Ceux qui vivent ici depuis un moment l’auront remarqué mais les Britanniques aiment ponctuer la fin de leurs textos, messages Facebook, WhatsApp, mails, parfois, du ou des signe(s) « x ». Mais à quoi cela correspond-t-il et, surtout, comment y répondre et devenir soi-même un « maître du ‘x’ », dans les conversations, en anglais ?
« Un ‘x’ dans des SMS ou des conversations Messenger avec des Anglais ou des étrangers les imitant, c’est quelque chose que j’ai souvent vu depuis que je suis ici », indique Laure (*), Française établie à Londres. Et que se cacherait derrière ce signe mystérieux ? Oh, rien de bien méchant, puisque le « x » signifierait « bise » ou « bisou »… et correspondrait aussi, plus largement, aujourd’hui, à une simple démonstration d’affection, « de chaleur » – pour reprendre les termes de Kim Arnold, consultante en communication –, « sans suggestion de romance (voire même parfois de ‘bisou’) ». Pour le professeur Andy Miah, expert en sciences de la communication et des médias futurs à l’université de Salford (Manchester), il s’agirait également d’une manière de, tout simplement, « adoucir un message, transmettre une note générale de positivité ».
Mais d’où vient, néanmoins, cette habitude d’user des « x » dans les correspondances ? Andy Miah rappelle que, par le passé, le « x » a souvent servi de signature, constituant un moyen, pour les personnes illétrées, « quand les gens ne pouvaient pas écrire leur nom », d’attester de leur identité sur des documents.
La chose serait aussi, bien sûr, à mettre en lien avec le contexte religieux, avec « l’histoire de la chrétienté ».Le « x », alors à percevoir comme une croix, aurait été « un moyen de transmettre son affection » dans des lettres (certains pouvaient aussi physiquement accompagner la signature d’un baiser donné au papier, de la même manière que l’on pouvait aussi embrasser une croix dans certaines situations). « Mais le symbole du ‘x’ aurait une histoire encore plus longue en tant que lettre, laquelle trouverait probablement son origine dans la manière dont les humains transmettaient au départ leurs idées via des images », complète l’expert en sciences de la communication.
De son côté, le professeur Laura Wright, sociolinguiste à la faculté d’anglais de l’université de Cambridge indique que des « x » ont été trouvés dans des correspondances du XVIIIe siècle mais qu’ils seraient effectivement à replacer dans un contexte religieux et qu’« il s’agirait plutôt de bénédictions ». Pour cette experte, il n’y a guère vraiment de preuve de l’emploi de « xxxx » pour signifier « bises » en Angleterre avant la période victorienne (au XIXe siècle).
Et de mettre en avant, pour sa part – pour expliquer le rapprochement entre le « x » et l’idée de « bise », de « kiss » en anglais –, des similitudes entre les sons. En l’occurence, dans ce cas-ci, entre la prononciation originelle de la lettre de l’alphabet « x », laquelle vient de l’alphabet romain, lui-même tiré du grec et qui se prononçait « ks »… et celle, proche, donc, du mot « kiss ». Pour la spécialiste, le choix de la lettre « x » pour signifier « kiss » pourrait donc correspondre à une tentative de rendu visuel, « directement comparable au fait d’écrire ‘4u’ pour ‘for you’ (dans le langage SMS en anglais, ndlr) » . Ce qui expliquerait aussi pourquoi c’est une habitude plus spécifiquement anglophone.
Voilà pour l’origine – ou origines – potentielle(s) du « x » en anglais. Qu’en est-il maintenant à l’usage ? Concrètement, que faut-il répondre lorsqu’on vous envoie un voire deux « x » ? « Je fonctionne par imitation, sourit Laure. Quand on m’envoie un ‘x’, je fais la même chose. Quand c’est davantage… bon, j’attends de mieux connaître la personne, je n’adresse pas plusieurs ‘x’ à n’importe qui ! ». « Quand j’envoie des messages à mes amis ou à de la famille, je mets toujours deux ‘x’ à la fin, indique pour sa part Cathy, Anglaise de Liverpool. A moins d’avoir eu une dispute avec mon copain, dans ce cas-là, j’en mets seulement un pour montrer que je suis en colère (rires) ! »
Vous l’aurez compris, cela peut être subtile. « J’ai vu des gens utiliser le ‘x’ de manière parfois assez inimaginable… par défaut, à la fin de chaque ligne de message, en partie pour montrer leur enthousiasme, en partie par habitude », note Andy Miah, pour qui le symbole pourrait aussi faire office de hochement de tête ou de sourire dans une conversation. Même son absence pourrait donner lieu à interprétations. La chose semble ainsi aussi pas mal dépendre des personnes, des contextes. A la question de « comment répondre à un ‘x’ », la plateforme de questions/réponses Quora conseille en tout cas, entre autres, de « prendre en considération le ton général de la conversation ainsi que votre lien à la personne afin de mieux comprendre l’intention du ‘x’. »
Bien sûr, « la maîtrise de l’art du ‘x’ » est à prendre avec légèreté… tant que cela, toutefois, reste peut-être dans un cadre informel. Ainsi, pour Andy Miah, la seule règle à suivre, justement, serait d’éviter la pratique au travail. Même si d’après Kim Arnold – qui s’est spécialisée dans le conseil de rédaction de mails professionnels – , le recours au « x » serait plus commun dans « les milieux créatifs, du divertissement et des médias, particulièrement l’édition et la publicité », a contrario de milieux « plus traditionnels, comme le droit et la finance », où il ne serait pratiquement jamais utilisé. En outre, ces « x » auraient tendance « à être bien plus utilisés par les femmes ».
En cas de doute, toutefois, mieux vaut s’abstenir de cet usage dans les courriels professionnels. Un peu comme pour les « emojis » qui « peuvent nous faire paraître plus amicaux mais parfois aussi moins compétents ». Kim Arnold recommande, surtout dans les secteurs traditionnels, de ne les utiliser que « quand quelqu’un vous en a envoyés en premier ». Selon elle, un moyen de « créer une meilleure connexion », sans perdre en professionalisme, serait simplement de « relâcher » (un peu) son écrit, en lui donnant davantage un ton de conversation. Par exemple, en utilisant des contractions (« it’s » pour « it is ») et d’avoir recours à des mots plus simples, utilisés à l’oral (en anglais, « use » pour « utilise », « start » pour « commence »).
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(*) La personne n’a pas précisé son nom