Mécontent de sa rencontre avec la direction parisienne de Deliveroo, Jérémy Wick, livreur bordelais pour le compte de cette société, s’est rendu à Londres mardi 16 octobre pour rencontrer le fondateur de la start-up, Will Shu. L’objectif était de lui remettre les plus de 65.000 signatures de la pétition qui dénonce les pratiques de l’entreprise et réclamant une meilleure rémunération. Mais la rencontre n’aura jamais lieu.
Devant le River Building, dans la City, une dizaine de personnes martèlent : “Shame on you Deliveroo” (“Honte à vous Deliveroo”, ndlr). Parmi eux, Jérémy Wick et Clément Breard, deux Bordelais qui avaient déjà effectué 1.000 kilomètres à vélo pour être entendus au siège parisien de l’entreprise le 24 septembre. N’ayant pas obtenu satisfaction, ils avaient alors décidé de partir pour Londres, en avion cette fois, afin de rencontrer le directeur général de Deliveroo, société de livraisons de repas à domicile et créée au Royaume-Uni.
Mais après cinq heures de manifestation mardi 16 octobre, devant les bureaux qui regroupent différentes entreprises dont Deliveroo, les refus s’enchaînent. Le patron de la start-up ne souhaite pas recevoir Jérémy Wick, qui veut simplement lui donner en main propre une clé USB compilant des dizaines de milliers de signatures d’une pétition dénonçant les pratiques de la société et d’une lettre qui explique les conditions de travail actuelles des employés. Devant le silence de l’entreprise, la situation agace rapidement le jeune livreur : “On travaille pour vous, venez nous rencontrer !”, hèle-t-il dans la rue.
Soutenus par la CGT, le Français et son collègue sont accompagnés ce jour-là par des syndicats anglais. Une preuve que la lutte prend une ampleur internationale pour Jérémy Wick, qui estime que “plus ils (la direction de Deliveroo, ndlr) attendent, plus le mouvement va grossir”.
Son objectif est d’ailleurs de s’allier avec d’autres pays pour se faire entendre, car les conditions de travail sont similaires dans toutes les villes où Deliveroo est implanté. “Le 29 juillet, l’entreprise a baissé la tarification minimale pour une course : elle est passée de 4.50 euros à 2.5 euros pour Bordeaux, et c’est à peu près pareil pour les autres villes”, explique le livreur. Un changement qui crée un manque à gagner de 800 euros par mois pour le jeune Bordelais qui travaille à temps plein sur son vélo depuis 2 ans.
Il participe alors aux grèves des livreurs Deliveroo qui ont lieues dans tout l’Hexagone en août dernier pour dénoncer ces nouvelles conditions de travail. Mais rien ne change, alors il voit plus grand : rejoindre Paris depuis Bordeaux à vélo “pour montrer qu’on en veut et qu’on ne lâche rien”.
En septembre, Jérémy Wick et quatre autres collègues dont Clément Bréard, enfourchent alors leur outil de travail pour une épopée de 1.000 kilomètres jusqu’à la capitale française. Ils passent par La Rochelle, Poitiers, Nantes, Rennes, Le Mans et Orléans pour rencontrer d’autres livreurs et faire remonter des revendications communes. “On veut un tarif minimal décent, une prime pour les intempéries, un corps représentatif des livreurs pour dialoguer avec la direction et une transparence sur comment est établie la tarification, car elle change selon les heures de la journée”.
Une fois à Paris, les livreurs bordelais rencontrent la direction de Deliveroo France dans un hôtel. “Un enfumage” selon Jérémy Wick, “rien de concret n’est sorti de cette rencontre, on n’a pas fait 1.000 kilomètres rien que pour des paroles.” C’est là qu’il décide alors de se rendre à Londres, au siège social de la start-up, pour que des mesures soient prises. Sans succès, mais le jeune homme ne baisse pas les bras : “Chaque échec nous force à nous surpasser”.