“Est-ce que je l’ai eu ou pas ?” Alors que le Royaume-Uni se prépare doucement au déconfinement, nombreux se posent la question de savoir s’ils ont été infectés ou non par le nouveau coronavirus, sachant que plus de 80% de la population serait asymptomatique ou présenterait peu de symptômes. Les tests d’anticorps (antibodies) servent justement à détecter la présence dans le système sanguin d’anticorps spécifiques découlant d’une exposition à la Covid-19. Ils permettent donc, en théorie, de savoir si on a été infecté et si on a développé une immunité contre le virus. A Londres, il est possible de faire ces tests et des Français ont déjà commencé à en proposer.
Plusieurs options existent pour se faire tester : les kits maison ou une prise de sang effectuée chez un professionnel de santé. Marine Vincent, pharmacienne française dans la capitale à Londres, proposait les deux il y a encore quelques jours. “J’ai vendu quelques auto-tests, mais j’ai dû arrêter”, explique la jeune femme à la tête de la pharmacie Make Me Feel. En effet, le 27 mai dernier, l’Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) a appelé à un arrêt temporaire de la vente de ces tests estimant qu’ils n’étaient pas assez fiables. Pourtant, celui proposé par Marine Vincent au prix de £99, fabriqué par le laboratoire britannique Abbott, était fiable à 95% avec un taux de sensibilité de 97,7%, assure la Française. Le patient devait lui-même prélever son sang à la maison avant d’envoyer la fiole par la poste analysée ensuite en laboratoire. De quoi prouver la fiabilité du processus. “Je ne travaille qu’avec des fournisseurs et des partenaires sérieux, comme The Doctors Laboratory”, certifie la pharmacienne.
La Française ne désespère pas et attend donc à nouveau le feu vert de la MHRA pour remettre en vente son kit maison. En attendant, elle propose également – seulement sur rendez-vous – des prélèvements sanguins pour celles et ceux qui auraient besoin de savoir urgemment si elles ou ils ont été touché.e.s par le virus. “A la pharmacie, nous avons une infirmière sur place qui peut effectuer ces prises de sang”, confirme Marine Vincent. Les échantillons sont ensuite envoyés en laboratoire pour être analysés et interprétés. Le prix reste le même que pour le kit maison, soit £99. “J’ai voulu mettre un prix accessible au plus grand nombre”, lance la jeune femme, “il est normal que tout le monde puisse y avoir accès”. Si elle croit à une plus grande fiabilité des tests par prise de sang, elle rappelle tout de même que cela ne doit pas empêcher le patient de continuer à se protéger et protéger les autres en respectant les gestes barrières.
La suspension temporaire des kits maison n’a pas empêcher Arnaud Baali et ses associés de poursuivre leur commercialisation. Mais le Français, installé à Londres depuis six ans, a été malin. Le site testezmoi.fr, lancé fin mai et permettant la vente entre autres de ces auto-tests Covid-19, est référencé en France avec des possibilités de livraisons partout dans le monde.
Le jeune homme, spécialisé dans le marketing, a créé cette plateforme avec des amis vivant des deux côtés de la Manche. “J’ai eu des proches touchés par le coronavirus et je ne trouvais ça pas normal déjà au début de l’épidémie que les gens ne puissent pas être testés immédiatement”, commente Arnaud Baali. C’est ainsi qu’il a décidé avec ses associés de mettre à disposition ces tests maison pour détecter ces fameux anticorps. Mais quid de leur efficacité ? “Nous avons travaillé avec une entreprise française spécialisée dans les auto-tests. Plusieurs essais ont été effectués sur des kits de différents laboratoires”, détaille-t-il, “on a retenu celui qui présentait le meilleur taux de fiabilité”. Celui qu’il propose actuellement sur le site est fiable à 99%, promet-il. Il dit cependant comprendre la décision britannique de suspendre la vente en ligne de ces produits. “Je pense qu’il y a eu des gens qui ont voulu profiter de la situation en proposant des tarifs exorbitants et des des tests venus de nulle part”.
Celui vendu par “testezmoi.fr” affiche un prix de 25 euros “pour le rendre accessible au plus grand nombre”. Mais comment ça marche ? Une fois qu’il aura commandé en ligne, l’acheteur recevra son kit chez lui. Pour se tester, il devra se piquer le bout du doigt. Il prélèvera ensuite son sang dans une pipette avant de déposer deux gouttes sur le test et deux gouttes de diluant. En dix minutes, il saura s’il a produit ou non des anticorps liés à la Covid-19. “Impossible d’avoir des faux négatifs”, assure Arnaud Baali, qui rappelle que ce test ne remplace pas l’avis d’un médecin. “En cas de doute, nous invitons aussi les personnes à se faire tester par prélèvement sanguin”.
Si le Dr Philippe Hamida-Pisal s’est lui aussi lancé dans les tests d’immunité c’est parce que de nombreux clients le lui ont demandé. “Il faut bien à un moment donné relancer l’économie”, lâche-t-il. De nombreuses entreprises ont en effet contacté sa clinique située sur Harley Street à Londres pour faire tester leurs employés. Parmi elles, les restaurants londoniens de grande renommée Sketch ou encore Momo, mais aussi des banques. Le médecin, plutôt spécialisé dans la chirurgie esthétique et du bien-être, s’est donc laissé convaincre.
Pour se faire tester dans sa clinique, il faudra débourser £150, “bien moins cher que dans d’autres établissements”, assure le Français. “Il faut que tout le monde puisse pouvoir le faire, c’est pour cela que je propose un prix dans la moyenne”. Le patient doit simplement appeler la clinique pour prendre rendez-vous, où il devra ensuite se rendre avec un masque et seulement s’il ne présente pas de symptômes du coronavirus. “On prend une personne par heure pour laisser le temps de désinfecter les lieux entre chaque consultation”, complète le Dr Philippe Hamida-Pisal. Une infirmière procédera alors à la prise de sang qui sera ensuite envoyée à un laboratoire d’analyses. “Les résultats sont connus en moyenne entre 24 et 48 heures et nous informons le patient par mail ou texto”, détaille le Français installé à Londres depuis 20 ans.
Pour lui, cette méthode est la plus fiable, contrairement aux tests à la maison. “Quand on se pique sur le doigt, sans compter que cela n’est pas agréable, on dénature la qualité du peu de sang prélevé et donc il est possible de se retrouver avec des faux négatifs. Avec une prise de sang, on est sûr de détecter la présence d’anticorps”. Le médecin invite par ailleurs les mêmes membres d’une famille, s’ils sont intéressés par ce test, à le faire tous en même temps. “Et peu importe les résultats, il ne faut pas oublier de continuer à respecter les gestes barrières, comme le lavage des mains et le port du masque dans les lieux confinés. Car même immunisé, on peut être contaminateur”.