Bien avant l’annonce mercredi 18 mars de Boris Johnson de fermer les écoles du Royaume-Uni en fin de semaine pour endiguer l’épidémie liée au coronavirus, les établissements français avaient pris leurs dispositions dès dimanche 15 mars et s’étaient même déjà bien préparés plusieurs jours avant de prendre cette mesure. L’objectif : assurer la continuité de l’enseignement pédagogique pour les plus petits comme pour les plus grands, et ce, grâce aux cours en ligne.
Le Lycée international Winston Churchill n’a pas eu de mal à mettre en place ce système éducatif à distance. Depuis son ouverture en septembre 2015, l’établissement fonctionne en effet avec des outils collaboratifs et de vidéoconférences, comme Zoom et Google Meet. “On avait déjà pu tester le principe de cours à distance quand des enfants de l’école ont pu être malades ou coincés à l’étranger”, explique la proviseure Mireille Rabaté. Depuis deux ans également, le lycée a aussi pu créer des classes virtuelles lors des périodes d’examens en juin, afin d’assurer la continuité des cours pour les autres élèves. “Donc on a expérimenté cette mise en place pendant des semaines entières”.
De quoi être prêt pour faire face aujourd’hui à cette crise liée au coronavirus. “Notre plus grand défi a été de transformer cette expérience à plus petite échelle à une plus grande avec 850 élèves connectés en même temps pour suivre les cours dispensés par près de 90 professeurs”, ajoute Mireille Rabaté.
Cependant, le personnel de l’établissement était formé depuis longtemps, ce qui a permis de mettre en place dès mardi 17 mars cette école à distance. “On a des réunions tous les 15 jours pour faire le point sur les outils, les formations continues. Même les professeurs arrivés en septembre sont à l’aise dans ce mode de travail”.
Pour ne pas perturber les élèves, rien n’a changé sur les plannings, les cours sont aux heures habituelles et avec les professeurs habituels. “On tiendra même la semaine prochaine les conseils de classe par visioconférences. La seule chose que nous avons supprimé sont les rencontres parents-professeurs et les événements autour de la vie de l’école”, détaille la proviseure du Lycée international Winston Churchill. Cours d’éducation physique, arts plastiques, mathématiques, français… toutes les matières sont maintenues. Seuls les enfants en maternelle ont vu quelques modifications dans leur emploi du temps, notamment sur les activités physiques. “On a adapté les modules selon les âges, pour qu’ils ne soient pas devant les outils informatiques toute la journée”.
“Pour le premier jour (mercredi 18 mars, ndlr), tout s’est très bien passé”, assure la responsable. Aucun bug n’a en effet été enregistré et l’établissement a constaté un “excellent taux de présence des élèves” avec 99% des enfants connectés. “Les premiers retours des parents montrent une grande satisfaction”, se réjouit Mireille Rabaté, “on n’a pas perdu une seule heure de cours”. Maintenant, la responsable sait qu’il faudra résister sur la durée, tant pour les élèves que pour les enseignants. “Mais j’ai été touchée par l’ambiance et la solidarité entre les membres du personnel et des familles. C’était un bel exemple d’unité, personne n’a grogné”.
Pas d’inquiétude sur la maîtrise des outils de la part des élèves, qui gèrent déjà dans leur vie personnelle des outils comme Facetime ou les réseaux sociaux. “Ils étaient déjà habitués aussi à faire leur devoirs ensemble sur les plateformes Google Doc ou Class Room. Mais déjà la semaine avant de décider de fermer les écoles, des répétitions générales avaient été organisées pour s’assurer que tout le monde pouvait se débrouiller”, commente Mireille Rabaté.
Concernant le matériel informatique, tous les élèves ont en leur possession une tablette mise à leur disposition depuis la primaire, la plupart des livres sont déjà digitalisés, et tous ont pu l’emporter à la maison. “On a questionné les parents sur leur connexion internet au domicile, c’était là davantage notre inquiétude”. Mais finalement, aucune famille n’a fait remonter des problèmes particuliers sur le sujet.
Plusieurs établissements ont pu profiter de l’expérience du lycée international Winston Churchill puisque des démonstrations des outils utilisés ont été organisées jeudi 12 mars dans les locaux de l’école du nord-ouest de Londres. Parmi les participants, le collègue bilingue français de Londres (CFBL), qui était déjà familier à l’approche digitale des cours. “On en a toujours fait un usage raisonnable et raisonné, avec l’utilisation par exemple de Google Class Room pour les professeurs qui leur permettent d’être en interaction avec les élèves”, explique Rodrigue Barbosa, adjoint du chef d’établissement. En revanche, c’était une première pour le collège concernant l’emploi des visioconférences.
Mais le CFBL s’est rapidement adapté. “Dès vendredi 13 mars, on a proposé à tous les enseignants débutants ou peu à l’aise sur Google Class Room et Zoom de les former sur toutes les fonctionnalités”, détaille le responsable. Après le corps professoral, ce fut au tour des élèves d’être alertés dès lundi 16 mars sur la mise en place des cours en ligne, après un week-end où l’équipe a réfléchi au fonctionnement de ces cours en ligne en fonction des âges, puisque que le collège reçoit des élèves de 5 à 15 ans.
Côté matériel, l’établissement possédant plus de 150 tablettes qui servaient aux besoins pédagogiques, cela a permis à des familles de pouvoir en emprunter durant la mise en place de ce nouveau dispositif. “On a recensé les besoins des familles, en leur demandant si elles avaient du matériel et une connexion internet selon le nombre d’enfants dans le foyer. Notre objectif était que personne ne soit lésé”, confie Rodrigue Barbosa.
Les élèves du CFBL doivent se connecter tous les jours sur la plateforme de visioconférence Zoom à 9am avec un temps de 25 minutes avec leur professeur principal. “On vérifie que tout le monde est bien connecté, si tout va bien pour eux”, explique le directeur adjoint. Tous les cours ne sont pas en visio, seulement certains. “On se limite à trois par jours, soit entre 12 et 15 par semaine et encore moins pour les plus petits. Sinon c’est du travail en autonomie”. Par exemple, le professeur ou l’instituteur peut donner des temps de lecture ou d’exercices. Pour le sport, l’enseignant met à disposition des capsules vidéo ou demande à remplir une fiche santé avec des points à gagner pour leurs “maisons” respectives (groupes créés en début d’année) selon les activités réalisées ou même le contenu de l’assiette des élèves. “On veut apporter un certain équilibre”.
Après deux premiers jours de mise en place de ce nouveau système pédagogique, les choses se passent plutôt bien. “Pour le collège, on a des taux de présence important, 94% pour le premier jour et 96% pour le second. On est assez fier de nos élèves et de l’engagement du corps enseignant qui fait preuve d’une très belle créativité. Tout le monde joue le jeu”, résume Rodrigue Barbosa.
A l’école maternelle et primaire Jacques Prévert, c’est un parent d’élève qui a mis à disposition son entreprise et son savoir-faire gratuitement pour mettre en place le plus rapidement possible le système de cours en ligne, le plus adapté avec des outils numériques accessibles aux élèves inscrits de la moyenne section au CM2. “C’est cela aussi la communauté familiale de Jacques Prévert, une communauté très impliquée quotidiennement”, se réjouit la directrice Delphine Gentil.
L’établissement disposait déjà de quelques dispositifs en ligne comme l’application Classedojo, utilisée par les professeurs, donc familiers avec ce type d’enseignement digitalisé. “C’est un outil où ils peuvent mettre en ligne tous les emplois du temps, les cours, les devoirs, les notes des enfants”, explique la responsable. Déjà opérationnelle donc, cette application est davantage employée depuis la mise en place des cours en ligne pour “communiquer et apprendre, conformément à la liberté pédagogique exercée par les professeurs, et ce, en plus des emails transmettant la liste de travail pour cette semaine et du nombre de livres emportés par chaque enfant qui a pu emprunter 10 livres individuellement”.
Outre Classdojo, d’autres outils vont être ou sont déjà employés comme un Google agenda, actuellement en cours d’installation pour chaque classe, géré par l’instituteur. “On organise aussi un accueil virtuel quotidien à 8.50am. C’était important pour permettre la continuité dans le quotidien des élèves”, assure Delphine Gentil, “cela permet aussi de garder le contact avec les parents”. Après ce temps d’accueil, les enseignants prendront le relais, par Click Meeting en visioconférence, “pour interagir avec chaque enfant et dispenser ainsi les cours et faciliter l’enseignement à distance”, poursuit-elle.
L’école s’est aussi assurée que les élèves disposaient de matériel informatique pour pouvoir suivre les cours. “On dispose d’une quantité d’Ipad utilisée régulièrement dans différentes activités et matières, ce qui fait que les enfants savaient déjà maîtriser les fonctionnalités d’une tablette. On a fait un sondage auprès des familles pour savoir si tout le monde était équipé”, confirme la directrice.