ça m’a fait bizarre, avoue Matthieu Perlemoine-Engerran. Des fois, on se plaint mais quand on voit le quotidien de certaines personnes… Ça te permet de relativiser, en fait, tout ça.” Pourtant, pour complexes que les situations puissent être, les échanges avec les personnes aidées se passent bien. “Les gens sont reconnaissants”, note le Français qui indique avoir reçu des fleurs et une table de jardin en guise de remerciements. Malgré les difficultés, des liens semblent se tisser. Et Matthieu Perlemoine-Engerran de faire remarquer, d’ailleurs, que sans ce contexte hors du commun, il n’aurait peut-être pas autant rencontré ses voisins…
“Lorsque l’épidémie de Covid-19 a commencé à toucher le Royaume-Uni, j’ai tout de suite eu une pensée pour les personnes vulnérables qui ne pourraient plus sortir de chez elles.” Habitante de l’ouest londonien, Katia Hérault, 41 ans, a créé une page Facebook, approché des maisons de retraite, rejoint un groupe de volontaires en ligne pour proposer son aide. Elle a ainsi fait la rencontre de Bunmi Ayeh, jeune femme souffrant d’un asthme sévère. “Le médecin m’a dit de rester chez moi, indique Bunmi Ayeh. Cela fait plus d’un mois”. “Son asthme la rend très vulnérable au virus qui affecte les fonctions pulmonaires, explique Katia Hérault. Je me sens mal pour elle qui se retrouve coincée en appartement. »
La Française se rend donc régulièrement dans une épicerie locale faire des achats pour la jeune femme. “Toujours munie d’un masque et de gants.” Mais elle peut aussi aller au bureau de poste ou chercher des médicaments en pharmacie pour Bunmi Ayeh. “Personnellement, je trouve que ces expériences d’entraide apportent autant à ceux qui aident qu’à ceux qui se font aider, sourit Katia Hérault. Ces échanges permettent de rentrer en contact avec des gens d’univers différents des nôtres. Et puis, c’est rassurant de se dire que si c’était à nous d’avoir besoin d’aide, on pourrait compter sur un réseau local efficace.”
Megan Montibert, 25 ans, s’est inscrite auprès d’un groupe d’entraide local, le “Caledonian & Barnsbury Covid-19 Mutual Aid”, et gère la coordination d’une banque alimentaire à Islington. Celle-ci fonctionne déjà en temps normal mais avec la pandémie, les besoins sont importants. “Le gouvernement britannique a mis en place le ‘furloughing’, forme de mise en congés où l’employé peut recevoir 80 % de son salaire. Sauf que si vous étiez en recherche d’emploi au moment de la crise, c’est plus compliqué, explique Megan Montibert. Il y a plein d’histoires comme ça où les gens ont du mal financièrement.”
Les bénévoles de la banque alimentaire récupèrent donc de la nourriture (riz, pâtes, soupe, haricots) issue de dons et de surplus de supermarchés pour aller l’offrir, gratuitement, à des personnes en manque de ressources économiques. La banque a notamment pu livrer 80 personnes par semaine.
En tant que coordinatrice, la Française doit passer pas mal d’appels, participer à des réunions à distance, remplir des tableurs Excel. Des tâches qui la changent quelque peu de son travail habituel, comme cheffe dans un restaurant. “Quand j’œuvre en cuisine, je ne suis pas du tout dans le côté ‘management’, raconte-t-elle. D’un point de vue personnel, cette expérience est hyper intéressante, j’ai l’impression d’apprendre plein de choses.” Comme beaucoup de personnes, Megan Montibert a été mise en “furlough” – elle ne peut travailler mais continue de toucher une partie de son salaire – alors, il lui a semblé naturel de s’investir dans une action de solidarité. “Il y a une envie de redonner un peu de mon temps et presque de vouloir créer un travail avec l’argent que je reçois.” Et d’en faire, au passage, profiter les autres.
De son côté, Sarah Maria-Francesca, jeune photographe et vidéaste de 23 ans à Highgate, avait répondu à l’appel général, fin mars, pour venir en aide au NHS (le processus de recrutement – via l’application Good Sam – est actuellement en pause, un nombre important de personnes s’étant portées volontaires) et apporter son soutien aux plus vulnérables. Son travail a, jusqu’ici, surtout consisté à passer des appels téléphoniques à des personnes isolées, souvent âgées. Sa mission ? Expliquer le fonctionnement du service (les personnes devant rester en “self-isolation” ont bien sûr la possibilité de demander à un volontaire d’aller faire leurs courses à leur place ou de se rendre à la pharmacie), s’enquérir des besoins des gens…
Mais son rôle est aussi, simplement, de faire un brin de causette avec les personnes qu’elle a au bout du fil, afin de rendre le confinement plus supportable. Elle appelle ainsi régulièrement une dame, toutes les semaines. “On discute, explique la jeune femme. Je lui demande si elle a pu parler à sa famille, si elle arrive à se déplacer toute seule dans l’appartement quand son fils travaille. C’est surtout des petites conversations amicales pour garder un lien social.”
Si Sarah Maria-Francesca a décidé de s’engager pour les autres, c’est parce qu’elle juge “qu’il n’y a pas plus important en ce moment.” Et hors de question de se jeter des fleurs. “Ce n’est pas grand-chose, simplement du civisme, insiste-t-elle. Les vrais héros, là-dedans, c’est surtout les médecins. Et tout le personnel qui travaille dans les hôpitaux et les services publics en général.”