Trois mères attendent anxieusement aux urgences de l’hôpital des nouvelles de leurs enfants adolescents mystérieusement tombés malades dans leur école à Londres. Tout oppose ces femmes : culture, classe sociale. Mais les frontières entre elles vont au fil de cette longue attente s’effondrer, les forçant à remettre en question leurs propres relations et leurs croyances.
Derrière le synopsis de cette pièce de théâtre, intitulée “Spiked” et jouée du lundi 16 avril au samedi 28 avril au Pleasance Theatre à Islington, se cache une Française : Félicité du Jeu. La comédienne, connue entre autres pour son rôle dans la série “Section de recherches” sur TF1, a décidé de mettre au second plan sa carrière d’actrice pour se consacrer à l’écriture théâtrale. “A mon retour en Angleterre en 1998 (la quadragénaire est franco-britannique, NDLR), j’avais fait beaucoup de traduction de textes pour des théâtres. Et puis, un jour, je me suis dit : “pourquoi je n’écrirais pas moi-même une pièce ?”. J’avais envie d’essayer autre chose”, confie Félicité du Jeu.
Elle reprend alors des études et s’inscrit à un master d’écriture théâtrale. L’idée de sa future pièce, elle l’a dans un coin de sa tête depuis des années. “J’ai toujours été intéressée par le théâtre social”. Très marquée par le système éducatif anglais, la comédienne veut écrire sur le sujet. “J’ai été élevée en France, pendant la période socialiste. Je suis fière de la France pour son éducation juste et pour tous. En Angleterre, ce n’est pas la même chose. Il y a un grand écart social d’une école à l’autre, entre le privé et le public, on apprend pas la même chose d’un établissement à un autre, contrairement à la France où les élèves ont tous le même bagage”.
Il existe à Londres ce qui s’appelle la “school gate ségrégation”. A l’école publique, trois groupes sociaux se côtoient sans jamais communiquer entre eux. “Il y a la middle class, la working class et l'”ethnic minority”. Chacun des groupes évoluent parallèlement. Les enfants parlent entre eux, mais pas les mères”. C’est de cette “ségrégation” sociale, dont voulait parler Félicité du Jeu. “Je me demandais comment créer le lien, un pont pour réunir ces mères de cultures diverses, mais qui au fond ont tant de choses en commun et les mêmes ambitions pour leurs enfants”.
L’auteure met trois ans à écrire sa pièce, “entre relecture, corrections, ajustements”. Elle a aussi interrogé des mamans, de cultures et de groupes sociaux divers, dans son quartier d’Islington pour “connaître leurs aspirations”. “Invariablement, les réponses sont toujours les mêmes : elles espèrent santé, éducation et bonheur pour leurs enfants. Du coup, avec ce tronc commun, il était possible de parler de ce qui les rapproche plus que de ce qui les différencie”, commente Félicité du Jeu. Soutenue par l’association caritative “Islington Giving” et la Cripplegate Foundation, elle continue à travailler avec la municipalité pour recueillir encore des témoignages et avoir un éventail plus large “pour soutenir ce message”.
Cette pièce a été montée, conçue et sera jouée par des femmes de plus de 35 ans (Charlotte Asprey, Katie Clark, Daniella Dessa), lance Félicité du Jeu. Car c’est un autre combat que mène parallèlement la Française avec sa compagnie de théâtre, Pepperbox. “J’ai constaté au fil de ma carrière, que toute une génération de femmes dans le théâtre ou le cinéma atteignait le creux de vague au même moment, entre 40 et 60 ans. Le travail diminue à partir de ces âges à cause du jeunisme imposé par certains. Ces femmes deviennent alors invisibles”.
Félicité du Jeu souhaite donc combattre à son échelle cette discrimination liée à l’âge. “Il y a aussi la représentation de la femme en général dans le monde cinématographique. Par exemple, les femmes représentent la moitié de la population mondiale mais seuls 17% des figurants dans les films sont de la gent féminine. L’image que l’on renvoie alors de la société est déformée”.
A quelques jours de la première, Félicité du Jeu est “excitée”. “Je vis un vrai carrousel d’émotions. Mais je suis heureuse, car à chaque fois que je rencontre des mères de famille et qu’on échange, elles semblent intriguées par la pièce et me disent qu’elles ont vraiment envie de la voir. Cela me rassure, c’est que je n’ai pas dû complètement me tromper”, rit la Française, qui a encore plein d’idées en tête pour la suite. “Je n’exclus pas d’écrire quelque chose en français, mais je vais déjà voir comment cela se passe pour Spiked”.
One Response
Svp pièce montée, conçue et jouée avec des E par pitié