Relâcher la pression, un peu, beaucoup… Au Royaume-Uni, le déconfinement se fait par “nation” et diffère parfois quelque peu selon les endroits. Nous avons demandé aux Français installés en Écosse, Irlande du Nord, Pays de Galles, mais aussi dans différentes villes d’Angleterre, de revenir sur leur expérience de confinement et de nous parler de leur retour progressif à la vie normale.
Avec au moins 2.300 décès liés au coronavirus au 1er juin (sur une population d’un peu plus de 5 millions de personnes), l’Écosse se déconfine prudemment. L’approche s’y veut plus rigoureuse qu’en Angleterre. Alors que Boris Johnson annonce, le 10 mai dernier, la possibilité pour les Anglais de retrouver des gens en-dehors de leur foyer (une seule personne à la fois et à l’extérieur, toutefois), Nicola Sturgeon, la Première ministre écossaise, consent simplement à un assouplissement des règles pour l’exercice en extérieur (les Écossais peuvent sortir plusieurs fois par jour pour faire de l’exercice contre une fois auparavant). Mais le processus de déconfinement ne commence véritablement qu’à partir du 28 mai avec, en particulier, le fait de pouvoir revoir des gens d’autres foyers, la reprise d’un certain nombre de travaux à l’extérieur ou la réouverture des jardineries (dès le 1er juin).
D’après Roxane Girin, Française travaillant dans le secteur culturel (et qui s’occupe aussi du site Frenchie Weegie, pour les personnes souhaitant visiter ou s’installer en Écosse), le relâchement était toutefois observable ces dernières semaines. “Il était rare de voir des gens porter des masques dans les supermarchés et il y avait aussi du monde dans les parcs”, confie la jeune femme qui est venue se confiner à Glasgow. Une absence de masques et de gants également remarquée par Martial Masse, basé à Harthill (localité située à une trentaine de kilomètres), spécialisé dans le transport de produits de la mer et qui a continué à travailler pendant le confinement. Ce qui n’empêche pas le Français de juger la politique écossaise “plus adaptée” qu’en Angleterre car ayant été “plus stricte plus longtemps”. Roxane Girin, elle, se dit “soulagée” d’être en Écosse et que le gouvernement Sturgeon ait été “aussi prudent”.
Son confinement à Birmingham, deuxième ville plus peuplée d’Angleterre après Londres (avec un peu plus d’1 million d’habitants), Julie Monneron le vit le plus enfermée possible. Asthmatique, cette jeune Française est plus à risque que le reste de la population. “Avec mon copain, on se fait livrer les courses à domicile à cause de ma vulnérabilité.” Alors, c’est vrai qu’elle n’a pas forcément vu d’un très bon œil les allées et venues des passants en bas de son immeuble, “sans masque” et “en groupes” durant le lockdown.
Habitant également Birmingham, Arthur (*) a, lui, l’impression que le confinement a été relativement respecté dans l’ensemble. “Nous, par exemple, on ne sortait qu’une fois par semaine. Et même si on voyait des gens, le trafic était nettement réduit.” Ce qui est bien évidemment moins le cas en ce moment, d’après Arthur, qui observe des rues “nettement plus remplies” alors que la ville sort du lockdown. Un retour progressif à la normale qui ne le change pas trop dans l’immédiat, le jeune homme étant toujours en télétravail. Serveuse, Julie Monneron pourrait elle théoriquement reprendre début juillet. Ce qu’elle appréhende nécessairement.
“Dès que le lockdown a été mis en place en Irlande du Nord, les rues se sont vidées autant des piétons que des voitures”, raconte Raphaël (*), qui vit à Belfast. Une mesure qui, d’après Julie (*), son amie, ne s’est pas accompagnée d’une trop grosse anxiété. “Comme on est sur un petit territoire, on n’a pas trop de cas et les gens sont plutôt zen, explique-t-elle. Et puis, on partage le territoire avec la République d’Irlande, qui a eu la bonne idée de se confiner avant le Royaume-Uni.” Assistante de français, elle est en télétravail pendant le confinement. Effectuant un peu d’aide à domicile pour une personne âgée, Raphaël sort, lui, plus régulièrement.
Bien sûr, en ce moment, les gens se réapproprient peu à peu l’extérieur. “Comme on a le droit de sortir un peu plus et plus seulement avec la personne avec qui nous sommes confinés, on voit clairement plus de monde dans les parcs, par exemple, décrit Julie. Et il y a également plus de circulation.” Depuis le 19 mai, en effet, les Nord-Irlandais sont autorisés à retrouver des personnes ne faisant pas partie de leur foyer (le groupe ne doit toutefois pas excéder 6 personnes et se retrouver dehors). En revanche, côté commerces, les choses sont toujours assez calmes. “Rien n’a vraiment rouvert, indique la Française. Quelques restaurants ont refait leur apparition, mais en livraison et ‘take away’ forcément.”
Habitante du quartier de Whitchurch à Cardiff, capitale du Pays de Galles, Manon Osmont
– qui exerce le métier de traductrice – explique avoir commencé le confinement une semaine avant la date officielle (le 23 mars dernier, comme pour l’ensemble du Royaume-Uni). “Nous n’avions aucun symptôme de virus avec mon compagnon mais, voyant que la France entrait en confinement, nous nous sommes dits que nous serions les prochains.” D’après la jeune femme, les gens respectent plutôt bien les mesures. “Au niveau des supérettes, on attend qu’une personne sorte avant d’entrer. Lorsque nous sortons nous dégourdir un peu les jambes, les gens changent de trottoir assez naturellement.”
Pour ce qui est du déconfinement, Mark Drakeford, le Premier ministre du Pays de Galles, s’est aussi montré très prudent. Les plages galloises ont ainsi été particulièrement calmes à l’occasion du “Spring Bank Holiday” (notamment par rapport à leurs homologues anglaises) car le lockdown était globalement toujours de mise dans la province. Celui-ci est toutefois largement assoupli à partir du 1er juin, où les Gallois sont autorisés à revoir des personnes en-dehors de leur foyer. Un soulagement pour beaucoup d’entre eux. “Je pense que les gens en ont assez marre, indiquait Manon Osmont peu de temps avant cet assouplissement. Nous sommes impatients de pouvoir revoir nos amis et nos familles et ressortir pour voir autre chose que les quelques rues autour de chez nous.” Toutefois, pour l’heure, le gouvernement invite les gens à ne pas trop se déplacer et à rester, autant que possible, à une distance maximum de 5 miles (8 kilomètres) de l’endroit où ils se trouvent.
L’impression d’être en décalage, c’est la sensation qu’Émilie Borda, professeure de français et espagnol à Brighton, expérimente depuis le début de la crise sanitaire. “Mes collègues et amis britanniques me voyaient comme quelqu’un qui dramatisait la situation”, explique-t-elle. Lorsque Boris Johnson annonce le lockdown, la jeune femme l’accueille comme une “libération”. Et vit son confinement “dans sa bulle” – dans un logement déserté par sa coloc – suivant les préconisations françaises et s’agaçant de continuer à voir du monde dehors. “Cela dit, il y a plusieurs commerces autour de chez moi, tempère-t-elle. Le reste de Brighton ne devait pas être autant fréquenté et, en général, les recommandations respectées.”
À l’heure du déconfinement, Émilie Borda explique être ressortie. Tout en continuant à “appliquer scrupuleusement les recommandations sanitaires françaises”, comme le port du masque. Bien sûr, elle continue de s’inquiéter lorsqu’elle voit du monde agglutiné sur les pelouses et la plage, faisant des barbecues et buvant des bières. Et porte un regard plutôt critique sur les concepts de “liberté individuelle” et de “common sense” qui ont, à ses yeux, beaucoup régi les décisions politiques pendant cette crise en Grande-Bretagne. La faute aux différences culturelles ? Toutefois, de l’approche britannique, la Française retient aussi la notion de “community spirit”. “L’ampleur de l’entraide, au niveau local, m’a par contre émerveillée”, sourit-elle.
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(*) la personne n’a pas souhaité préciser son nom de famille