Perte de revenus, incertitude sur l’emploi, télétravail… Avec le coronavirus, certains ont préféré partir et laisser leurs appartements vacants. Poussant parfois les propriétaires à baisser les loyers pour espérer trouver des remplaçants. La période serait-elle, du coup, propice au déménagement ? La question a été posée à des Français ayant été à la recherche d’un logement à Londres (ou connaissant des gens qui l’ont été) ainsi qu’à des professionnels du secteur.
La réponse varie un peu selon les situations. Mais beaucoup ont observé une baisse des prix. Lila (*) cite l’exemple d’un studio qui l’intéressait à Finchley road. “Affiché à £900 en mai, il est aujourd’hui à £800 par mois.” La Française raconte avoir également eu le retour d’agences lui indiquant que “le loyer pouvait être négociable au vu du manque de demandes.” “Apparemment, beaucoup de locataires ne voulaient plus déménager à cause de la perte d’un travail ou parce qu’ils ne souhaitaient pas prendre de risque ne sachant pas comment allait évoluer l’épidémie “, explique-t-elle.
“Ma coloc a déménagé récemment et, en effet, le loyer de son appartement (un ‘double-bedroom’) a été baissé de £100 par mois à Shepherd’s Bush, confirme Justine Bouchon qui vit aussi à Londres. Le père d’une amie loue un ‘one-bedroom’ à Fulham et a baissé le loyer car il ne trouve pas de repreneur.” De son côté, Matthieu Menchon explique avoir vu en ligne un certain nombre de “discounts pour les deux-trois premiers mois”. “Je n’avais jamais vu ça avant le lockdown”, sourit le Français.
Du côté des professionnels, on semble effectivement confirmer la baisse des loyers. En tout cas du côté de la plateforme de colocation Spareroom, qui indique : “Le prix moyen d’une chambre en colocation à Londres (**) était de £725 par mois au second trimestre 2020, soit une baisse de 7 % par rapport à la même période l’an dernier. Le coronavirus a un impact dramatique sur de nombreux points, notamment les loyers de la capitale. Ceux-ci ont sans doute été réduits pour rendre les propriétés plus attractives, les propriétaires souhaitant s’assurer d’avoir des locataires pour leurs chambres le plus vite possible.”
Spareroom voit donc dans l’actuelle situation une éventuelle opportunité à court terme pour les personnes à la recherche d’une chambre (une baisse dans l’offre de logements avait aussi été observée par la plateforme mais celle-ci semble repartir à la hausse à mesure que les gens se remettent à déménager).
Directeur de l’agence immobilière Winkworth (réseau détenant une soixantaine de bureaux à Londres) de Shepherd’s Bush, Carl Burgess observe : “Les propriétés en colocation ont été impactées par le chômage partiel, qui a notamment touché les jeunes, en poussant certains à retourner chez leurs parents”. Un phénomène similaire a pu avoir lieu chez les étudiants alors “dans l’impossibilité de retourner à l’université” et chez les locataires internationaux qui auraient “normalement dû être à Londres pour travailler ou étudier”.
Pour ce qui est du marché davantage destiné aux familles et aux couples, le spécialiste affirme que “la situation varie selon le secteur”. Des hausses de loyer ayant au contraire été observées en certains endroits. “A cause du ‘lockdown’, il y a probablement eu un regain d’intérêt pour les propriétés disposant d’un jardin ou d’un espace extérieur.” A l’inverse, les propriétaires de logements sans jardin pourraient être tentés de “chercher à rendre les prix plus compétitifs”, selon ce professionnel.
Certains s’inquiètent toutefois du fait que cette situation ne soit que provisoire. “Les agences et les propriétaires baissent les prix ou négocient mais sur du temporaire. Pour moi, ce ne sont pas vraiment des affaires”, commente Béatrice (*). La jeune femme s’est ainsi vu proposer un studio à £990 pour les trois premiers mois. “Mais on m’a indiqué que le loyer passerait à £1050 en septembre”, précise-t-elle.
Le site Rightmove rappelle néanmoins que cette baisse de loyers dans le Grand Londres (la plateforme enregistre une diminution des prix à la location – tous types de logements confondus – de 2,8% par rapport au second trimestre 2019) s’explique aussi par l’arrivée de davantage de logements sur le marché (+ 41% par rapport à l’an dernier). De nombreux propriétaires auparavant axés sur de la location saisonnière préférant désormais louer leur bien sur du long terme… Sans compter le fait qu’un certain nombre de locataires londoniens chercheraient aussi à déménager plus loin. “Ce qui ajoute encore à l’augmentation du nombre de propriétés en location disponibles sur notre site dans la capitale”, note Miles Shipside, directeur commercial et analyste du marché de l’immobilier chez Rightmove. Résultat, pour l’analyste, “les personnes en recherche de logements pourraient donc avoir une petite marge de manœuvre pour négocier, en particulier s’ils sont prêts à signer un contrat d’une durée supérieure à d’habitude”.
En outre, pour Rightmove, la suspension temporaire de la “stamp duty” (les “droits de mutation”, taxe à l’achat immobilier) décrétée récemment par le gouvernement pourrait aussi s’avérer bénéficiaire aux locataires. Dans la mesure où elle permettrait éventuellement aux investisseurs d’accroître leur “portefeuille immobilier”. “Si cela se produit, cela pourrait signifier plus de choix pour les locataires et les prix pourraient se stabiliser pour un moment, mais cela va prendre un peu de temps.”
Ce qui n’empêche pas l’agence immobilière Savills de prévoir, de son côté, une relative “résilience” des loyers dans les prochains mois et années “bien qu’il puisse y avoir davantage de pression sur les secteurs plus particulièrement liés aux étudiants et aux locataires internationaux.” Et si l’agence prévoit une baisse globale des loyers de 1% à Londres sur l’année 2020, ses prévisions font cependant état d’une croissance des prix de 6,5% l’an prochain.
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(*) la personne n’a pas souhaité préciser son nom
(**) l’étude se base sur les logements en colocation de Spareroom dans les quartiers centraux de la capitale (codes postaux E, EC, N, NW, SE, SW, W et WC)