Pratique légale et encadrée au Royaume-Uni, la maternité de substitution est interdite en France, au nom de l’indisponibilité du corps humain. Quelle est la reconnaissance par le droit français des enfants nés par GPA au Royaume-Uni alors que leurs parents y sont résidents, et qu’au moins l’un des deux est français ? Comment la filiation, établie par une décision de droit britannique, est-elle reconnue par la France ?
« Je ne suis pas le père biologique, mais j’aimerais que notre fils ait la nationalité française, et surtout être reconnu comme son père en France », explique Mathieu, berçant son fils né 4 mois plus tôt par GPA au Royaume-Uni. Ce Français londonien s’inquiète. S’il arrivait quelque chose à son conjoint britannique, peut-être rentrerait-il en France avec leur enfant. Quel serait alors le statut de leur petit garçon aux yeux du droit français ? Quelle reconnaissance attendre de la France, où la gestation par autrui est interdite depuis 1994 ?
En tant que résident UK, un citoyen français peut devenir parent via une gestation par autrui, légale au Royaume-Uni. La loi britannique stipule que la mère porteuse, quel que soit le lieu de naissance de l’enfant, est la mère légale de l’enfant. C’est donc elle (ainsi que son conjoint éventuel, sauf s’il s’y oppose) qui figure sur l’acte de naissance (birth certificate).
Le transfert de parentalité se fera par une ordonnance parentale (parental order). Un nouveau birth certificate sera alors produit, mentionnant cette fois-ci les parents d’intention. C’est le birth certificate (plus précisément la Certified Copy of an Entry of Birth, qui mentionne les parents, contrairement au Certificate of Birth) qui est présenté au consulat français lors de la demande de transcription de la naissance dans les registres d’état civil français.
Le droit français a connu des « atermoiements », souligne Maitre Courmont-Jamet, avocate associée chez BWG. « Depuis la loi bioéthique du 2 août 2021, l’article 47 du code civil a été modifié pour préciser que la réalité des faits, qui sont déclarés dans l’acte de l’état civil étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une GPA, est ‘appréciée au regard de la loi française’ », indique l’avocate.
Or, la loi française prévoit que la mère est celle qui accouche et que le père est l’époux de la mère ou celui qui reconnaît l’enfant. « Il est donc impossible d’obtenir la transcription d’un acte de naissance étranger faisant état d’un lien de filiation à l’égard de la mère d’intention non-gestatrice ».
Ainsi, l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA ne sera que partiellement transcrit, reconnaissant seulement un lien de filiation à l’égard du parent biologique. « Le parent d’intention non biologique devra recourir à une procédure d’adoption ou d’exequatur pour établir un lien de filiation à l’égard de l’enfant » ajoute l’avocate.
Et si aucun des deux parents d’intention n’est lié biologiquement à l’enfant, aucune transcription de l’acte de naissance ne pourra se faire, « sauf à ce qu’aucun écrit ne mentionne qu’ils ne sont pas les parents biologiques ».
La procédure dite d’exequatur, par laquelle il est demandé à la justice française de reconnaître et d’exécuter une décision de justice étrangère, permet, sous certaines conditions (voir les deux arrêts récents de la Cour de cassation) la reconnaissance de la filiation établie par le droit étranger. Une situation qui illustre les contradictions dans lesquelles est prise la justice française.
Enfin, si l’acte de naissance étranger mentionne un parent français, l’enfant pourra obtenir la nationalité française. Si seul le parent d’intention est français, l’enfant deviendra français « soit consécutivement à l’exequatur reconnaissant sa filiation à son égard telle que résultant d’un jugement étranger ou à son adoption plénière par ce parent d’intention », précise Maitre Courmont-Jamet.