Le 1er janvier 2022 marquait le premier anniversaire de la mise en place du Brexit. En effet, voilà un an que le Royaume-Uni et l’Union européenne ont officiellement divorcé. Une année qui n’a pas aidé à répondre à de nombreuses problématiques. La question de l’investissement immobilier en France pour un résident britannique est par exemple toujours en suspens.
Il est fréquent de désirer investir en France en tant qu’expatrié, pour préparer la retraite ou créer un complément de revenus. Mais depuis le Brexit, la tâche est devenue plus ardue. Les témoignages des Français installés outre-Manche depuis de nombreuses années se voyant refuser leur crédit pour investir en France sont d’ailleurs nombreux.
Edouard vit à Londres depuis 5 ans. Marié et papa d’un petit garçon, ce Français souhaite acheter un bien pour anticiper un éventuel retour en France dans les années futures. “Je suis locataire ici et depuis quelques mois, notamment depuis la pandémie, je me dis que ce serait bien de pouvoir acheter près de chez mes parents dans le sud, de le mettre en location et d’avoir ainsi une garantie de logement le jour où on veut rentrer”, explique ce banquier. Problème, il n’arrive pas à décrocher un prêt en France pour cet investissement. “J’ai démarché quelques banques, mais elles me répondent en général que ce n’est pas possible”. En cause, le Brexit. “Elles ont peur que je ne puisse pas rembourser et qu’elles se retrouvent alors avec l’impossibilité de me poursuivre si cela arrivait”. Une explication qui surprend ce trentenaire, qui a pourtant un très bon travail et un apport de £30,000.
Même discours de la part de Maéva qui souhaite investir son argent dans un studio dans la région parisienne. Cette Française de 32 ans, travaille dans la communication. “Je commence à me dire qu’à mon âge ce serait bien de pouvoir être propriétaire”, confie-t-elle, “sauf que je n’ai pas envie d’acheter ici. D’abord parce que c’est bien trop cher, et que je ne comprends rien à leurs programmes de financement et à leur baux, qui sont parfois limités dans le temps”. Elle a pris contact avec son ancienne banque, quand elle travaillait en France, mais le responsable lui a répondu qu’un emprunt était trop risqué. “Je lui ai pourtant bien montré mes fiches de salaires, qui prouvent que je gagne bien ma vie, mais impossible de le faire changer d’avis”.
Edouard comme Maéva ne comprennent pas les raisons de ces refus systématiques. C’est sûrement la partie la plus frustrante. Et la communication des banques (French Morning London a tenté d’en joindre certaines sans succès) reste peu claire, tout comme les échanges entre les gouvernements britannique et français. Rémi Provendier, cofondateur de Immoneos, communauté d’entraide entre investisseurs expatriés, avance pourtant une piste.”Il y aurait un problème légal de garantie pour la banque qui fait crédit. En France et dans la plupart des pays du monde, quand la banque fait un crédit, elle prend une caution sous une forme ou une autre sur le bien. Ainsi, si la personne ne rembourse pas, elle peut d’une manière ou d’une autre revendre le bien et ainsi payer le crédit”.
Le Français ajoute qu’” il semblerait que la loi anglaise permette à un autre créancier qu’aurait cette même personne qui ne rembourse pas son crédit d’avoir la priorité sur la maison en France afin de rembourser la créance…”. Un début d’explication, qui est encore une fois peu précise du fait de la non-communication des banques sur le sujet.
De manière générale et depuis toujours, les banques ne se bousculent pas pour financer les dossiers des non-résidents. Benjamin Crampon, consultant en financement chez Crédit Expert, explique que “c’est un segment de clientèle compliqué, selon le pays de résidence des lois financières s’appliquent. Aux États-Unis par exemple, c’est presque impossible, les lois étant très complexes. Pour certains paradis fiscaux tels que le Panama ou Malte, c’est aussi délicat. Mais pour l’immense majorité des pays, un prêt est relativement facile à obtenir, en fonction du profil bien sûr.”
Alors si les banques ne se disputent pas vraiment ces clients-là, il y a encore deux ans il n’était pas mission impossible pour un résident britannique d’obtenir son crédit en France. Mais depuis l’accord Brexit du 25 décembre 2020, les établissements financiers ont commencé petit à petit à se retirer de ses dossiers. Aujourd’hui, ils sont réticents à accompagner les clients non-résidents dans leurs projets.
Selon son expérience, Benjamin Crampon raconte que “les raisons du refus de financement pour les résidents britanniques ne sont pas vraiment claires. Les banques ne communiquent pas dessus. Parfois, la banque fait une distinction entre prescription et clientèle habituelle. Elles ne prennent plus de prescriptions, mais financent parfois leurs clients historiques”.
Un financement plus facile avec sa banque historique
Alors, il serait plus facile d’obtenir le financement de son projet d’investissement immobilier avec sa banque historique. Léna fait partie de ces Français qui ont conservé de bonnes relations avec leur banque. “Je suis rentrée l’été dernier et j’ai posé la question à ma banque, chez qui j’ai encore un compte”, confie la quadragénaire, “le responsable client m’a tout de suite fait une simulation d’un emprunt selon l’apport que je pouvais donner”.
Aucune question ne lui a été posée sur le fait qu’elle soit résidente fiscale au Royaume-Uni. “Ma banque est au courant puisque, dès mon départ de France il y a 5 ans, a changé mon compte en ‘résidente fiscale dans un pays étranger’. Certes, le Brexit n’était pas encore passé, mais j’ai reposé la question lors de mon entretien avec le banquier et il m’a bien répondu que cela ne posait absolument pas problème”. Léna a été agréablement surprise, d’autant plus que dans son entourage français à Londres, beaucoup lui ont raconté les mêmes difficultés rencontrées par Edouard et Maéva. “Je pense que le fait d’être cliente chez eux depuis près de 20 ans, qu’ils savent que je suis plutôt une bonne gestionnaire et que ma famille détient aussi des comptes dans cette banque sont des éléments qui jouent en ma faveur”.
Ainsi, un conseil précieux lorsqu’on décide de s’expatrier serait de garder un compte ouvert dans sa banque en France. Cela envoie alors le signal qu’un retour en France est possible, que le client ou la cliente, même à l’étranger, garde la confiance en son l’établissement bancaire historique et souhaite entretenir des bonnes relations.
Alors comment faire ? N’existe-t-il pas des solutions alternatives ? Benjamin Crampon explique que si. Selon l’expert, il semblerait que passer par l’intermédiaire d’un courtier en prêt immobilier spécialisé pour les expatriés aide fortement à un tel projet d’investissement locatif. Ces conseillers bénéficient souvent d’un très bon réseau qui permettra d’accéder aux bonnes personnes pour appuyer son dossier.
Ensuite, le projet sera grandement aidé par le placement d’une certaine somme d’argent, au-delà même de cet investissement immobilier, dans la banque. Benjamin Crampon parle de 250,000€ à 1 million, que la banque pourra nantir et qui lui donnera de bonnes raisons de financer le projet. Bien sûr, c’est loin d’être le cas de la majorité des ménages. Alors, il reste à espérer que les règles financières s’éclairciront dans les mois ou années à venir, afin de permettre aux Français du Royaume-Uni de pouvoir envisager des projets des deux côtés de la Manche.