Il a photographié pour de grands magazines et journaux des personnalités de haut rang, à commencer par le président de la République française, Emmanuel Macron, mais aussi Isabelle Huppert, Emmanuel Carrère, Thomas Piketty, Bernard Arnault, Anne Sinclair, Lilian Thuram, Johnny Hallyday… Et pour ne citer que des Français. Ed Alcock est un photographe franco-britannique qui, à travers ses clichés, raconte des histoires. Parfois même des histoires qui se superposent à la sienne, comme pour son dernier travail, Home, Sweet Home, qui implique le sujet du Brexit et la question de l’identité nationale et qu’il viendra présenter lors d’une soirée exceptionnelle, mercredi 30 janvier à Londres, organisée par Mina Raven.
L’identité, voilà le thème central du dernier projet d’Ed Alcock. Ce photographe autodidacte, aujourd’hui connu et reconnu, en a eu l’idée après le vote sur le Brexit. Le Britannique vient tout juste d’ailleurs d’acquérir la nationalité française à cause de l’incertitude qui règne autour de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, ce qui lui a donné l’envie de partager son point de vue sur la notion de nation.
La série de clichés, dont il viendra parler lors de la soirée du mercredi 30 janvier, sera celle prise lors d’un road trip avec un journaliste du Monde. “On est parti deux jours après le vote du référendum en juin 2016, on a pris la route depuis Glasgow en passant par Carlisle, Bradford, le Pays de Galles pour arriver à Londres”, confie le photographe. L’idée était d’aller à la rencontre des habitants des campagnes écossaises, anglaises et galloises et comprendre ce qui a pu pousser certains électeurs à s’exprimer en faveur de la sortie de l’Union européenne. “On a parcouru 1.700 kilomètres en 10 jours”, se souvient encore Ed Alcock, en charge de tirer le portrait de ces anonymes croisés au gré des arrêts, mais aussi les paysages de ce Royaume-Uni profond.
Cet épisode professionnel faisait à l’époque miroir à sa vie personnelle, lui qui lançait à ce moment-même ses démarches pour acquérir la nationalité française. Il avait en effet choisi de s’installer dans l’Hexagone en 2000. Il a donc aussi vécu de l’intérieur les grands débats sur l’identité, à quelques mois de la présidentielle de 2017. “Je me souviens de la phrase de Nicolas Sarkozy sur les ancêtres des Français qui étaient des Gaulois. C’était étonnant pour moi d’entendre ça alors que j’avais pris la décision de devenir français”. Ce contexte fait dire à Ed Alcock qu’il y a quelque chose à dire autour de cette question. “J’ai commencé à faire des recherches sur cette idée que les Français seraient des descendants des Gaulois”. Il fouille alors dans des livres d’Histoire et découvre que ce terme a été utilisé pour la première fois sous la IIIème République. Avant que l’idée ne soit reprise dans les années 60.
Pour réaliser son projet Home, Sweet Home, Ed Alcock prend alors appui sur tous ces documents historiques et les superpose avec des photos personnelles mais aussi prises lors de son road-trip journalistique pour les combiner dans un livre, Home, Sweet Home, sorti en juillet dernier. “L’idée était finalement de savoir quel sens on donnait à la notion “être Français” ou “être Britannique””, explique-t-il. Pas simple, avoue le photographe, mais à travers son expérience, sa vision personnelle et ses clichés, il tentera d’apporter toutes ces réponses au public, aux côtés d’autres professionnels britanniques.
Parfois la photographie peut autant en dire qu’un texte et Ed Alcock le sait. L’homme est passionné de photo depuis ses 15 ans, mais avant que cette passion ne devienne sa profession, le – dorénavant – Franco-britannique s’est d’abord lancé dans des études de maths, et c’est d’ailleurs pendant cette période estudiantine à l’université Queen Mary and Westfield que ses talents d’autodidacte seront reconnus. “J’étais le rédacteur en chef photo et le photographe du journal des étudiants”, confie-t-il.
En 1999, il remporte le prix prestigieux du meilleur photographe de l’année remis par The Guardian/The Independent, deux grands journaux britanniques. C’est là qu’il décide d’en vivre. Il part alors à Paris et devient le correspondant pour The Guardian, avant de devenir également en 2002 celui du New York Times. Aujourd’hui, il collabore avec de nombreux journaux et magazines du monde entier, comme Le Monde, El Pais, Elle, Madame Figaro… Portraitiste, photojournaliste, artiste, Ed Alcock a de multiples casquettes. Mais ce qui lui plaît avant tout, c’est la relation avec son sujet. “Savoir comment aborder les gens, les convaincre de se faire photographier, les aider dans leur gestuelle, comprendre en peu de temps quil ils sont pour avoir le meilleur cliché”. Un talent, que la technique ne remplacera jamais et qu’Ed Alcock a sans conteste.