La chose avait été évoquée en décembre. Jugeant le nombre de migrants trop important au Royaume-Uni – ils étaient 745,000 à s’installer en 2022 et les derniers chiffres font état de 672,000 personnes à avoir fait le déplacement entre juin 2022 et juin 2023 –, le gouvernement britannique entendait mettre en place, en 2024, une série de mesures visant à réduire drastiquement leur nombre. De 300,000 pour être exact. Restait à savoir quand est-ce ces dispositions entreraient en vigueur… Ce qui a récemment été précisé, avec des dispositions prévues dans les prochaines semaines.
Ainsi, c’est à partir du lundi 11 mars que devrait se mettre en place la mesure prévoyant d‘ôter à certaines catégories de personnes travaillant dans les soins et le social la possibilité de venir avec des « dependants » (partenaires, enfants… un dispositif similaire est déjà en vigueur depuis janvier du côté des étudiants, ndlr). La législation devra par ailleurs s’assurer que seules les organisations enregistrées, en Angleterre, auprès de la Commission de Qualité des Soins pourront sponsoriser. Ce qui devrait notamment permettre, selon le ministre de l’Immigration Tom Pursglove, qui faisait une déclaration le 30 janvier, de « s’attaquer aux abus entourant les visas ‘Health and Care’ ».
A partir du jeudi 4 avril, c’est le salaire minimum pour décrocher un skilled worker visa, pour « travailleur qualifié », visa généraliste et plus largement octroyé, qui devrait voir son seuil relevé (l’un des critères d’obtention est d’avoir un travail, avant de venir, mais aussi que celui-ci soit rémunéré à un certain salaire), passant de £26,200 à £38,700. Soit une hausse de 48 % avec l’objectif affiché de « faire redescendre les chiffres, réduire la pression sur les services publics et limiter la mise de côté des travailleurs britanniques au profit d’une main d’oeuvre peu rémunérée venue de l’étranger. »
Les travailleurs dans les soins (visa « Health and Care ») et dans l’éducation – dont le salaire s’aligne sur un seuil national – ne sont pas concernés (ce qui représenterait néanmoins de nombreux travailleurs, d’après une étude de l’Observatoire de l’Immigration, qui précise que la moitié, environ, des skilled workers accordés de septembre 2022 à 2023 concernaient des personnes dans les soins et 20 autres % des personnes dans la santé ou l’enseignement avec un salaire fixé nationalement).
Début avril, la Shortage Occupation List (Sol) – liste d’emplois en manque de main d’œuvre, en théorie plus accessibles aux travailleurs étrangers car proposés à des salaires plus bas – devrait commencer à être revisée. A terme, elle devrait céder la place à l’« Immigration Salary List » et voir abolie la réduction de 20 % actuellement appliquée aux salaires des métiers en tension. La composition de la nouvelle liste doit être revue « en lien avec les seuils de salaires augmentés ».
A partir du jeudi 11 avril, ce sont les revenus minimum requis pour rejoindre, par exemple, son épouse/partenaire, britannique ou résident(e), dans le cadre d’un visa famille, qui devraient être augmentés, de manière graduelle. Passant ainsi, à partir du jeudi 11, de £18,600 (revenus combinés que les partenaires doivent, au minimum, avoir) à £29,000. Puis à £38,700 « avant début 2025 ». Ceci « afin de s’assurer que seuls puissent venir les ‘dependants’ en mesure de pouvoir être soutenus financièrement ».
Enfin, aucune date n’a pour l’heure été annoncée, mais le cabinet de Rishi Sunak devrait également demander à ce que soit revu le visa Graduate, qui permet aux personnes venues sur un visa étudiant de rester deux ans au Royaume-Uni après leurs études.
Pour acter tout cela, le gouvernement devrait déposer deux « statements » devant le Parlement, le lundi 19 février et le jeudi 14 mars. Un document de la House of Commons Library indique néanmoins qu’il y a peu de chances qu’un vote ait lieu et les changements des règles migratoires prennent généralement effet automatiquement.
Ces mesures sont aussi à replacer dans leur contexte. Celui d’élections générales pouvant peut-être se tenir à l’automne, d’après Robert Ford, professeur en sciences politiques à l’Université de Manchester, pour qui il y a là une « évidente stratégie électorale ». « L’immigration a été très élevée et une part substantielle de l’électorat conservateur, en particulier, s’en dit préoccupée. » Mais cela pourrait ne pas payer, les électeurs n’ayant probablement plus confiance (avec des chiffres élevés malgré des discours forts sur l’immigration depuis un certain temps) et des mesures restrictives ayant, de toute façon, de fortes chances de ne se faire sentir qu’après les élections.
Également professeur en sciences politiques, à l’Université du Sussex, James Hampshire décrit une arrivée de migrants qui s’est effectivement accrue depuis le Brexit, a aussi changé de nature et est désormais majoritairement composée de non-Européens. Et d’évoquer, notamment, les dispositifs spécifiques à l’accueil des réfugiés ukrainiens et des ressortissants hongkongais. Pour ce spécialiste, toutefois, l’immigration ne saurait se résumer à un « problème » économique. « Il y a des gagnants et des perdants. Mais le principal moteur reste la demande de main-d’oeuvre, en particulier dans les secteurs de la santé et du soin aux personnes âgées. Et il y a le secteur universitaire qui dépend des étudiants internationaux (et est l’une des ‘success stories’ du Royaume-Uni). »