C’est parce qu’ils étaient “inquiets de la situation médiocre des échanges économiques entre le Royaume Uni et la France, et soucieux d’établir des relations commerciales fructueuses avec les Britanniques” que quelques hommes d’affaires se réunissent, le mardi 15 décembre 1883. Cette réunion de travail, présidée par Édouard Majolier, courtier en grains et farines, compte dans ses rangs des personnalités comme Éléonor Chevassus, négociant en vins et liqueurs, Marius Duché, fabricant et vendeur de gélatine alimentaire, Raphaël Benoist, marchand de soieries en gros, Léon Clerc, négociant à la retraite devenu rentier, Auguste Coignet, importateur de produits adhésifs, Hippolyte Autran, agent de plusieurs marques françaises (champagne Pol Roger et la Bénédictine), Louis Noël, travaillant dans le négoce des conserves de poisson et de légumes, ou encore Ernest Lazarus, directeur du Comptoir national d’escompte de Paris.
Lors de cette rencontre, le président de séance propose, au regard de la situation économique, de créer une section industrielle et commerciale chargée de l’étude de toutes les questions dans ces deux domaines. Le nom de Chambre de commerce est même évoqué. Édouard Majolier ajoute que cette organisation aura aussi “le devoir de renforcer les liens amicaux en établissant des rapports d’estime et d’intérêts entre les deux nations”. Il insistera beaucoup sur la défense de la liberté commerciale pour en réclamer, en faveur de la France, l’application et les bienfaits. “C’est vers l’avenir que nous jetons nos regards et nos espérances. Ce n’est pas simple, mais l’amour que nous éprouvons pour notre patrie, le dévouement à ses intérêts légitimes et sa prospérité nous rendra la tâche facile. Les Anglais sont forts de leur unité et de leur attachement à leur Reine… Rassemblons-nous, c’est un devoir”, lance alors Édouard Majolier.
C’est ainsi que naît la French Chamber of Great Britain. Les missions qu’elle se donne dès le départ, et qui reste inchangées 140 ans après sa création, se déclinent ainsi : “donner des avis au gouvernement français dans (ses) domaines particuliers, aider à l’amélioration de toute législation qui risque d’entraver l’activité commerciale entre la France et la Grande-Bretagne, par des avis et des vœux, représenter (ses) vues auprès de l’ambassadeur de France et collaborer dans une bonne entente avec ses services économiques et consulaires, renseigner les entreprises françaises qui souhaitent faire des affaires au Royaume-Uni, être la vitrine des produits nationaux français et enfin rassembler et ne jamais diviser”.
Une profession de foi qui convainc rapidement les entreprises françaises sur le sol britannique. La preuve, trois après sa création, en 1886, la French Chamber compte déjà 51 membres, dont la Société Générale et le joaillier Cartier, toujours présents aujourd’hui. A son commencement, la French Chamber of Great Britain organisait ses réunions au domicile du président élu. “A la fin de leurs travaux, les membres du comité dînaient à l’Hôtel Café Royal où un salon leur était réservé”, raconte l’équipe de la Chambre de commerce actuelle, qui souligne d’ailleurs que depuis les débuts l’histoire de l’organisme, l’Hôtel Café Royal, situé à Piccadilly Circus, est un des lieux de retrouvailles pour la Chambre. C’est là qu’elle organise notamment de nombreux banquets et divers événements pour ses membres. Ce n’est donc pas par hasard si l’établissement a reçu cette année, à l’occasion des 140 ans de la Chambre, le prix spécial du Président lors des Franco-British Business Awards.
Si elle a tenu bon pendant 140 ans, c’est que la Chambre de commerce “a dû s’adapter aux évolutions économiques, politiques et technologiques”, comme le souligne l’équipe actuelle. Par exemple, elle a élargi, au fil du temps, ses services pour répondre aux différents besoins des entreprises franco-britanniques. “Elle a notamment renforcé son service de réseautage d’entreprises, à travers de nombreux événements (environ 70 par an) et des outils s’inscrivant dans l’ère numérique pour permettre un réseautage connecté. Elle propose aussi des services aux entreprises tel l’accompagnement comptable et fiscal, la promotion d’entreprise ou encore le recrutement”.
La Chambre explique que son succès repose sur le fait qu’elle “est en permanence à l’écoute de ses membres, s’adapte continuellement afin de répondre à leurs besoins changeants”. Une capacité d’adaptation qui a d’ailleurs été particulièrement mise à l’épreuve lors de la récente pandémie. “Mais la Chambre s’est immédiatement réinventée, en proposant des services et opportunités de réseautage et communications exclusivement digitales”. L’institution n’en a pas fini, car elle doit faire face à de nouveaux défis tels que “la complexité croissante des réglementations commerciales post-Brexit, les impacts de la numérisation sur les modèles commerciaux, et la gestion des conséquences économiques de la pandémie”. Pour les relever, elle explique qu’elle “s’engage à rester à l’avant-garde des développements économiques et à fournir des ressources et des conseils stratégiques à ses membres”.
Elle organise aussi des événements et des initiatives qui répondent aux préoccupations actuelles des entreprises franco-britanniques. Par exemple, elle a créé, en partenariat avec la Franco-British Chamber à Paris, le UK-France Forum, avec pour objectif de favoriser la croissance économique, la création d’emplois et l’innovation au sein de la communauté d’affaires franco-britannique. “Cette initiative a permis à la présidente de la Chambre, Fabienne Viala, d’avoir une place au UK-France Summit présidé par Emmanuel Macron et Richie Sunak en mars 2023”, se félicite l’équipe. La Chambre vient aussi de lancer dernièrement le UK-France Business Dashboard, outil permettant de prendre le pouls de la communauté d’affaires franco-britannique. Pour les années à venir, l’organisme dit vouloir “rester fidèle à ses missions et à ses membres”. Pour cela, il continuera, explique l’équipe, à continuer de renforcer les relations franco-britanniques et à collaborer étroitement avec l’Ambassade de France au Royaume-Uni, la Franco-British Chamber à Paris, et le service diplomatique du gouvernement britannique.
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Photo de Une : Fabienne Viala, présidente actuelle de la French Chamber of Great Britain (crédit : Jérémie Souteyrat)
Photo 1 : Lors des Franco-British Business Awards 2023 (crédit : Jérémie Souteyrat)
Photo 2 : Prise lors du sommet franco-britannique qui s’est tenu le 10 mars 2023 à Paris, en présence du Premier ministre britannique Rishi Sunak et du président de la République Emmanuel Macron, ainsi que de la présidente de la Chambre de commerce (à droite), Fabienne Viala.