“Cela fait 20 ans que je vis et paie mes impôts ici, c’est donc normal que je puisse faire entendre ma voix”, estime Florence Cyrot. Et cela passe, pour elle, par la possibilité de voter mais surtout par une candidature pour être élue à la London Assembly, organe qui contrôle et audite l’action du maire de Londres. “C’est comme un petit parlement”, résume la Française, qui sera donc candidate pour rejoindre les rangs de cette assemblée, lors du scrutin organisé le 6 mai prochain et auxquels les citoyens européens auront aussi le droit de voter.
“Londres est une grande ville, il y a beaucoup de choses à faire mais aussi beaucoup de choses à corriger”, justifie-t-elle, avant d’ajouter, “le rôle du maire est important, il gère aussi bien les transports que la London Fire Brigade, il participe à la London Met Police ou s’occupe encore du logement social”. Un vrai pouvoir avec en prime la gestion d’un budget d’environ 17 milliards de livres sterling. “C’est énorme, c’est presque le PIB d’un petit pays. Il est donc normal qu’un organe vérifie et pose des questions sur ce que le maire peut décider et faire”.
Cette campagne électorale ne sera pas une première pour Florence Cyrot. Cette dernière avait en effet déjà été candidate pour les “local elections” en 2018, où les habitants de Londres étaient appelés à élire les conseillers municipaux de leur “council”. Si à l’époque la Française n’avait pas été élue, elle pourrait bien avoir ses chances pour ce scrutin. La Française se présentera cette année sur la circonscription de Lambeth et Southwark et partira sous l’étiquette Lib Dem, parti qu’elle a rejoint au lendemain du référendum sur le Brexit en 2016.
C’est d’ailleurs cet événement qu’il l’a décidé à s’investir en politique et même à prendre sa nationalité britannique, qu’elle a obtenue en novembre 2019. “Je me suis dit qu’il fallait vraiment s’impliquer, qu’on ne pouvait pas continuer à se plaindre des politiciens sans soi-même faire quelque chose”. Le Lib Dem était pour elle la seule option. “C’est le seul parti pro-européen, qui défendra et essayera toujours de protéger les droits des ressortissants européens”, défend-t-elle.
C’est à l’échelle locale que la Française, installée à Londres depuis 20 ans, a donc choisi de faire bouger les choses. Elle était déjà dans les starting blocks l’an dernier, les élections devant d’abord se tenir en mai 2020. Mais pandémie oblige, elles ont été annulées et reportées à 2021. Ce n’est qu’en février dernier que la confirmation de leur tenue a été annoncée. Florence Cyrot, qui travaille sur le campus de Londres d’une grande école de commerce, s’est donc remise rapidement en campagne. En téléphonant aux électeurs dans un premier temps, étant donné que le déconfinement n’avait pas encore eu lieu. “On a aussi été très actifs sur les réseaux sociaux”, ajoute la Française. Puis, accompagnée de son équipe, elle a repris le tractage et dorénavant, avec la levée des restrictions, le porte-à-porte.
Est-ce que le fait d’être française pourrait jouer en sa défaveur pour ce scrutin, lui demande-t-on. Non, répond-t-elle franchement. “Les gens entendent tout de suite que j’ai un accent mais sans pour autant identifier lequel”, souligne-t-elle, “par ailleurs, cela ne dérange personne. On est à Londres, tout le monde parle avec un accent”. Florence Cyrot ajoute que les électeurs sont en général plus intéressés par les thèmes de la campagne électorale que par les origines des candidats.
Parmi les thèmes sur lesquels elle a choisi d’axer sa campagne, la Française insiste sur l’un d’eux, qui lui semble essentiel et dont elle a d’ailleurs fait son cheval de bataille : le logement social. “Les boroughs, autorités locales, préfèrent des logements sociaux vides plutôt qu’occupés de façon à pouvoir, quand ils sont complètement désertés, les détruire et reconstruire des plus grandes tours et d’y ajouter des unités à revendre pour le marché privé”, se désole Florence Cyrot.
Cette pratique, qu’elle qualifie de dramatique, serait très en vogue sur sa circonscription. Elle prend comme exemple deux projets en cours, à Cressingham Gardens et Central Hill, des lotissements datant des années 60. S’il n’y a plus grand chose à faire pour le premier, le second pourrait encore être sauvé de la démolition. “On va faire une demande de “listing”, c’est-à-dire de classement, à Historic England”, promet-elle avant d’ajouter, indignée, “l’équipe actuelle prétend vouloir faire de Lambeth un council complètement vert avec 0 émission en 2030. Or quand on démolit et on reconstruit, c’est évidemment très mauvais pour l’environnement, sans compter qu’il n’y a aucun projet parallèle planifiant un développement des transports publics, d’écoles ou d’hôpitaux. Il serait tellement plus intelligent de rénover et d’isoler ce lotissement. Mais cela montre la vision à court terme de l’administration actuelle”.
Surtout, complète-t-elle, ce qu’elle trouve “scandaleux” dans ce genre de pratique, c’est que cela se fait au détriment d’une large partie de la population. “A Lambeth et Southwark, 40% des enfants vivent sous le seuil de pauvreté”, se désole-t-elle, “on a l’impression que même les élus du parti travailliste veulent faire de l’argent sur les terres qu’ils possèdent. Je comprends qu’ils aient un tas de contraintes budgétaires et qu’ils veuillent équilibrer leur budget, mais ils ont comme première mission d’assurer un logement social aux plus démunis. C’est pour cela qu’il faut changer l’administration de Londres mais aussi des councils” (ces élections locales n’auront lieu cependant que l’an prochain, ndlr).
Florence Cyrot espère donc être élue le 6 mai prochain pour avoir un droit de regard sur les actions de l’équipe municipale à Londres qui sera choisie par les électeurs. Elle incite d’ailleurs tous les Français, inscrits sur les listes électorales, à se “renseigner sur tous les candidats” et à se rendre aux urnes pour voter car “est important”.