De Londres à la Vendée, j’ai opté pour des vacances faibles en émission carbone et riches en expérience. À bord de mon vélo de course aménagé en vélo cyclotourisme, j’ai sillonné les routes normandes, bretonnes et vendéennes avec pour seule compagnie les paysages agricoles, les bords de mer et les émissions de France Inter.
Résidant dans l’Est de Londres, plusieurs options s’offraient à moi pour me rendre dans mon pays natal. Mon critère premier était d’opter pour la moins polluante, et le vélo l’emportait haut la main. Un vol de Londres à Nantes aurait généré entre 140 et 200 kilogrammes de CO2 tandis qu’un trajet en ferry de Portsmouth à Ouistreham émet 3,5 kilogrammes de CO2, soit près de 40 à 57 fois moins que l’avion.
À bord du ferry en direction de la France, j’en profite pour me documenter davantage sur l’empreinte carbone des transports ferroviaires. Un trajet de Londres à Nantes aurait émis, au total, près de 12 kilogrammes de CO2, soit 11 fois de moins qu’en avion. J’aurais dû ajouter quelques 15 kilogrammes de CO2 pour terminer mon trajet de Nantes à La Roche-sur-Yon en train. À ma grande surprise, j’apprends que voyager à bord d’un TER (ceux opérant toujours au diesel et non à l’électricité) est 23 fois plus polluant qu’en TGV selon les données disponibles sur le site de la SNCF.
Malgré la stratégie de la compagnie ferroviaire pour électrifier son réseau et son déploiement de ses nouveaux trains hybrides annoncé pour 2023, les énergies fossiles représentent, à l’heure actuelle, 61 % des émissions de CO2 des TER. Si le train reste une alternative plus écologique face à la voiture et à l’avion, rien ne bat la neutralité carbone d’un vélo.
Après une courte nuit passée dans mon sac de couchage sur la moquette du ferry, bercée par le remous des vagues agitées de la Manche, j’arrive au port de Ouistreham. Accompagnée de trois cyclistes rencontrés à l’embarquement, je descends dans la cale pour replacer les bagages sur ma monture d’aluminium. Direction la douane française. Parqués sous la pluie battante entre les moteurs vrombissants des voitures, nous attendons notre tour pour présenter notre passeport. Je célèbre mon arrivée en France avec un passage obligatoire en boulangerie. « Un pain au raisin et un café allongé, s’il vous plaît », en tendant un billet de cinq euros, la vie est quand même moins chère ici.
L’aventure commence, même si le soleil n’est pas au rendez-vous. À la genèse d’un périple long de plus 500 kilomètres, je m’élance dans la campagne normande, un croissant secrètement glissé dans la poche de mon maillot. Mon premier arrêt est à Bayeux, à une trentaine de kilomètres de Ouistreham. Trempée par la pluie, je me réfugie dans le musée de la tapisserie de Bayeux pour admirer le récit brodé de Guillaume le Conquérant, vieux de plus de 950 ans. L’ouvrage impressionnant de précision mesure 70 mètres de long et deux mètres de haut. Cette visite impromptue fit office de trait d’union entre le Royaume-Uni et la France, ancrant mon voyage dans une histoire de coopération houleuse entre mon pays d’origine et mon pays de résidence.
Le prêt éventuel de la tapisserie au Royaume-Uni, évoqué par Theresa May lors du sommet franco-britannique de Sandhurst en 2018, devra attendre la restauration de l’ouvrage estimée à 2 millions d’euros. Après 110 kilomètres et quelques émissions sur l’histoire cette tapisserie, j’établis mon bivouac dans un camping normand.
Le deuxième jour promet des points de vue imprenables et un temps sec. Je prévois un arrêt au Mont-Saint-Michel et je réserve une place dans un camping près de Saint-Malo. Face à l’architecture vertigineuse de l’abbaye bénédictine construite entre le onzième et le seizième siècle, je me réjouis d’avoir entrepris ce voyage. Situé à la frontière de la Normandie et de la Bretagne, le Mont est classé au patrimoine de l’Unesco et accueille près de trois millions de visiteurs chaque année.
Une vingtaine de photos et un panini plus tard, je reprends la route vers Saint-Malo où je savoure un far breton, à l’abri des goélands querelleurs de la ville fortifiée. Avec pour seuls compagnons les animateurs de France Inter au creux de mon oreille, je parcours les quelques 80 kilomètres qui séparent Saint-Malo de Rennes le jour suivant.
Nous sommes le 21 juin. Fanfares, DJ sets et orchestres divers et variés, je m’émerveille face à l’agitation qui anime les rues rennaises, et j’imagine la France entière danser la fête de la musique en ce solstice d’été. J’arrive à la moitié de la distance à parcourir, la destination prochaine est Nantes, ville tristement chantée par Barbara. J’arrive sur les bords de la Loire après 120 kilomètres et prévois une visite de la cité des Ducs de Bretagne au petit matin. De passage rapide à la Roche-sur-Yon, ville créée par Napoléon Bonaparte en 1804, je termine mon voyage une cinquantaine de kilomètres plus loin à la Tranche-sur-Mer, avec une vue imprenable sur l’océan Atlantique.
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Riche d’un voyage de plus de 500 kilomètres en autonomie complète, je regrette de ne pas avoir pu prendre l’Eurostar pour boucler ce voyage écologique. L’Eurostar n’ayant pas encore officiellement ouvert ses services aux cyclistes depuis la pandémie, je n’ai eu d’autre choix que de prendre l’avion pour mon retour à Londres. Dommage !
(Photo de une : Élise Michely)