Son histoire a commencé comme celle de milliers de Français qui ont traversé la Manche : s’il est venu en Angleterre, c’est avant tout pour améliorer son anglais. Plus qu’une envie, un besoin. Car avant de s’installer à Londres en 1994, Eric Dardé travaillait dans l’hôtellerie-restauration. “J’ai commencé très jeune et un peu par hasard”, confie le désormais chef d’entreprise, fondateur du groupe hôtelier Beaumier, “mon oncle travaillait dans un bar à vin rue Wagram à Paris et m’a encouragé à le rejoindre pour apprendre la sommellerie”. Le jeune homme passe ensuite derrière le bar, puis rejoint le monde de la nuit. “J’ai ensuite décidé de devenir serveur”, poursuit Eric Dardé.
Il décroche un premier poste dans le groupe Accor, toujours à Paris, puis devient commis de cuisine. “J’ai ensuite eu envie de devenir maître d’hôtel, sauf que je ne parlais pas l’anglais. Mais dans le métier, cette langue est essentielle”. Son entreprise accepte de le transférer en Angleterre pour qu’il se forme. Et Eric Dardé n’en repartira plus jamais. Toujours dans le groupe Accor, il gravit les échelons un à un, prend de plus en plus de responsabilités : en devenant d’abord directeur régional puis directeur des opérations avec 24 hôtels à sa charge. Des établissements de tailles différentes, allant de 30 à 300 chambres. Sauf que plus de responsabilités signifie moins de terrain. Et ça, ça manque à Eric Dardé. Alors quand il rencontre un chef d’entreprise français de Londres qui lui propose en 2019 de reprendre un groupe hôtelier, Les Hôtels d’En Haut, l’ancien directeur des opérations accepte immédiatement. “Si j’ai grandi avec Accor, cela faisait 20 ans que je travaillais pour eux et j’avais envie de vivre une nouvelle aventure professionnelle”, résume ainsi Eric Dardé.
Avec son associé, ils ouvrent cinq autres hôtels en France – en plus des cinq déjà dans le groupe -, dont une partie existe toujours et appartient désormais au groupe Beaumier. Car après quelques années, le chemin des deux Français se sépare et Eric Dardé décide de créer sa propre marque en 2021 avec l’ambition de la développer avec de nouvelles acquisitions. Et la pandémie ne freinera aucunement Eric Dardé. “On avait déjà lancé la machine”, explique le Français, qui considère même cette période comme “intéressante”. “Les hôtels étaient fermés et nous avons donc pu mettre toute notre énergie autour de la création de la marque et des rénovations, mais aussi de construire l’avenir”, détaille le chef d’entreprise, “finalement, la pandémie nous a rendu service”. D’autant plus que la reprise a été plutôt très positive pour le monde hôtelier, comme le fait remarquer le Français. “Quand les gens ont pu voyager à nouveau, ils l’ont fait en masse”.
La crise sanitaire a donc permis au groupe de se créer sa nouvelle image, avec en premier lieu un nouveau nom. “Les Hôtels d’En Haut n’a jamais vraiment été une marque, simplement un nom”, reconnaît Eric Dardé, “or, nous avions besoin de faire comprendre à nos clients ce que nous faisions, ce que nous proposions”. Alors, le Français s’est ainsi entouré, dit-il, de talents pour écrire l’histoire du groupe. “Nous voulions un nom de famille français, car c’est là où tout a commencé, et surtout facile à prononcer dans toutes les langues”. Après des recherches approfondies, l’équipe se met d’accord sur Beaumier, nom du célèbre explorateur et cartographe Auguste Beaumier. Cette nouvelle identité va ainsi permettre au groupe hôtelier d’être mieux identifié par les voyageurs. Et en deux ans, le succès s’est confirmé.
Aujourd’hui, Beaumier, c’est dix établissements, répartis entre la France (Saint Raphaël, Lourmarin, Bonnieux, Megève, Val Thorens et Courchevel), l’Espagne (Ibiza) et la Suisse (Wengen). Ce dernier, acquis il y a deux ans, vient justement d’être entièrement rénové et ouvrira ses portes ce mois-ci aux voyageurs. Cette offre d’hôtels entre mer et montagne correspond bien aux ambitions d’Eric Dardé. “Je veux que nos clients viennent dans nos établissements pour se déconnecter ou se reconnecter”, explique-t-il, “ce sont des espaces pour se régénérer et où le sport est important afin qu’ils repartent en se sentant bien”. Le plaisir passe aussi par la gastronomie et l’ancrage de l’hôtel dans un environnement local typique, allant ainsi à contre-courant du tourisme de masse. “Les gens font de plus en plus attention à où et comment ils voyagent, il y a eu une prise de conscience collective majeure”.
Pour cela, quand le groupe acquiert un hôtel – car il ne construit pas -, il prend en compte tous ces détails. “Mais ce qui nous intéresse aussi, c’est l’histoire de l’établissement”. Car s’il y a bien une chose qui ne s’invente pas, c’est l’histoire des lieux. “Nous commençons toujours par regarder sa localisation, son environnement naturel, la richesse de la région, si l’héritage des lieux a été respecté”. Pour voir se concrétiser un projet, cela peut prendre beaucoup de temps. “C’est un métier où il faut savoir être patient”, sourit Eric Dardé, “les hôtels que nous rachetons sont des entreprises familiales, et les propriétaires prêtent beaucoup d’importance à qui ils vont vendre”.
Alors que cela fait 20 ans qu’il a immigré au Royaume-Uni, le Français pense-t-il un jour ouvrir un établissement en Angleterre ? “Nous avons clairement des ambitions d’expansion”, répond-t-il sans précision quand, avant d’ajouter, “oui, j’aimerais bien ouvrir un hôtel dans le Devon, région que j’habite”. L’île est tout aussi intéressante dans ses objectifs de développement que n’importe quel autre pays, assure-t-il, et la météo n’est pas un frein. “La seule question que nous nous posons quand nous souhaitons racheter un établissement est : ‘est-ce que que c’est là que les gens veulent partir en vacances ?’. En Angleterre, il y a la possibilité de se connecter avec la nature, de penser à son bien-être et de faire du sport”. Donc, le pays répond bien à ces critères. En plus de ce côté de la Manche, Eric Dardé regarde beaucoup vers l’Italie. Mais rien encore de concret à annoncer, prévient-il.
Si les projets ne manquent pas, le Français continue de manager ses équipes à distance. “Ce n’est pas si compliqué, nous avons tous appris à vivre comme des nomades depuis dix ans”, estime-t-il. D’autant plus après la Covid. Le siège de l’entreprise est à Chambéry, en Savoie, où il retrouve tout de même régulièrement ses équipes. “C’est vrai qu’avec la distance, il faut faire deux fois plus attention pour ne pas perdre ce que le contact physique donne. C’est pour cela que nous organisons des moments pour tous nous retrouver. Et puis, nous communiquons beaucoup, c’est essentiel”.
Trois ans que le groupe Beaumier a pris sa nouvelle forme, maintenant il s’agit de tenir dans le temps. Mais cela n’effraie aucunement Eric Dardé. “Je suis passionné par mon métier et j’ai la chance de travailler avec des gens inspirants. Il y a un réel esprit d’équipe, qui regarde la vie de la même manière”, se réjouit-il. Et même s’il y a des hauts et des bas comme dans n’importe quelle entreprise, le Français est un “éternel optimiste”. “Si nous faisons les choses de manière sincère et en avançant ensemble, il n’y a pas de raison de se rater. Et puis, nous n’avons qu’une seule vie et j’ai envie d’en profiter”.